vendredi 30 octobre 2009

Préjugés

Cette semaine, j'ai pris rendez-vous avec mon conseiller bancaire afin de régler quelques points avant notre départ pour l'Inde. Je l'avais déjà rencontré. Grand, rond, un physique bonhomme, une main molle, des lèvres pincées, des petites lunettes cerclées, un costume gris. Un banquier, quoi. Je lui dis où nous partons et dans quelles circonstances, et m'apprête à lui expliquer où se situe Hyderabad vu que personne ne le sait ou presque, quand il me dit : "si, si je connais". Et le voilà parti à me raconter ses nombreux voyages en Inde, me décrivant avec des trémolos dans la voix et des lumières dans les yeux, les pêcheurs jetant leurs filets dans l'océan au Kerala, les rues grouillantes de monde à Bombay, les lépreux qui vous tendent leurs moignons à Bénarès, la magie du Gange au lever du soleil, etc. Et moi, en face, je suis ébahie de le voir ainsi s'enflammer. C'est bien la dernière personne que j'imaginais, sac à dos, prenant des trains de 3è classe bondés pour sillonner l'Inde ! Les préjugés nous brouillent souvent la perception que nous avons des autres et cela m'a rappelé une mésaventure qui aurait dû me servir de leçon. Voici quelques années, j'accompagnais un voyage de presse en Arizona et nous étions logés dans un magnifique hôtel de la chaîne Hyatt. La PR (prononcer : pi-ar) qui nous accueillait, semblait sortir tout droit d'une série américaine des années 90, tailleur-pantalon impeccable, escarpins Jimmy Choo, brushing étudié, ongles french-manucurés, bref l'archétype (encore !) de la porte-parole d'un grand groupe hôtelier. Et voilà que se mêle aux journalistes un petit bonhomme en jeans, sweat-shirt à rayures, chaussettes à trois-bandes dans les baskets, bref, tout du red neck américain, toujours selon mes critères. Il me lance des œillades appuyées et, agacée, je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui faire comprendre que c'est une visite privée espérant qu’il repartira vite à ses occupations de caddy ou d'homme d'entretien. Or voici que l'attachée de presse l'avisant à son tour, l'attrape gentiment par le bras et le présente à la cantonade. C'était le General Manager de ce superbe hôtel ! Personne n'en a rien su mais je n'étais pas fière de moi. Je devrais me répéter plus souvent que l'habit ne fait pas le moine ...

mardi 27 octobre 2009

Son Altesse Exaltée

Comme je l'écrivais précédemment, le 7ème nizam de l'État de Hyderabad, musulman et pieux, "Son Altesse Exaltée", allié fidèle de la couronne d'Angleterre, était également un Harpagon dans toute sa "splendeur". Toute une vie passée à sucer des feuilles de bétel n'avait laissé dans sa bouche que quelques chicots rougeâtres. Il était d'une avarice telle qu'il portait de vieux pyjamas et des sandales achetées pour quelques roupies au bazar local. Pendant 35 ans, il porta le même fez, durci par la transpiration et la crasse. Bien qu'il possédât un service en vermeil destiné à recevoir plus de cent convives, il mangeait dans une assiette en fer-blanc, accroupi sur la carpette de sa chambre. Il était d'une telle parcimonie qu'il récupérait les mégots laissés dans les cendriers par ses invités. Lorsqu'un dîner officiel l'obligeait à offrir du champagne, il veillait à ce que l'unique bouteille qu'il faisait déboucher ne s'éloignât pas trop de lui. A l'occasion de la visite dominicale du résident britannique, un serviteur apportait un plateau avec deux tasses de thé, deux biscuits et deux cigarettes. Un jour, le Résident arriva inopinément avec un visiteur particulièrement distingué. Le nizam chuchota quelques mots à son servteur qui revint avec la tasse de thé, le biscuit et la cigarette manquants. Si sordide était sa pingrerie qu'un médecin venu de Bombay examiner son cœur, ne put lui faire un électrocardiogramme, aucun appareil électrique ne fonctionnant normalement dans son palais car il avait ordonné à la centrale de Hyderabad de réduire le voltage. Quant au fameux Koh-i-Noor, dont on dit qu'il est le plus gros diamant du monde, il le gardait dans un vieux magazine et s'en servait à l'occasion de presse-papier. Le souverain était pourtant immensément riche. Il possédait des malles pleines de roupies, de dollars et de livres sterling enveloppés dans du papier journal pour un montant estimé à 5 milliards d'anciens francs avant que les rats ne contribuent à déprécier cette fortune. Et dans le jardin laissé à l'abandon, une douzaine de camions étaient tellement chargés de lingots d'or qu'ils s'enfonçaient dans le sol jusqu'aux essieux. Rendons à César ce qui est à César, j'ai largement pompé des passages du livre de Lapierre et Collins mais je n'ai pu résister à l'envie de vous raconter une histoire parmi d'autres qui contribuent pour beaucoup à la fascination qu'exerce l'Inde sur ses visiteurs....

lundi 26 octobre 2009

Inde moins deux semaines

Pour la fête du soleil, des milliers de fidèles hindous se sont rassemblés samedi 24 octobre, sur les bords du lac Hussain Sagar, en Inde, près de Hyderabad, en déposant des offrandes sur l’eau. (Noah Seelam/AFP).

Depuis le temps qu'on en parlait, j'avais fini par me demander si nous partirions un jour. Depuis notre faux départ pour l'Algérie il y a deux ans, je me répétais que quelque chose finirait bien par se mettre en travers de nos projets. Chat échaudé craint l'eau froide. Cette fois, nous avons nos billets d'avion et nos passeports sont à l'Ambassade de l'Inde qui devrait nous les renvoyer d'ici une semaine munis du précieux sésame. Dans la foulée, nous avons demandé un visa pour Zuzu censée venir nous rejoindre pour Noël. Nous n'avons pas consulté les astrologues pour savoir si la date choisie, le 10 novembre, était de bonne augure, et nous aurions peut-être dû. Ainsi, le jour de l'indépendance de l'Inde devait être le 15 août 1947, avant que des pythies locales ne le déclarent "jour maudit par les astres". C'est ainsi que le choix se porta finalement sur le 14 août à minuit d'où le titre "Cette nuit, la liberté" de l'excellente saga de Lapierre et Collins que je viens de relire. Cela dit, l'Andhra Pradesh, où se trouve Hyderabad, notre point de chute, fut le dernier état princier à rallier l'Inde indépendante en 1949. Le royaume de Hyderabad avait alors à sa tête un nizam (l'équivalent musulman du maharadja hindou), 7ème du nom, sans doute le personnage le plus extravagant de son époque. Il était à la tête de l'état le plus peuplé des Indes - 20 millions d'Hindous et 3 millions de Musulmans, - situé en plein cœur de la péninsule indienne. C'était le seul souverain indien à pouvoir se prévaloir du titre d'"Altesse Exaltée", distinction conférée par l'Angleterre en remerciement des 5 milliards d'anciens francs dont il avait fait don à la couronne au moment de la première guerre mondiale. En 1947, il passait pour être l'homme le plus riche du monde, battait monnaie et possédait le fameux Koh-i-Noor - "la Montagne de Lumière", un fabuleux diamant de 280 carats, joyau du trésor des empereurs mogols. Ce qui n'empêchait pas ce vieillard chenu d'1,50 m pour 40 kg d'être d'une pingrerie légendaire. A suivre...

jeudi 22 octobre 2009

Appelez-moi Micheline


Lorsque j'étais petite, nous habitions le long d'une voie ferrée une rue qui portait le joli nom de "Boulevard de la petite vitesse". C'était un temps où les trains étaient tractés par des michelines et où d'accortes garde-barrières qui habitaient de coquettes maisons fleuries avaient tout pouvoir de vous faire patienter, vous, votre vélo ou l'auto familiale, le temps que passe un tortillard. C'était avant le Corail, le TGV, le TER, le Thalys ou l'Eurostar, tous ces jolis noms ou acronymes, synonymes de vitesse assurée et de temps gagné pour arriver à destination.

Longtemps, j'ai cru que je suivais moi aussi cette perpétuelle accélération du mouvement. J'étais "dans le coup", toujours à la pointe des nouvelles technologies et des moyens de communication. En 1995, j'avais déjà un modem (qui faisait un bruit de moissonneuse-batteuse enrouée), une adresse Compuserve avec une combinaison de chiffres impossible à retenir.

Le soir, j'écrivais sur mon PC de longs mails à mon chéri qui étudiait sur la côte ouest des Etats-Unis, et je les lui envoyais le lendemain de mon bureau à l'heure où mes collègues n'étaient pas encore arrivés (à cause du fameux modem peu discret, vous suivez ?). Aujourd'hui, je reste plus ou moins "branchée", j'ai un blog (voire deux ou trois, selon les moments et la nature de mes propos*), un compte Fessebouc, des albums photo sur Pi***aweb, je tchatte avec ma fille, mes nièces et mes copines, je joue à des jeux vidéo (enfin, un), bref, j'assure encore pas trop mal.

Sauf que, depuis peu, je constate une baisse de mon régime de croisière. Par exemple, je suis incapable d'emporter mon ordi portable sans faire suivre la souris sans fil, ma soeur lit ses mails sur son Iphone, alors que moi, je n'arrive pas à faire défiler les menus sans loucher par dessus mes lunettes, je n'arrive pas à envoyer de textos en mode T9, et aujourd'hui, ma fille a dû m'expliquer que quand j'écrivais à quelqu'un sur FB, il ne fallait pas que je le fasse depuis "mon" mur sinon tout le monde voyait ce que j'écrivais. Et voilà comment on se retrouve un jour coincé au passage à niveau(x) ...

