mercredi 27 juin 2012

Prête-moi ta plume

Récemment, j'ai déjeuné avec une blogueuse gastronomique. J'ai rencontré Anne lors d'un petit-déjeuner thématique organisé par mon association de communicants et j'avais bien aimé son "pitch" comme on dit dans les milieux branchouilles. En clair, il s'agit d'expliquer brièvement et de façon percutante l'objectif de son projet. Le sien était : "Répondre à la question existentielle que se posent toutes les mamans : qu'est-ce que je vais bien pouvoir leur faire à manger ?"

Pendant notre déjeuner, elle m'en a dit un peu plus. Quand ses enfants étaient petits, ils avaient un problème alimentaire et c'était un véritable casse-tête pour elle de cuisiner pour eux. Alors elle a commencé par fréquenter les forums de parents connaissant les mêmes difficultés, et de fil en aiguille, elle s'est mise à proposer ses propres recettes. Son blog, commencé en 2005, reçoit aujourd'hui 17000 visites par jour !

Quand je pense que "A mesure" en totalise 18000 depuis sa création ... (soupir). Il a été élu par ELLE meilleur blog dans la catégorie cuisine en 2008 mais cette reconnaissance ne lui est pas monté à la tête. Ça m'intéresse toujours de connaître la genèse d'un blog. Je ne crois pas avoir eu l'occasion de raconter ce qui m'a conduite à commencer le mien. Fin 2006, je mettais un terme à l'aventure de ma "petite entreprise" créée dix ans plus tôt. Elle m'avait permis de gagner correctement ma vie et de m'occuper de mes enfants en travaillant de chez moi.

Et puis, la crise (déjà !) avait mis un frein à mes activités. Il devenait de plus en plus dur de fidéliser des clients, j'étais fatiguée de batailler seule, et mes enfants devenus de grands ados avaient un peu moins besoin de ma présence rassurante au quotidien. J'avais alors rencontré un conseiller d'une de ces boîtes privées qui vous accompagnent dans votre "évolution professionnelle".

Sans aucun tact, il m'avait assené : "Madame, vous cumulez trois handicaps, vous travaillez dans un secteur sinistré (sic), la communication, vous avez été indépendante pendant dix ans ce qui va affoler les recruteurs, et - me portant l'estocade - vous avez plus de 45 ans". Puis, disséquant mon CV, il avait ajouté : "Vous dites que vous avez des qualités rédactionnelles avérées, prouvez-le, je ne sais pas moi, écrivez un blog !".

Et voilà comment, un jour de mars 2007, un peu vexée et pour répondre à un goujat qui m'avait défiée, je me suis lancée. Et pour vous, comment tout cela a-t-il commencé ?    

mardi 19 juin 2012

Bernis, son clocher, ses platanes, son député FN

Quand ma grand-mère a quitté l'Algérie en 1962 au moment de l'indépendance, son deuxième mari et elle ont acheté une maison à Bernis dans le Gard. C'était une maison biscornue, au cœur de ce village comme il en existe tant dans le midi de la France, de ceux qui ont l'air de tout le temps faire la sieste à l'ombre des platanes.

J'ai des souvenirs d'enfance et d'adolescence liés à cette maison qui, l'été, parvenait à rester fraîche grâce à l'épaisseur de ses murs. J'entends encore mon grand-père nous crier "La porte !" quand on avait le malheur de la laisser ouverte car il avait une sainte horreur des mouches. Le soir, nous "prenions le frais" sur le pas de la porte. Pour ma grand-mère, ma mère et ma tante, c'était encore un peu "comme là-bas" ...

En 1974, mon frère et moi avions trouvé dans la poche d'une veste de ma grand-mère tous les bulletins de vote des candidats à la présidentielle pour lesquels elle n'avait visiblement pas voté. Parmi eux, ceux d'un certain Jean-Marie Le Pen. C'est avec un certain soulagement que ma jeune conscience politique avait pris note que, contrairement à ses voisines, ma grand-mère ne s'en laissait pas conter par cet affreux borgne raciste et démagogue.