* A ceux qui sont surpris de me voir revenue ici, je dirais seulement : "Souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie".

lundi 5 octobre 2009

Blog en jachère

Il n'a pas échappé à la perspicacité d'une de mes fidèles lectrices au moins, que mon billet précédent avait disparu. Sous le titre : "Celle qui ne savait pas s'amuser", j'y décrivais mon manque d'attirance pour les fêtes. Hélas, par maladresse, je puisai mon inspiration dans quelques scènes vécues lors d'une récente soirée. Deux personnes de mon entourage qui y assistaient se sont senties visées par mes propos et ont réagi de la manière la plus véhémente. J'appris à mes dépens qu'elles me lisaient sans jamais commenter, et en fait de commentaires, pour le coup, me pris une volée de bois vert. Mon intention n'ayant pas été de blesser, et surtout des proches, j'entrepris donc de m'expliquer et de m'excuser. Mais c'était trop tard, le mal était fait. Face au déferlement de petites phrases assassines dont une au moins laissera une trace pour longtemps indélébile dans mon cœur, je décidai de retirer le billet incriminé ainsi qu'un autre plus ancien, lui aussi mal interprété. L'affaire aurait pu en rester là mais il se trouve que ses répercussions me touchèrent d'encore plus près. Le jeu n'en valant pas la chandelle, ma première réaction fut de mettre un point final à ce blog malgré mon attachement à cet "espace d'expression" où je pensais naïvement être libre de mes propos. Après deux jours passés à me torturer les méninges, j'ai donc décidé de le mettre "en jachère". De toute façon, ma vie en ce moment n'a rien de passionnant. Au chômage depuis cinq mois, ma fille partie de la maison, dans l'attente d'un départ programmé à l'étranger qui tarde à venir, je ne pouvais me contenter de livrer des billets nombrilistes au risque, comme il me l'a déjà été reproché, de tomber dans l'auto-complaisance. Je laisse donc ce champ en friches pour l'instant. A vous qui venez vous y promener régulièrement depuis deux ans, je dis ceci : songez que même sur les terres les plus stériles, il arrive parfois que des fleurs sauvages parviennent à repousser...

mardi 22 septembre 2009

De Golconde à Golconde

En juillet 2000, les enfants en vacances chez leur père, j'étais partie rejoindre pendant trois semaines mon mari à Houston alors qu'il y était pour une mission de quatre mois. Comme il travaillait dans la journée, je profitais de mes temps libres pour visiter des musées, et c'est ainsi que je me retrouvai à la de Menil Collection, du nom de ses fondateurs-mécènes John de Menil et sa femme française Dominique, née Schlumberger.

J'ouvre ici une parenthèse, les Texans sont riches grâce au pétrole, ça on le sait depuis Dallas, mais ce qu'on sait moins c'est que ce sont souvent des amateurs d'art éclairés. La collection de Menil possède quelques œuvres majeures d'artistes surréalistes comme Dali, Miro, de Chirico, Marx Ernst et ... Magritte, dont ce tableau, Golconde. Si l'art, selon la formule consacrée, est avant tout un choc, pour moi, c'en fut un.

Je serais bien incapable d'expliquer pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre, j'aurais bien quelques idées si je me livrais à une auto-psychanalyse mais ça n'intéresserait personne. Il existe peu de clés pour décoder l'œuvre de Magritte. On pense que ses petits bonshommes à chapeau rond, tel que lui-même se représentait souvent, seraient liés au métier de sa mère, modiste, laquelle s'était suicidée alors qu'il n'avait que 14 ans (au secours, Monsieur Freud !).

Les titres sibyllins de ses tableaux sont tout aussi énigmatiques et celui-ci m'a toujours intriguée. J'ai lu dans un ouvrage d'art qui lui était consacré, que Magritte et ses proches se livraient souvent au jeu préféré des surréalistes parisiens des "cadavres exquis". Cela consiste à faire passer une feuille de papier sur laquelle chacun écrit un mot puis la plie en cachant au suivant ce qu'il vient d'écrire.

Réunis autour de l'artiste, face à la toile fraîche qu'il s'agissait de nommer, ses amis faisaient fuser les idées mais au final, c'était toujours lui qui décidait. Or, chez Magritte, tout était dicté par le poétique et le mystère, et aujourd'hui encore, Golconde ou Golconda garde tout son mystère.

Ces jours-ci, mon homme vient d'avoir la confirmation qu'il part pour une mission de six mois en Inde du Sud, à Hyderabad, capitale de l'Andhra Pradesh, et j'ai décidé de l'accompagner. Et voilà qu'en surfant sur le net, j'apprends que l'un des joyaux d'Hyderabad est un fort datant du 11ème siècle du nom de ... Golconde. Faut-il croire aux signes ?

lundi 14 septembre 2009

L'envol

Les parents ne peuvent donner que deux choses à leurs enfants, des racines et des ailes. J'ai lu ça quelque part, un jour, et je l'ai retenu dans un coin de ma mémoire. Et puis voilà, il arrive, ce moment où les enfants ont quitté le nid et où l'on se retrouve seuls. On a beau s'y préparer, rien à faire, ça a du mal à passer. De retour de vacances, sur la route, d'un seul coup, un grand moment de cafard. J'allais rentrer à la maison et m'y retrouver seule, du moins jusqu'à l'arrivée de l'homme, le soir. Je n'entendrai plus la porte s'ouvrir, je ne verrai plus entrer ma fille et savoir au premier regard si elle a passé ou non une bonne journée, je ne prendrai plus le thé avec elle pendant qu'elle me la raconterait, je ne pesterai plus contre sa chambre, je n'entendrai plus BrB râler parce qu'il ne retrouve pas son agrafeuse ou sa compil de Tommy Castro, je ne me disputerai plus avec elle, je ne danserai plus avec elle, je ne la verrai plus déchiffrer ses partitions au violoncelle, je ne m'inquiéterai plus de ses retards ...
La famille est une figure à géométrie variable. Je me souviens comme si c'était hier des dimanches à la maison quand nous étions tous les cinq dans ce qu'on appelait pompeusement le salon de musique, et où trônaient, en plus des instruments de chacun, l'ordinateur et la télé. La maison était grande mais non, nous nous agglutinions tous dans la même pièce, chien compris. Puis, Arthur est parti vivre chez son père. Quatre ans déjà. Et voilà, c'est le tour de Zuzu. Nous l'avons installée à Bordeaux où elle va suivre des études d'hôtellerie pendant trois ans, puis nous sommes partis tous les deux pour ce qui ressemblait fort à une lune de miel en Italie. Sur le chemin du retour, nous avons passé le week-end avec elle, histoire de faire les derniers "calages". Elle était visiblement heureuse de nous voir, sereine, contente de son choix, commençant à prendre ses marques. Je ne me fais aucun souci pour elle, je la sens bien dans sa peau, elle va vivre j'en suis sûre, des années qui vont compter dans sa vie, elle est bien entourée, elle va revenir nous voir... Non, je n'ai pas d'inquiétudes. Juste un manque, un vide, le sentiment qu'une page se tourne, que tout est allé si vite, que je ne m'y suis pas assez préparée, que je ne suis pas prête. Mais l'est-on un jour ?

mercredi 9 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (VI)

La Toscane me fait penser à un feu d'artifice. Viennent d'abord les "belles bleues", comme le ciel d'azur sur lesquelles s'ouvrent nos fenêtres le matin, ou le voile pervenche des madones des ex-voto sur le bord des routes ou des tableaux des maîtres de la Renaissance. Puis les "belles rouges", brique des campaniles ou rubis du Chianti dans les verres. Enfin, les "belles jaunes" des crete siennese, ces collines pelées ocre qui ont donné leur nom à la couleur terre de Sienne. Sans oublier, les "belles blanches", des parvis en marbre ou des statues en albâtre. Comme un feu d'artifice, l'émerveillement va crescendo. A Arezzo, Cortona, Montelcino, Sangimignano, ce ne sont que surprises et prétextes à s'exclamer. Entre ces jolies cités chargées d'histoire, les paysages de vignes, cyprès, oliveraies et chênaies sont un perpétuel régal pour l'oeil. Et puis, on arrive à Sienne, et l'on se dit qu'on n'a jamais rien vu d'aussi beau que ce majestueux Duomo à rayures blanches et noires, que ces fresques éclatantes de la Libreria Piccolomini, que cette Maestà de Duccio du Museo dell'Opera,... On finit par être soûlé devant tant de beautés, et puis voilà qu'arrive Florence. Florence, le bouquet final. On sait qu'on y reviendra car vraiment, consacrer une journée à ce fleuron, c'est comme visiter Paris en un week-end, une aberration ! Florence se mérite, quatre heures de queue sous le soleil pour la seule Galerie des Offices, non vraiment, on se dit qu'il faudra revenir, se lever tôt, mieux s'organiser. Alors, on part dans les rues au petit bonheur la chance, tiens, le Ponte Vecchio et ses joailliers, tiens, la Cathédrale et son tympan qui ressemble à une broderie géante, tiens la Santa Croce, ses fresques de Giotto et ses cénotaphes en marbre de Michel-Ange, Dante, Rossini... Alors, quand arrive la fin, comme pour les feux d'artifice, on n'a plus qu'une hâte : que tout recommence.

dimanche 6 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (V)

Finalement, nous avons trouvé le bon tempo. Le matin, après un copieux petit-déjeuner, nous nous adonnons au farniente. Il n’est pas étonnant de constater, quand on est en vacances en Italie, qu’il n’y a qu’ici et dans cette merveilleuse langue que les mots farniente ou dolce vita prennent tout leur sens. Puis, sur le coup de 14 heures, nous empruntons de sinueuses petites routes de campagne et partons à la découverte des curiosités toscanes. Hier, nous avons mis le cap sur le Sud avec comme but de promenade, l’Abbaye de Monte Olivetto Maggiore. Le guide National Geographic qui nous sert de vadémécum, nous apprend qu’elle fut édifiée au début du 14è s. par un noble héritier qui souhaitait se retirer sur les terres isolées de sa famille avec quelques compagnons, et se consacrer à la prière. Le Pape Clément VI autorisa la fondation d’un ermitage qui prospéra d’une façon inattendue et se plaça sous la protection de St Benoît. Et là se trouve l’attrait principal du lieu, les murs du cloître sont recouverts d’une série de fresques dues à deux artistes de la Renaissance, Luca Signorelli de Cortone et le Milanais Giovanni Antonio Bazzi dit Il Sodoma. Telle une bande dessinée géante, ces fresques remarquablement bien conservées, racontent la vie de St Benoît et des Bénédictins de l’époque. Une scène relatée sur deux panneaux voisins nous a particulièrement amusés. Sur le premier, on voit un certain Florenzo accueillir des courtisanes (le cartouche parle de male femmine), dans ce lieu de prières. Il va par cet outrage s’attirer la colère divine. Dans le deuxième, en effet, on le découvre écrasé sous un éboulis. Au cas, où l’on n’aurait pas compris, ces mots terribles sont gravés dans le marbre sous la fresque : Come Dio punisce Florenzo. Seule la tête du pauvre garçon émerge d’un fatras de pierres et dans le ciel, de petits diablotins goguenards survolent la scène en proie à une franche hilarité. Les moines d’aujourd’hui cultivent sagement les vignes du Seigneur et ne font plus partager à leurs visiteurs, du moins on l’espère, que l’ivresse de leur vin et de leurs élixirs.

vendredi 4 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (IV)

En rentrant hier soir du restaurant où nous avons passé une délicieuse soirée sous la tonnelle à faire plein de projets, nous avons constaté que notre petite annexe avait été investie par deux familles d’allemands qui ont bu du Chianti fort tard et fort bruyamment sous nos fenêtres. BrB leur a demandé de se taire dans un anglais disons, assez ferme, et ce matin, à la piscine, une des jeunes femmes est venue s’excuser. Ils sont de Munich ce dont je m’étais doutée, car je savais par Lena que la Bavière était le dernier länder à reprendre le chemin de l’école. Après deux bonnes heures de farniente, pendant lesquelles j’ai terminé de relire « Avril enchanté » de cette chère Elizabeth von Arnim, un bouquin bien de circonstance, nous avons décidé de nous secouer un peu. Nous avions repéré à une heure de route un outlet, énorme centre commercial de vêtements démarqués, la mode en Italie faisant aussi partie de la culture, non, non, je n’essaie pas de me dédouaner… Nous y avons fait quelques emplettes raisonnables, puis histoire de ne pas donner que dans la futilité nous avons mis le cap sur la jolie ville de Cortona. Comme il était déjà assez tard, nous avons eu droit à un superbe coucher de soleil sur la campagne toscane, c’était magique ! Cortona se monte moins du col que sa voisine Arezzo et nous y avons trouvé une ambiance très … italienne. Très peu de touristes en effet, juste des gens du cru qui profitaient de la soirée pour dîner dehors, boire du vin ou de la grappa en terrasse, ou simplement prendre le frais sur le pas de leurs portes, s’interpellant avec une bonne humeur qui n’appartient qu’à eux. Et nous, nous nous sentions simplement bien au milieu d’eux. Arrivederci !

jeudi 3 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (III)

Nous faisons en fin de compte pas mal de kilomètres pour nous rendre sur les sites touristiques. Nous avions décidé de consacrer la journée à Sangimignano et nous sommes passés par la route des vins, ce qui n’était pas le plus court chemin même si le détour en vaut la peine tant les paysages sont à couper le souffle. Avec tout ça, nous sommes arrivés à la plus mauvaise heure sur place, et nous avons mis une demi-heure pour nous garer au pied des remparts et raté le marché. Notre premier achat de touristes a été … un parapluie. En effet, un gros orage nous attendait sitôt passée la Porta San Giovanni. Heureusement, il a été de courte durée et la chaleur a repris ses droits. J’ai oublié de le mentionner mais il fait plus de 30° depuis notre arrivée en Italie. L’après-midi, il n’est pas rare que la température flirte avec les 35 voire 37°. Sangimignano est bien sûr de toute beauté mais nous l’avons trouvé trop touristique. Ca rappelle un peu les Baux de Provence où le charme est un peu gâché par le temps passé à se garer et l’affluence. Début septembre et en semaine, nous ne nous attendions pas à cela. Qu’est-ce que cela va être à Sienne et Florence ? Nous avons fait l’impasse sur le musée et préféré une visite à la Collégiale, célèbre pour ses deux séries de fresques représentant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, et à l’église de Sant’Agostino. Là, j’ai eu un véritable coup de cœur pour la « Vierge à l’Enfant avec huit saints » peinte en 1494 par Pier Francesco Fiorentino. Je me suis sentie bêtement émue et très sensible à l’ambiance du lieu. De retour à la Villa la Grotta, nous nous sommes mis en quête d’un restaurant et nous en avons dégotté un dont le nom fait encore sourire « la osteria dell’oca satolla » qui, si j’ai bien compris signifie « l’auberge de l’oie pansue » ou repue ? Ce que nous étions en repartant. Ciao !

mercredi 2 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (II)

La Villa La Grotta est envahie de français, de couples essentiellement puisque nous sommes hors vacances scolaires. Nous sommes tous là à la faveur d’un accord passé entre la Direction de l’hôtel et un site de voyages qui dégriffe des séjours de dernière minute et ainsi, tout le monde s’y retrouve. Notre appartement puisqu’il s’agit bien de cela, se compose d’une chambre, d’une salle de bain et d’un grand salon avec une cheminée. Une kitchenette permet même de pouvoir grignoter sur place si l’on ne veut pas dîner dehors. Tout est meublé et décoré dans un style champêtre de bon goût. Les fenêtres donnent sur la piscine et au-delà, sur un paysage de collines parsemées de cyprès. Les propriétaires ont donné aux chambres des noms de peintres de la Renaissance. Il nous est échu la « Piero della Francesca » et coïncidence, c’est sur les terres de ce dernier que nous avons choisi de passer notre première journée. En effet, le principal attrait de la jolie ville médiévale d’Arezzo est le cycle des fresques de « La Légende de la Vraie Croix », le chef d’œuvre de Piero della Francesca. A noter que dans un des tableaux censé se situer en Terre Sainte, Jérusalem ressemble à s’y méprendre à Arezzo. Voici pour la minute culturelle. Quant à la minute gastronomique, nous avons déjeuné léger sur la Piazza Grande et j’ai pris un bruschetto aux pomodori, ce qui m’a rappelé le pain aillé arrosé d’un filet d’huile d’olive que Maman nous faisait quand nous étions petits. Pour commander, c’est parfois cocasse. Personne ici ne parlant le français, juste un peu l’anglais, je m’exprime dans un sabir mi-espagnol mi-italien en essayant de prendre l’accent. Nous retournerons peut-être dimanche à Arezzo car c’est la fête de la Giostra del Saracino, la joute du sarrasin qui évoque l’époque où les pirates barbaresques menaçaient la Toscane. Arrivederci !

mardi 1 septembre 2009

Je vous écris d'Italie (I)

Tout le monde nous avait parlé des tunnels. J’ai dû avoir un long moment d’absence quand on a étudié la géographie de l’Italie du Nord au lycée car je ne la voyais pas si montagneuse. De Vintimille à, disons 50 km avant Florence, ce n’est qu’une succession de virages, viaducs et autres boyaux à peine éclairés. Sans compter les italiens qui ne respectent pas du tout les limitations de vitesse comme chez nous, et n’hésitent pas à vous doubler sur la droite. Flippant pour la trouillarde que je suis en voiture. Nous avons pris le chemin des écoliers. Partis de Marseille, notre précédente étape vers 10 heures, nous avons déjeuné sur la Promenade des Anglais d’un délicieux carpaccio de loup et de sorbets à la pêche de vigne et au limoncello. Puis décidé de prendre la route de la corniche entre Nice et Monaco. Je n’étais pas revenue là depuis l’été de mes 10 ans et les yachts mouillants au large du Cap d’Ail m’ont arraché des ah ! et des oh ! d’émerveillement. Mon mari m’a trouvé très gamine. Avec tout ça, il était 15h30 quand nous avons passé la frontière - très virtuelle depuis Schengen - et nous ne sommes arrivés à destination qu’après 20 heures, épuisés par la route, BrB d’avoir conduit et moi de m’être cramponnée à ma portière. La Villa La Grotta où nous allons passer une semaine est une très belle bâtisse du 17è restaurée dans le plus pur style toscan. Nos hôtes sont deux charmants garçons, Gian-Luca et Luigi. Nous nous sommes entièrement fiés à eux quand ils nous ont indiqué une bonne adresse pour se restaurer, au nom poétique de La luna nel pozzo. Heureusement que nous avions la voix désincarnée de notre tom-tom pour nous conduire à bon port car il encore fallu emprunter une route à lacets, seulement éclairée par la lune qui fort heureusement, n’était pas tombée dans le puits. Nous avons fini par dîner sous la treille d’excellentes charcuteries italiennes et de pasta aux truffes, le tout arrosé de Chianti dont c’est le pays. Ce sera tout pour aujourd’hui. Ciao !