Ses voisines, je ne les aimais pas beaucoup. Certaines venaient du même village d'Algérie qu'elle, d'autres étaient là depuis toujours mais ensemble, elles formaient une sacrée bande de commères. A l'époque, il y avait eu un énorme scandale quand la mère d'une de mes copines du village s'était enfuie avec un Arabe. Je ne sais pas ce qui choquait le plus ces cancanières, que cette mère de quatre enfants ait pu les abandonner ou qu'elle ait jeté l'opprobre sur la communauté pour un moins que rien d'arabe. Racisme ordinaire.

Ma mère et ses frères ont vendu la maison de Bernis à la mort de ma grand-mère en 1998. Je n'y suis jamais retournée. A seulement une dizaine de kilomètres de Nîmes, la commune a poussé comme un champignon pour atteindre 3000 habitants aujourd'hui. Dimanche, la moitié d'entre eux a permis à l'avocat parachuté Gilbert Collard d'entrer à l'assemblée nationale sous l'étiquette hypocrite de Rassemblement Bleu Marine, et d'y porter les "valeurs" nauséabondes du FN. Bernis, je ne te dis pas merci.             

mardi 12 juin 2012

Lieux de mémoire

Récemment, Un carnet dans ma valise a franchi le cap des 1000 pages vues. Débuts timides mais encourageants pour ce nouveau blog commencé voici trois mois. Petit rappel pour ceux qui auraient raté le début, j'ai eu l'idée de cette compilation de souvenirs de voyages à mon retour d'une aventure peu ordinaire. 

Fin février, j'ai accompagné un voyage de presse au Tchad dans des circonstances exceptionnelles et j'ai réalisé que si je n'en faisais pas le récit tout de suite, là, à chaud, moi-même j'aurais des doutes plus tard sur la véracité de certaines anecdotes.

Poussant ma réflexion un peu plus loin, j'ai pensé à tous ces voyages que j'avais été amenée à faire depuis une trentaine d'années, certains à titre personnel, d'autres dans un cadre professionnel, et pour lesquels j'avais pris des notes dans ces fameux petits carnets que je mettais dans ma valise avant de partir (il m'est arrivé d'en acheter sur place comme au Sri Lanka où j'ai écrit sur du papier fait en bouse d'éléphant séchée !). Et cela a donné ce blog.

La démarche peut paraître déconcertante et l'est assurément si j'en juge par le peu de commentaires que je reçois. C'est toujours un peu frustrant de savoir que les visiteurs passent, lisent, en pensent forcément quelque chose mais ne s'expriment pas. Je sais aussi d'expérience qu'un blog doit trouver son public et que plus il est "pointu" plus cela prend du temps. Il se peut aussi qu'il ne présente pas ou peu d'intérêt.

Personnellement, il m'arrive aussi d'en lire et de ne pas commenter tout simplement parce que ça ne me parle pas et que je ne vois rien à en dire. C'est aussi une leçon d'humilité que de choisir ce mode d'expression même si d'aucuns y verraient plutôt du nombrilisme. Depuis peu, j'ai découvert les statistiques de fréquentation du blog.

C'est amusant de lire la provenance des visiteurs et les mots-clés qui les ont conduits à cette page. Ainsi, sur le Carnet, j'ai eu 109 "clics" russes ce qui me plonge dans un abîme de perplexité. Je n'écris pas en cyrillique et nulle part, je n'y évoque la Russie ! Plus sérieusement, ce qui m'intéresse dans cet exercice, c'est de noter l'évolution  géopolitique d'un pays.

Ainsi, en relisant mon carnet syrien de 1995, ai-je été frappée de voir que la plupart des germes de l'horreur de la situation actuelle en Syrie étaient déjà là en filigrane. Au fond, peu importe qu'un blog soit lu ou pas, commenté ou non, l'essentiel n'est-il pas qu'il conserve une part de notre mémoire collective ?