mardi 25 août 2009

Paris au mois d'août

Cette année-là, le 25 août est tombé un dimanche. Les rues de Paris étaient désertes et nous n'avons eu aucun mal à rallier le quartier où j'avais rendez-vous avec toi, le XIVè. Quatre coups venaient de sonner à la grande horloge de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, que les parisiennes branchées appellent SVP, quand j'ai été autorisée à pénétrer dans le saint des saints, la salle de travail. Quatre heures et quatre centimètres. Excuse-moi pour ce détail trivial mais un jour, je l'espère, tu comprendras. Je m'efforçais de ne pas trop penser à la douleur et de me concentrer sur le carré de ciel bleu qui se détachait de la fenêtre. Quand je revois cette scène, j'ai toujours cette image des trois filles s'activant autour de moi et du soleil entrant à flots dans la pièce. En dehors de ton père qui se tenait discrètement dans un coin, nous n'étions que des femmes : l'anesthésiste, la sage-femme, l'infirmière et moi, la parturiente. D'elles trois émanait un mélange de décontraction - visiblement elles se connaissaient bien - et de compétence. Je me sentais en confiance. J'avais pourtant un mal de chien, le mal joli, tu parles ! On m'avait fait une "petite" péridurale car le travail était déjà bien commencé quand j'étais arrivée et puis, je voulais participer, tu me connais. Tu as remarqué ce mot, travail, qui revient tout le temps quand on parle d'accouchement ? Étymologiquement, travail s'apparente à torture et ce n'est pas toi qui diras le contraire, n'est-ce pas, ma chérie ? Mais moi qui suis par nature assez appliquée, je peux te garantir que je faisais mes devoirs consciencieusement ce jour-là. Ton arrivée était prévue pour le 25 août et tu es arrivée ... le 25 août. Pas pressée, à la limite de la ponctualité, ça non plus, ça ne t'étonnera pas. Je ne savais pas si j'attendais une fille ou un garçon mais j’avais entendu ma grand-mère dire que que les petites filles prennent plus leur temps car elles font leur toilette. Bon, finalement, quand tu t'es décidée à venir, tout a été très rapide. Deux poussées pour la tête, une pour le corps et hop, tu étais là. 18h45, une heure que j'aime entre toutes, surtout l'été. Quand j'ai compris que j'avais une fille, ma fille, j'étais folle de joie. On t'a mise sur mon ventre. Je t'ai trouvée superbe. Pas fripée, un teint de pêche, des yeux clairs, des cheveux et des sourcils très blonds et des cernes sous les yeux comme ton papa. A première vue, tu ne me ressemblais pas du tout, ni à ton frère. Voilà, ma princesse, ma petite poupée blonde, comment tu as fait ton entrée dans la vie, dans ma vie. Un 25 août comme aujourd'hui. 18 ans que tu fais mon bonheur. Bon anniversaire, ma chérie !

jeudi 20 août 2009

La tentation d'écrire

Pour les deux ans de mon blog, je me suis fait un petit cadeau. J'ai décidé d'en faire imprimer quelques morceaux choisis. Cela donne un recueil de 135 pages, de format 17,6 x 25 en quadri, dos collé, mise en page faite par moi-même avec sommaire, dédicace, table des illustrations, mentions de l'imprimeur, copyright, résumé en quatrième de couv', bref un presque vrai livre. J'en ai confié la réalisation à un imprimeur avec lequel j'avais l'habitude de bosser à l'agence et qui, de fait, a rendu un travail très soigné. Le hic c'est que, compte tenu du peu d'exemplaires et du traitement "à la pièce", chacun m'est revenu à 30 euros. J'en ai donc fait tirer une dizaine que j'ai offerts à mes proches. Et puis, voilà que je reçois la visite d'une copine que je ne vois pas souvent puisqu'elle vit en République du Congo ce qui en fait ma plus lointaine lectrice. Nous discutons du sujet, elle me dit qu'elle-même est tentée par l'aventure mais manque de temps. Maman de deux jeunes enfants et active depuis qu'elle a ouvert une petite agence de pub à Pointe Noire, elle a fait récemment publier un livre pour enfants dont elle a écrit les textes et illustré par des artistes locaux. Elle s'est débrouillée pour trouver un sponsor et le faire distribuer à la rentrée dans toutes les écoles maternelles de la ville. Avec son expérience de femme d'expat' en Afrique, maman attentive et entrepreneuse dynamique au grand coeur, les sujets de blog ne lui manqueront pas. De fil en aiguille, je lui montre mon "livre" dont il me restait deux exemplaires et là, elle sort un billet de son porte-monnaie et insiste pour l'acheter. Je suis à la fois très gênée et émue. Qu'on puisse apprécier mon travail au point de vouloir y mettre le prix me sidère ! Je vais vous faire un aveu, la tentation d'écrire me taraude depuis que je vis cette période d'inactivité forcée et mes proches me poussent à me jeter à l'eau. Ce qui me freine ? D'abord, je ne suis pas persuadée d'avoir ce talent et je suis assez réaliste pour savoir que j'ai une chance infime d'être publiée un jour. Et puis, en tant que lectrice, je trouve l'offre d'ouvrages publiés pléthorique et le livre neuf, une denrée chère et à durée de vie limitée. J'avais du reste déjà écrit un billet sur la date de péremption très courte des livres et leur triste fin. Le Télérama de cette semaine recense 430 nouveaux romans pour la seule rentrée littéraire de septembre, sachant que la prochaine est en janvier. Qu'en émergera-t-il ? Une ou deux bonnes surprises, les éternelles locomotives, et surtout, les petits malins qui ont trouvé le bon créneau mais ne sont pas forcément ceux qui écrivent le mieux. Non, je ne citerai pas de nom ...

mardi 11 août 2009

Ils ont des chapeaux ronds

Ce week-end, nous étions en Bretagne. Pas celle de notre chère capitale, non, celle des côtes et des embruns, des solides maisons en granite, des rochers déchiquetés par les flots et le vent, en un mot, l'Armor. En plus, le temps était superbe et la Bretagne sous le soleil, c'est vraiment magique. Nous étions reçus, merveilleusement comme à chaque fois, par des amis chers à notre cœur, comme dit si bien Philippe Meyer sur France Inter. J'en profite pour rassurer son fan club, Bérangère va bien. Elle est en vacance de blog et en vacances tout court sur ses terres. C'est d'ailleurs un des derniers endroits en France où les portables ne passent pas et où les seuls débits qu'on connaisse sont les débits de boissons. Tout l'été, la jolie maison aux hortensias ne désemplit pas. Les copains venus de Singapour, San Diego, Jérusalem, Paris ou d'ailleurs se succèdent autour de grandes tablées où l'on déguste un succulent agneau au coco de Paimpol (AOC) et un délicieux far aux pruneaux (AOC), spécialité de PP. Dimanche soir, nous avions décidé de faire un tour au Festival du Chant de Marin de Paimpol, ou Pempoull pour les puristes. Pendant trois jours, ce petit port se pare de ses plus beaux atours, vieux gréements pimpants aux oriflammes chatoyantes, ambiance bon enfant, vrais bretons et touristes se régalant de galettes-saucisses ou cochon grillé, une bolée de cidre ou une canette de Coreff à la main. Outre le plaisir des yeux et du ventre, celui des oreilles n'est pas oublié grâce à ces petits groupes de chanteurs en marinière et vareuse qui entonnent le répertoire des terre-neuvas ou celui de Mac Orlan repris en chœur par un public tout acquis. Je suis toujours aussi fascinée de voir ces grappes de gens s'attraper par le bras ou le petit doigt pour chalouper ensemble telle une énorme vague ! Bien sûr, pour créer l'attraction et aussi concurrencer les autres festivals de la région, celui-ci propose quelques têtes d'affiche comme cette année, Marianne Faithfull ou ... Alan Stivell. Là, mon lecteur juste réveillé se frotte les yeux. Qui ? Alan Stivell ? Le chantre de la Bretonnitude, le barde à la harpe qui le premier fit connaître Tri Martolod à toute une génération ? Il chante encore ? Oui et à 65 ans, il fait le plein, le bougre ! Le Quai Loti était noir de monde et j'ai dû jouer des coudes et me hisser sur la pointe des pieds pour tenter de l'apercevoir. Ainsi, c'était bien lui, le Dieu de mes copains bretons du camp d'ados 1973 ? Pour ce petit moment de nostalgie, Mersi bras ha kenavo, Monsieur Stivell !


lundi 3 août 2009

Welcome to Savannah

Le retour à la maison s'est accompagné de la venue d'un nouveau membre à notre foyer, une adorable petite chatte gris anthracite, aux poils longs et aux yeux gris verts. Zuzu et moi avions rendu visite à la portée la veille de notre départ en vacances. Je voulais de préférence une petite chatte, vestale du foyer, car fatiguée de m'attacher à des matous qui ne pensent qu'à fuguer. Les copains qui cherchaient à placer leurs chatons en avaient quatre dont deux demoiselles. La première m'a griffée et s'est sauvée, la seconde s'est lovée contre moi et a ronronné : elle m'avait choisie. Trois semaines plus tard, nous étions sur la route quand les copains ont appelé, ils partaient en vacances et ça les arrangeait qu'on vienne chercher notre protégée. Une heure à peine après avoir posé nos bagages, nous étions reparties. D'après le manuel du bon usage des chats de compagnie, lu après coup, nous avions tout faux. Il aurait fallu la transporter dans un panier ou une boîte alors que nous l'avions mise sur les genoux de Zuzu. Je sais que certains félins peuvent devenir hystériques, planter leurs griffes dans l'épaule du conducteur et provoquer un accident mais, franchement, elle nous paraissait bien zen et elle a dormi pendant les trente minutes du voyage. Dormir comme un bébé - qu'elle est - et se cacher sous les meubles a du reste été sa seule activité pendant les premières vingt-quatre heures. Depuis, elle se dégourdit à vue d'oeil. Elle saute du sol de la cuisine au premier barreau de la chaise, s'enhardit, grimpe sur l'assise, et essaierait bien la table si un "non" énérgique ne venait l'en empêcher. Elle a investi le canapé malgré le joli petit coussin bariolé que j'avais acheté spécialement pour elle et, je dois l'avouer, je l'ai trouvée une ou deux fois sur les lits. Je passe des heures à l'observer, j'avais oublié combien le spectacle d'un chat jouant avec un bouchon de liège accroché à une ficelle (son jouet préféré fabriqué pour elle par BrB) pouvait être captivant. Trois jours qu'elle est là et nous en sommes déjà fous tous les trois. Nous avons attendu que BrB rentre de son voyage en Inde pour la baptiser. Plusieurs noms tenaient la corde. Finalement, on a choisi Savannah. BrB pensait à la pièce de Duras, moi plutôt à "Minuit dans le jardin du bien et du mal" qui se passe dans cette ville du Deep South américain (j'ai préféré le bouquin à l'adaptation qu'en a faite Clint Eastwood). Savannah ne remplacera pas Oratio dans nos coeurs mais déjà, cette petite boule de poils d'à peine un kilo est en passe de prendre une place énorme dans notre vie.

lundi 6 juillet 2009

Elle descendait dans le Midi

Elle est tombée du lit à 6 heures. A eu une pensée pour tous ceux et celles dont c'est le lot quotidien. A pris son petit-déjeuner sur la terrasse. Thé, pain grillé beurré, fromage blanc. Dans les cerisiers, les oiseaux faisaient un raffut terrible. Elle a songé à tout ce qui restait à faire sur sa to do list avant son départ demain. Elle a installé la table à repasser devant la télé. A l'écran, William L. occupait le paysage médiatique comme il y a déjà, voyons, combien ? 20 ans ? Le quadra au flegme britannique avait laissé la place à un sexa légèrement désabusé, sorte de roi du PAF entouré de sa cour. On sentait qu'il ne fallait pas le contrarier. Le public aussi avait dû vieillir au vu des sujets abordés, normal a-t-elle songé, la ménagère de moins de 50 ans a déserté pour le câble depuis longtemps. Elle s'est attaquée à la montagne de repassage comme dit sa mère avec son sens des formules. D'abord ses affaires et celles de sa fille, puis les chemises de son mari. Trois semaines d'absence, ça fait bien une quinzaine de jours-chemises en enlevant le 14 juillet et les week-ends. Bien sûr, elle aurait dû s'avancer mais la procrastination l'avait encore frappée. Bon, le fer s'est montré coopératif, les chemises soigneusement étendues et détendues auparavant, aussi. Elle s'est arrêtée prendre un café quand sa fille s'est levée. Ensemble, elles ont choisi les morceaux à graver sur des CD pour la route. Deux fois 5 heures, ça valait le coup de faire sa playlist si on ne voulait pas se taper 15 minutes de pub toutes les demi-heures de son pop-rock. Après, elle a dû faire face à la question existentielle. Je prends la grande valise ou la moyenne et la petite ? A opté pour la grande, qui sera "pleine de vide", comme va lui faire remarquer l'homme lui qui voyage toujours si léger. Ca lui a rappelé quand elle partait un mois en colo. C'est long un mois. En même temps, l'été dans le Midi, tout sèche si vite... Lavé et remis dessus, comme dit la dame aux formules. Finalement, elle en est venue à bout, des chemises et des valises. Elle a passé quelques coups de fil, réglé quelques papiers, trié les livres qu'elle était sûre de vouloir lire ou relire. C'est l'esprit tranquille qu'elle est allée dîner avec l'homme rentré du boulot. La fille, elle, était partie tromper l'angoisse des résultats en passant la soirée chez des copains. Demain, restera à faire le plein et acheter de quoi faire des sandwiches, tout est si cher sur les autoroutes, et aussi approvisionner un peu le frigo pour celui qui n'a pas de vacances. Demain, elle saura si elle part seule ou à deux et quand elle part. Il suffira d'un nom et d'un prénom sur la bonne liste...
Aujourd'hui, 7 juillet, 10 heures : fin du suspense, Zuzu a le bac et on part !

samedi 4 juillet 2009

Choses vues

Depuis quelques temps, il est de bon ton d'enterrer sa vie de célibataire. Il n'est pas rare de voir un groupe de copains entourant une pauvre victime vêtue d'une tenue de bagnard poussant la chansonnette sous les yeux de passants vaguement amusés. De plus en plus, les filles sont logées à la même enseigne. On les affuble d'un costume de Bunny, ce qui les rend aussi pitoyables que Bridget Jones dans la fameuse scène où elle est la seule à être déguisée. Quand je me suis mariée, Dieu merci, ça n'existait pas. Vers la fin des années 80, seule ma copine belge Patricia nous a fait le coup et encore, l'enterrement de sa vie de jeune fille s'est fait chez Michou où être travestie en Sheila époque "l'école est finie" est passé complètement inaperçu. Même Michou en personne (et en bleu cobalt), est venu nous voir entre deux numéros pour nous dire "Mais enfin mes p'tites cocottes, c'est pas vous qui auriez dû venir ici, c'est vos copains !" Véridique. On l'aura compris, cette tradition importée d'on ne sait où (d'outre-atlantique comme Halloween ?) n'a pas mes faveurs. Si j'en parle c'est parce que tout à l'heure, alors que nous déjeunions en terrasse avec BrB, mon regard a été attiré par un groupe de copines portant tee-shirts et perruques bariolés, accompagnant l'une des leurs pour ce sacrifice rituel. Mais bizarrement, quelque chose clochait et j'ai mis un moment à m'apercevoir qu'elles communiquaient entre elles en langage des signes ! Du coup, allez savoir pourquoi, ce qui m'agace d'habitude m'a paru soudain touchant. Une heure après, nous prenions le bus quand une autre scène a capté mon attention. Il existe un endroit prévu pour les personnes accompagnées de bébés en poussettes. Celles-ci sont disposées de façon à ne pas gêner le passage, les unes à côté des autres, les parents pouvant s'assoir sur un strapontin à côté quand le bus n'est pas trop bondé. Devant nous, deux poussettes. Dans la première, le bébé est un petit garçon blanc, et dans l'autre une petite fille noire. A peine un an chacun. Tout à coup, la petite fille attrape les doigts du petit garçon et pendant tout le trajet, leurs petites menottes sont restées enlacées, sous le regard attendri des autres voyageurs. Je me suis mise à penser à la chanson de Mc Cartney et Stevie Wonder "Ebony & Ivory" et me suis sentie toute chose. Parfois, la vie c'est simple.

mercredi 1 juillet 2009

Devoirs de vacances

Dans une semaine, je suis en vacances, nananananère. Et oui, même les chômeuses ont droit à des congés. C'est même ce que m'a dit le seul conseiller du Pôle Emploi vu à ce jour. Donc, à ceux qui lancent des remarques perfides du style "t'es toujours en vacances", je précise que non, un chômeur ne chôme pas forcément. Hier soir, j'en ai rencontré un (nous étions deux sur neuf à table où comment rendre les statistiques concrètes...), victime d'un plan social qui a fait beaucoup de bruit dans notre bonne ville. Il me disait qu'entre la cellule de reclassement et l'Apec, il a eu un rendez-vous tous les deux jours en juin. De mon côté, j'avoue ne pas avoir vraiment activé mes réseaux ni réfléchi à mon projet professionnel, selon les formules consacrées, durant ces deux premiers mois. J'ai accompagné moralement ma future bachelière de fille (celles et ceux qui sont passés par là comprendront...), j'ai veillé à la bonne marche de la maison, et me suis lancée dans un projet associatif sympa, le Circuit des Têtes de l'Art. J'ai donc concocté le communiqué de presse et relancé les médias pour connaître leurs dates de bouclage. Hier avec mes petits camarades, nous avions un rendez-vous avec l'étudiant en arts appliqués qui nous fait l'affiche et le dépliant, et tout à l'heure, avec l'office de tourisme, partenaire de l'opération. Bien sûr, c'est du bénévolat mais professionnellement, assez proche de ce que je faisais avant d'être débarquée de l'agence. C'est bon de vérifier de temps en temps qu'on n'est pas trop "rouillé". Ajouté à cela que vendredi dernier, j'ai fait une visite guidée de Rennes "sur les pas d'Odorico" avec ma copine Bérangère. Ce jeu de piste à la recherche des mosaïques disséminées partout dans la ville a attiré un public d'une moyenne d'âge disons très "université du temps libre" comme l'a si finement fait remarquer B. Nous avions dans le groupe, un Rouletabille gominé façon Valentino que, par moments je l'avoue, nous regardions plus que les entrelacs imaginés par Vincent et Isidore O. Pour les curieux, je vous renvoie à la description de B. (j'ai oublié de vous dire, on a décidé de devenir l'agent littéraire l'une de l'autre). Bon, pour en finir avec ce billet aussi erratique que mes pensées du matin, devinez quelle est ma principale occupation de la semaine : préparer mes vacances !

mercredi 24 juin 2009

Je lis donc je suis

J'observe en ce moment sur les blogs et dans la presse une tendance très nette à parler des livres, de ceux qu'on lit, de comment et pourquoi on les lit, etc., et j'en suis arrivée à me poser cette question : en ces temps troublés, la lecture est-elle devenue la dernière valeur refuge ? Personnellement, quand je déprime, je me plonge dans le sommeil et je m'évade dans les livres. Dans un cas comme dans l'autre, j'oublie tout, je suis ailleurs, plus rien ne m'atteint. Pour autant, je ne sais pas si je suis une lectrice compulsive telle que se décrit Pierre Assouline dans un article paru dans le Monde 2 de samedi dernier et sur son blog. Comme ces gamins qui dès qu'ils commencent à déchiffrer leurs premiers mots, lisent l'étiquette du paquet de Benco. Ou comme le chroniqueur lui-même qui dit lire les notices d'utilisation de l'ascenseur quand il en prend un. C'est vrai que je pourrais faire mien le "jamais sans mon livre" d'une ancienne émission de PPDA. Quand je prends le bus, le métro, le train, l'avion, quand je sais que je vais devoir patienter dans une salle d'attente, j'ai toujours un livre de poche ou un magazine roulé dans mon sac. Pourtant, je peux rester des semaines sans lire, quand tout me tombe des mains, quand la pile sur ma table de nuit augmente sans que rien de ce qui est dessus et que j'ai pourtant moi-même élu, ne me tente. Dans ces périodes-là, je butine, pioche des articles à droite et à gauche dans la presse, surfe sur la blogosphère, fais des mots-croisés, ou bien j'écris. A d'autres moments, je lis - des livres, des vrais - de façon quasi frénétique, souvent par série. Tous les Jane Austen, tous les Rougon-Macquart, toutes les mémoires du Castor, de la jeune fille rangée à la femme dans la force de l'âge, ou la bio-pavé de Victor Hugo par Max Gallo... Ou alors, je pars sur les traces de mes enquêteurs préférés, j'accompagne Dave Robicheaux dans le bayou d'Atchafalaya, Harry Bosch à L.A, Kurt Wallander en Scanie, Pepe Carvalho sur les ramblas, Erlendur en Islande... Savoir que j'ai six ou sept bouquins qui m'attendent me rassure, comme si, tel Sisyphe, je roulais ma pierre indéfiniment et, ce faisant, j'éloignais la Camarde. Attends un peu, ma vieille, tu vois bien que je n'ai pas fini de lire, repasse plus tard...

vendredi 19 juin 2009

Qu'elle était verte mon agence


Cette semaine, j'ai déjeuné avec mes ex-collègues. Pour l'une d'elles, c'était son dernier jour à l'agence. La greffe n'a pas pris et elle a choisi de retourner chez son ancien employeur. Heureusement pour elle, elle avait pris un congé sabbatique avant de tenter l'aventure de la pub. Pour rappel, mon poste a été supprimé et j'ai fait l'objet d'une procédure de licenciement économique. Bien sûr, le travail que je faisais, même au ralenti, ne s'est pas arrêté par miracle. J'ai donc appris par mes collègues qu'un mois à peine après mon départ, j'ai été "remplacée" par une stagiaire sortie de l'Ecole Supérieure de Commerce cette fois (jusqu'où va se loger la vanité de mes ex-patrons !). Je ne vais pas reprendre le couplet du stagiaire-kleenex, je l'ai déjà chanté. Je note cependant que mon infortunée remplaçante s'est entendu dire que oui, bien sûr, c'était la crise, mais qu'elle n'allait pas durer éternellement et que si elle s'impliquait vraiment dans l'agence, elle serait prioritaire en cas de création de poste (au regard de la loi, c'est moi qui le suis mais c'est un détail qu'ils ont semble-t-il oublié). Non, mon propos aujourd'hui est tout autre. Mes collègues m'ont rapporté que parmi les missions qui lui ont été confiées, elle est censée proposer des pistes pour inscrire l'agence dans une démarche de développement durable. Wouaouh ! La trouvaille ! Car comme l'a relevé très bien ma collègue en partance : "Rappelle-moi quand tu as vu Y. descendre une poubelle la dernière fois ?" Sans compter qu'une semaine avant mon départ, il n'avait toujours pas compris que les bouteilles vides ne se mettaient pas dans le sac jaune des papiers. Ce type, c'est un autiste de la vie en communauté et le degré zéro de la prise de conscience environnementale. Oui, mais c'est un malin, et il a dû sentir dans les nombreux réseaux où il grenouille pointer la tendance (pas besoin d'avoir le nez de Cyrano pour ça en ce moment) au green washing. Il se dit que ça a marché aux Européennes, ça pourrait marcher avec quelques clients (oui mais alors fraîchement débarqués de la planète Mars) qui auraient besoin d'une campagne de pub éthique et biodégradable. On connaissait les patrons voyous, voici venu le temps des patrons faux-culs !

lundi 15 juin 2009

My Dearest Ms Austen

Permettez-moi, Miss, de m'adresser à vous comme à une amie tant il me semble vous connaître, vous dont on sait si peu de choses. Curieusement, je vous ai découverte tardivement, dans un avion survolant l'Atlantique. Je lisais avec délice un livre d'un écrivain beaucoup plus jeune que vous, David Lodge. Votre compatriote mais non contemporain faisait échanger leur poste à deux universitaires, l'un typiquement britannique et l'autre californien jusqu'à la caricature, le temps d'une année scolaire. Leur seul point commun : être spécialistes de votre œuvre, Miss. Vous avoir lue n'était pas un pré-requis pour apprécier la trilogie sur le sujet de D. Lodge mais passer à côté eut été dommage, en ce qui me concerne. Car dès le premier de vos romans que je choisis de lire, "Emma", je devins une fan. J'enchaînai avec "Raisons et Sentiments", "Orgueil et Préjugés", "Mansfield Park", "Northanger Abbaye", "Lady Susan" (un court ouvrage que votre éditeur français a opportunément ressorti récemment) et mon préféré, "Persuasion", publié par votre frère après votre disparition prématurée. Votre œuvre, malheureusement trop brève, Miss, a été régulièrement adaptée au cinéma et à la télévision, deux médias dont malgré votre imagination alerte, vous n'auriez pu rêver. Bref, pour la fête des mères, ma fille m'a offert l'adaptation de "Pride and Prejudice" par la BBC, une institution presqu'aussi fameuse que vous outre-manche. En six épisodes de 50 minutes, je puis vous assurer que votre prose est respectée à la lettre. Et, last but not least, on y découvre dans le rôle de Darcy, Colin Firth, un jeune homme dont la description que vous faites de Mr Darcy, "fine person, handsome features, noble mien" semble avoir été écrite pour lui. Le hasard faisant bien les choses, nous avons passé le dernier week-end dans la propriété d'amis très chers (pas dans le Derbyshire, dommage, mais dans une belle région tout de même) dont la maîtresse de maison, anglophile distinguée, possédait une vieille édition de "Pride and Prejudice". Ne vous ayant jamais lue dans le texte, je la lui ai donc empruntée. Quelle merveille de découvrir votre œuvre dans sa version originelle, Miss ! Je tenais à vous l'écrire et vous en remercier. Yours ever.
PS : Ma fille Charlotte qui vous apprécie énormément elle aussi, aimerait savoir pourquoi dans vos romans les personnes qui portent son prénom sont toujours aussi sottes.

samedi 13 juin 2009

Une vie (III)

La petite fille, bien sûr, c'est moi. J'ai eu de la chance de ne pas perdre mon père ce jour-là, et que plus tard mes parents me donnent un frère, de deux ans et demi mon cadet, puis quand j'ai eu 9 ans, une petite sœur. Papa a fait toute sa carrière dans l'armée de terre. Je suis née fille de caporal-chef et c'est au bras d'un colonel que j'ai marché vers l'autel lors de mon premier mariage.

Je suis très fière de mon père et pourtant, être fille de militaire quand on était adolescente dans les années 70, ce n'était pas évident. Je me souviens d'une manif du lycée où, avec un copain fils de commissaire de police, nous nous sommes cachés quand on a vu le photographe du journal ! Mon père n'était pas très présent pendant notre enfance. Il travaillait beaucoup, partait souvent en missions ou en manœuvres.

Nous avons aussi pas mal bourlingué mais toujours en France. Papa pensait que les séjours outre-mer ou à l'étranger nuisaient à une bonne scolarité. Pourtant moi, Djibouti, Papeete, et même Constance, ça me faisait rêver ... Maman était toujours là, présente, aimante, résolument positive. Elle faisait et défaisait des cartons, raccourcissait ou rallongeait les rideaux, au gré des mutations. Et puis, l'armée était une grande famille où l'on s'aidait beaucoup.

Mon père est revenu à la vie civile en 1983 et a pris sa retraite à Montpellier, sa dernière affectation. C'est là qu'il vit toujours avec sa Pierrette, plus de 50 ans après, et tout près de sa benjamine. Ils nous ont "semés", mon frère et moi, à l'avant-dernier point de chute, Bordeaux. Lui y est resté, et moi j'ai continué à rouler ma bosse un peu partout.

Aujourd'hui, Dominique chante dans deux chorales, dont une en basque. Il est abonné depuis quarante ans au "Miroir de la Soule" et assiste de temps en temps au banquet des anciens de Saint-François. Sa santé est bonne, il marche, voyage beaucoup avec Maman, fait des tournois de tarot, et a une chance insolente au jeu. Mais pas encore au loto sur les grilles duquel, invariablement, il coche les jours de naissance de ses huit petits-enfants.

Ah, j'oubliais, Dominique a 75 ans aujourd'hui. Bon anniversaire, Papa !

vendredi 12 juin 2009

Une vie (II)

En 1954, Dominique embarque pour le Maroc, puis ce sera l'Algérie. Une drôle de guerre qui ne dit pas encore son nom le rattrape comme tant de jeunes gens de cette génération. Mais lui s'est engagé, il est caporal. La vie joue de drôle de tours. Lui, le jeune Basque qui aurait pu passer sa vie au pays, va rencontrer le grand amour en Oranie où son régiment est cantonné.

Elle est brune, pleine de charme et c'est la fille de la libraire-buraliste. Dominique est toujours partant pour aller acheter les cigarettes de toute la section... La jolie brunette n'est pas libre, elle est fiancée à un ami d'enfance mais lui comme elle sont très vite sûrs de leur amour. Avant de repartir, Dominique obtient de Pierrette la promesse qu'elle l'attendra, et c'est ce qu'elle fera après avoir rompu ses fiançailles.

En octobre 1956, quand ils se marient, ils réalisent qu'ils ont en tout et pour tout passé un mois à "se fréquenter". Mais la guerre est là qui n'attend pas. Dominique doit repartir, laissant sa jeune femme bientôt enceinte de leur premier enfant.

Le 15 août 1957, Dominique est en permission mais trop loin pour rejoindre sa femme. Il décide de partir en goguette avec trois copains dans la 2 CV de l'un d'eux, Raymond T. Au moment de monter dans la voiture, Dominique aperçoit un curé en soutane. Et, à la stupéfaction de ses copains, il décrète que c'est le 15 août et qu'il n'a jamais raté une messe ce jour-là. Les copains ont beau insister, se moquer de lui, rien n'y fait, son crâne de Basque est aussi dur que les cailloux charriés par le Gave de Mauléon. Il renonce à la virée.

Dans la soirée, il apprend que les copains sont tombés dans une embuscade dont ils n'étaient pas la cible mais les infortunés témoins, des victimes collatérales comme on dirait aujourd'hui... Aucun n'échappe au massacre. La Sainte Vierge y est-elle pour quelque chose ? Dominique ne veut pas le savoir, il est trop malheureux, mais ce dont il est sûr c'est qu'il ne manquera jamais plus aucune messe du 15 août.

A l'autre bout de l'Algérie, une petite fille qui n'est pas encore née ignore qu'elle a failli ne jamais connaître son père...
(à suivre)

jeudi 11 juin 2009

Une vie (I)

Le 13 juin 1934, dans une solide bâtisse surplombant la Nive, un beau bébé pose pour la première fois son regard bleu sur le monde qui l'entoure. La maison familiale maternelle où il naît se situe juste avant le pont qui sépare Ispoure de sa fière voisine Saint-Jean-Pied-de-Port, dernière étape avant les Pyrénées sur la route de Compostelle. Ispoure ne verra pas longtemps grandir le petit Dominique, prénommé ainsi comme tous les aînés de la famille du côté de son père.

C'est en effet dans une autre province basque, la Soule, berceau de sa famille paternelle, que Dominique va passer toute son enfance. Son père, Pierre, petit dernier d'une famille de 13 enfants, est cheminot, sa mère, Marie-Anne, reste à la maison. Deux ans et demi après lui, naît un deuxième garçon, Jean. Son grand-père est agriculteur dans un village montagnard de 450 âmes au nom rocailleux, Aussurucq. C'est là que la famille s'installe lorsque la guerre éclate.

Selon la légende locale, les Allemands n'atteindront jamais ce petit village souletin. Un pont en contrebas que les résistants ont opportunément fait sauter, les aurait empêchés de poursuivre leur avancée... On vit chichement mais entre paysans, on s'entraide. Une tante tient aussi le débit de boisson, tabac, épicerie du village, et c'est la marraine de Dominique, son préféré. Les enfants ne parlent que le basque, jouent au fronton et dans les champs, leurs journées seulement ponctuées par les passages obligés à l'école et à l'église.

Après la guerre, la famille s'installe à Mauléon, le chef-lieu de canton, où Marie-Anne travaille un temps à la fabrique d'espadrilles. Dominique et Jean vont au collège Saint-François. Un jour où il se bagarre avec un de ses camarades, un professeur en soutane intervient, sépare les deux garnements en les tirant par les oreilles, et les admoneste : "Vous n'avez pas honte, vous êtes cousins !" Dominique et Simon E., même nom mais originaires de deux vallées différentes, ne se connaissaient pas.

A 16 ans, brevet en poche, Dominique part à Bordeaux vivre chez une sœur de sa mère. Il travaille comme serveur au marché des Capucins, le "ventre de Bordeaux". Il se lève tôt, travaille très dur, et rêve d'ailleurs. Il décide alors de s'engager dans l'armée. Il a 19 ans, sa vie d'homme commence.

(à suivre)

jeudi 4 juin 2009

Oh les beaux jours

Avec l'âge, je deviens philosophe. J'ai appris qu'en Bretagne, quand le beau temps est là, il convient d'en profiter, et vite. Hier matin, BrB m'a fait remarquer que le week-end prochain s'annonçait pluvieux avec une baisse de température avoisinant les 10°. J'ai observé le ciel, bleu, sans un nuage, tâté l'air (24° !) et appliqué sur le champ le vieil adage selon lequel ce qui est pris n'est plus à prendre. Notre "fille allemande" venait juste d'arriver de sa Bavière natale pour passer quelques jours avec nous, et ses yeux ont brillé quand je lui ai exposé notre plan. Nous avons tout lâché, enfilé nos maillots, mis nos serviettes dans le capazo (un de mes lecteurs au moins comprendra) et mis cap vers la mer. Entre Saint-Malo et Cancale, à une encablure de Saint-Coulomb, se niche une plage de rêve. On se croirait en Méditerranée, n'était la température de l'eau. Même si nous sommes sur la Côte d'Emeraude, la Manche y est turquoise (et je ne "galège" pas), le sable blanc ... c'est magnifique ! Comme je suis partageuse, je vous livre mon coin secret (c'est comme pour les champignons, les belles plages, on se les garde...), ça s'appelle La Guimorais. Nous étions mercredi et quelques parents avaient dû poser une RTT pour profiter de l'aubaine. De très jeunes enfants plongeaient et replongeaient en riant aux éclats, à cet âge, ils n'ont jamais froid. Les adultes étaient moins hardis sauf quelques mamies qui faisaient trempette, c'est bon pour la circulation. Lena et moi sommes rentrées dans l'eau jusqu'à la taille mais pas au-dessus, n'exagérons pas. Puis elle s'est barbouillée d'écran (presque) total, moi d'accélérateur de bronzage (sinon j'ai l'air d'une endive quand j'arrive dans le Midi) et nous n'avons plus rien fait pendant deux heures trente. Divin ! Enfin, si, j'ai fait un tiers du mots-croisés du Télérama de la semaine puis je me suis assoupie. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, les sommes sur la plage sont les meilleurs de tous. Après, j'ai lu quelques pages des Poneys sauvages de Michel Déon, que je relis une fois tous les dix ans. En levant le nez de mon bouquin, j'ai regardé la mer azuréenne, je me suis cru un instant à Spetsai dans les îles Saroniques, mais non, j'étais juste à une heure de Rennes, un 3 juin.

mercredi 27 mai 2009

Andalucia mia

Lire de l'espagnol grâce à elle, m'a donné envie de redonner vie à ce billet que j'avais écrit en vacances pendant l'été 2004. Le voici.
Me voici en Andalousie, terre de mes ancêtres. Des copains nous ont prêté leur petite maison située sur le Golfe d’Almeria entre Aguilas et Garrucha. En Espagne, je retrouve des sensations que je croyais avoir perdues. D’abord le temps. Ah ne pas se lever le main en se demandant quel temps il fait ! C’est simple, il fait toujours beau. Tempête de ciel bleu, comme dit mon fils. Seule variante, le vent. Un coup d’œil sur le drapeau, vert ou jaune, et on sait. Et l’eau ! 26 à 28° en permanence. Pas d’hésitation, on plonge avec délice sitôt arrivés sur la plage. Je reste des heures dedans, je fais la planche, mes oreilles captant les clapotis du léger ressac, divin ! Comme je le dis à mes enfants : « vous comprenez maintenant pourquoi je ne me baigne jamais à Saint-Malo ». Une eau à 15°, très peu pour moi. Et puis, je ne me suis jamais vraiment habituée aux marées. Pour moi, la mer doit être là, toujours recommencée, comme dit si bien Paul Valéry. Et la plage ? Alors que partout ailleurs, je m’y ennuie au bout d’un moment, ici je resterais des heures. J’aime particulièrement quand le soleil est à son couchant. Il n’est pas trop chaud mais réchauffe encore, j’adore cette sensation sur ma peau. Ici, je retrouve mes réflexes de petite fille : aller rincer mon maillot dans l’eau, jouer avec des bâtons et des coquillages au tres en raya, ce jeu de plage auquel j’ai initié les enfants.
J’ai aussi fait provision de ces magazines people dont raffolent les espagnols, qui les ont découverts bien avant nous en France. Je n’ai pas trouvé « Ola ! » alors j’ai pris « Semana ». On y trouve toujours des nouvelles de la famille royale, quelques ragots sur des chanteuses, danseuses de flamenco ou toreros célèbres ici mais que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam et toujours, depuis vingt ans que je les li
s, des nouvelles des Monaco. Je suis toujours étonnée par la fascination qu’exercent Carolina y Estefania sur la ménagère espagnole de moins de cinquante ans.
Et les villages ! Ah l’odeur des marchés, les morcillos et les chorizos pendus aux crochets des étals, le porc frais mariné, si cher à mon abuelita, le bric-à-brac de mauvais goût, les bondieuseries accrochées au rétro des camions… Les pipas qui craquent sous la dent et laissent un goût de sel sur la langue, les rolliquos à l’anis et les churros gorgés d’huile. Et les maisons cuites et recuites à la chaux, avec des barreaux en fer forgé à leurs fenêtres, leurs portes aux rideaux faits de bouchons ou de capsules métalliques qui cliquettent quand on les pousse. Sans parler de ces belles demeures mystérieuses dont on devine qu’elles recèlent un patio, havre de fraîcheur, avec sa fontaine en azulejos et ses lauriers roses en pot de terre cuite. Si j’avais des sous, c’est là que j’aimerais avoir une maison. Toute blanche, au détour d’une ruelle en pente, dans un de ces villages blancs écrasés de soleil...

samedi 23 mai 2009

Et les radios chantaient

Juin 1977. J'ai 19 ans, un BTS de tourisme en poche et je débarque à Paris. En cette période bénie, un étudiant fraîchement diplômé ayant fait quelques stages, est à peu près sûr de décrocher immédiatement un contrat. J'ai trouvé mon premier "vrai" job dans une agence de voyages, près du métro Balard. Elle répond au nom évocateur de France Tropiques. La chef de comptoir est adorable et me prend sous son aile. Elle s'appelle Claudette, est mauricienne et son accent chantant, roulant joliment les "r", est déjà une invitation au voyage. Pas d'internet à l'époque, j'ai repéré mon point de chute provisoire dans l'annuaire du téléphone, plan de Paris à la main. Comme je n'y connais rien, j'opte pour un foyer de jeunes filles rue de Vaugirard dans le XVè. Grossière erreur. Si la rue de Vaugirard est parallèle à la rue Lecourbe, au bout de laquelle se situe mon agence, c'est aussi la plus longue de Paris ! Je me retrouve donc dans le même arrondissement à faire trente minutes de métro avec une correspondance (il existait sûrement des bus mais ça ne m'est pas venu à l'idée). Le foyer est tenu par des bonnes sœurs et la discipline est stricte, les heures d'entrées et sorties réglementées, et bien sûr, pas de garçons ! J'ai une chambre minuscule mais ça me convient très bien. [Nous remarquions avec une copine, que nos enfants ont l'esprit grégaire et n'envisagent que la coloc quand ils quittent le nid, alors que nous ne rêvions que d'une chose, une chambre de bonne, même avec toilettes sur le palier, mais seul(e) ! Sans doute parce que les appartements de nos parents étaient petits et qu'on en avait plus qu'assez de la promiscuité avec nos frères et sœurs... ].
Les cloisons sont si fines que j'entends la radio de ma voisine [RTL alors que ma fille écoute RTL2, on est vraiment passé à l'ère 2.0...]. Le tube de l'année c'est un pot pourri (on dirait medley aujourd’hui) de Laurent Voulzy. "On a tous dans le cœur une petite fille oubliée..." qui repasse en boucle. Trente ans après, on se rappelle tous des paroles...
Le samedi, je pars faire du shopping au Boul' Mich avec une petite beurette délurée qui bosse dans les fringues. Je l'accompagne serait plus exact car je suis trop complexée pour essayer et encore plus fauchée pour acheter. Fin juin, je reçois un coup de fil de mes parents restés à Bordeaux. Havas me propose un poste à Biarritz. Je quitte donc Paris au bout d'un mois seulement, pour n'y revenir qu'en 1985. Mais ça, c'est une autre histoire ...

mercredi 20 mai 2009

Sur le gril

"Alors, comme ça, Mademoiselle, vous venez de Rennes ? Et vous avez dormi à l'hôtel ?
- Non Monsieur, je suis arrivée ce matin. (Avec la SNCF, c'est possible ! Aux heures de pointe, un TGV toutes les demi-heures. Au total, 20 par jour dans le sens Rennes-Paris avec une moyenne de deux heures de trajet ...)
- Et, vous n'avez pas peur de venir travailler dans la Capitale ?
- Vous savez, je suis née à Paris et j'y viens régulièrement, avec mes parents, le lycée...
- Ah ... et si vous êtes acceptée dans notre (prestigieux) établissement, vous comptez vous loger comment ?
- J'ai de la famille, des amis et puis, je travaillerai ...
- Ah non, Mademoiselle, je vous arrête tout de suite. Si vous intégrez ce lycée, vous n'aurez pas le temps de travailler en dehors de vos études !
- Mes parents m'aideront, ils sont à fond derrière moi.
- Hum, je vois ... (encore une fille à papa)
- Et je vois aussi que vous êtes en terminale L, option "histoire des arts". Ça va vous servir à quoi pour faire de la cuisine ?
- Eh bien, je pense que la créativité ...
- N'y pensez pas ! Dans une cuisine d'un grand restaurant, il y a peu de place pour les artistes ! (Ducasse, Haeberlin, Roellinger, Savoy et consorts apprécieront...)
- Et vous savez, Mademoiselle, que c'est un métier très, très dur pour les femmes ?
- Oui, mais je suis motivée et j'y crois.
- Mmm ... Vous pourriez me citer une femme Chef ?
- Oui, Monsieur. Hélène Darroze.
- Bien. Et elle officie où en ce moment ?
- A Londres, Monsieur.
- Bien, Mademoiselle, nous n'aurons pas d'autres questions."
J'ai récupéré ma Zuzu toute tremblante hier après son entretien dans un grand lycée hôtelier de la Capitale. Elle ne s'était pas laissée démonter mais, en l'accueillant, ma copine parisienne et moi, étions un peu interloquées par le côté machiste et emprunt de condescendance parisianiste qui lui avait été opposé. Encore, un GCP*, ai-je pensé in petto, comme dit ma copine Angèle de Scaer (Finistère Sud).
Peu de chances qu'elle soit prise, non, mais tant pis, on en a bien profité. Nous avons vu l'expo De Chirico au Musée d'Art Moderne, déjeuné dans une brasserie, pris le café chez ma copine (qui, par son métier, rencontre des vrais Chefs, elle), puis un autre au jardin du Petit Palais, puis traversé les Tuileries (avec un temps superbe), avant de sauter dans un 95 et regagner la Gare Montparnasse. Pas mal pour deux pauvres provinciales en goguette, non ?
* Gros C.. de Parisien. Je précise que j'ai vécu et travaillé 12 ans à Paris, y ai eu mes deux enfants et que j'adore m'y rendre. Sans compter tous nos amis parisiens...

lundi 18 mai 2009

Que le temps passe vite, Madame

Ma petite poupée blonde, ma petite princesse petit pois aura 18 ans dans trois mois et j'ai du mal à la voir grandir. Ce n'est plus une petite fille zozotante et pleine de magination (sic) ni une ado facétieuse (quoique elle adore encore faire des blagues à son beau-père), c'est presque une femme à présent, qui s'affirme, qui doute, qui a besoin de sa maman et qui voudrait bien faire sans. C'est surtout physiquement que le changement me saute aux yeux. On la disait jolie et voici qu'elle est belle, comme dans la chanson de Reggiani. Déjà, il y a un an, quand elle s'était préparée pour aller au bal du lycée avec notre "fille allemande" Lena, j'avais eu un choc. Ce sont toutes deux des filles très "nature" qui se maquillent peu, ont un style vestimentaire bien à elles, fait de décontraction et de fantaisie et là, en robes noires, cheveux relevés et yeux fardés, j'avais du mal à les reconnaître. En ce moment, Zuzu passe des entretiens pour essayer d'intégrer à la rentrée prochaine un lycée hôtelier. Sa garde-robe n'incluant pas de tailleur jupe ou pantalon, il a fallu investir. Il fallait des vêtements dans lesquels elle se sente suffisamment à l'aise dans un moment déjà stressant, et de bonne qualité, sans grever mon budget de mère nouvellement chômeuse. Finalement, elle a opté pour un pantalon noir basique et pas cher, un petit haut décolleté noir à pois blancs qu'elle pouvait alterner avec un de mes chemisiers blancs quand la météo s'en mêlait, et une veste en lin noir de bonne coupe qui, à elle seule, valait autant que le reste. Le premier jour où elle a étrenné sa "tenue d'entretien" pour aller à Dinard, j'ai eu un second choc. Perchée sur des talons de huit centimètres, tirée à quatre épingles, elle me toisait et, n'était l'angoisse qui se lisait dans ses yeux, elle m'aurait impressionnée. Heureusement, elle s'est détendue devant le jury et tout s'est bien passé. Bien sûr, je suis une mère, donc forcément pas objective et sur 450 candidats, seuls 35 seront retenus mais ... j'y crois. Demain, je l'accompagne à Paris, cette fois. Même tenue avec peut-être des talons plats parce qu'on va marcher. Nous voulions en profiter pour voir Kandinsky à Beaubourg ou Warhol au Grand Palais mais pas de chance, elle est convoquée un ... mardi. On va se "rabattre" sur le musée d'art moderne. Ensuite, pendant que Zuzu se fera "cuisiner" (c'est le cas de le dire) par son jury, j'irai voir une copine journaliste qui a deux filles de 20 et 21 ans. On pourra partager les affres de mamans de jeunes-filles-qui-ont-grandi-trop vite-et-à-notre-insu...

dimanche 10 mai 2009

Pierre, Philippe, Georges et les autres...

Pour la énième fois, la télé a rediffusé "Vincent, François, Paul et les autres" et pour la énième fois, je l'ai revu. Je suis une inconditionnelle des films de Sautet. Ces tranches de vie dans une France Pompidolienne ou Giscardienne ont un parfum suranné et en même temps intemporel. D'ailleurs, c'est entré dans le langage courant, ne parle-t-on pas, pour décrire une journée entre copains, d'ambiance "à la Sautet" ? Pourtant, il ne se passe pas grand chose chez Sautet. C'est juste une bande d'amis de vingt ou trente ans qui se retrouve régulièrement, au bistrot, dans une maison de campagne ou de bord de mer, et qui se parlent, s'engueulent, et s'aiment. Chez Sautet, les hommes sont virils, ils font des trucs de mecs, ils vont à la boxe, retapent une maison. Chez Sautet, les femmes se font des confidences, tout en faisant les lits et la cuisine, parfois elles s'émancipent et s'en vont. Chez Sautet, tout le monde se retrouve au café où le patron est un copain et où les conversations se font dans un nuage de fumée. Chez Sautet, tout le monde fume. Pas une scène, au bureau, à l'atelier, à table, au lit, où hommes et femmes n'ont pas une cigarette au bec. Chez Sautet, on marche aussi beaucoup, dans la rue, dans la forêt, sur la plage. Chez Sautet, les couples se font, se déchirent, se séparent, se refont... Parfois, ça finit mal, un pépin de santé, un cœur trop gros qui flanche, un problème de boulot, la faillite, le chômage (déjà), le suicide ... Chez Sautet, c'est juste ça, la vie, la mort et entre les deux, l'amitié. Ce week-end, nous étions invités chez des copains dans le Golfe du Morbihan, toute une bande, pas des amis de trente ans, une dizaine d'années tout au plus, mais qui commencent à compter. Plus personne ne fume sauf deux ou trois irréductibles qui sortent sur la terrasse s'en griller une. Les hommes discutent toujours de trucs d'hommes (un derby Breton en finale de Coupe de France, par exemple), les femmes papotent en mettant la table ou en préparant les salades composées. L'ambiance est conviviale, les conversations, consensuelles, on parle des enfants, de la crise, de livres, de cinéma (tiens, le dernier film avec Daniel Auteuil d'après le bouquin d'Anna Gavalda, très Sautet comme ambiance, non ?). On reste tous dormir et le lendemain, on part en bande pique-niquer sur l'île de Houat. Pas de quoi en faire un film, juste un p'tit billet peut-être ?