lundi 28 février 2011

Anticonstitutionnellement

Un dimanche soir comme un autre. Notre Président parle aux Français. Jusque là, rien de bien nouveau,  on a tellement pris l'habitude de le voir squatter le 20 heures qu'on s'attend à ce qu'il remplace bientôt David Pujadas. Personnellement, je ne le regarde pas d'autant que le sujet de son laïus  du jour a déjà été défloré par les radios et les journaux du week-end. On sait avant lui ou presque que MAM vit ses dernières heures de ministre. Donc, la soirée passe, je ne me souviens même plus de ce que l'on a regardé, c'est dire. Juste avant de me coucher, je mets quand même LCI (à moins que ce ne soit BFM TV) afin de savoir ce qui se passe dans le monde, et je tombe pile sur les morceaux choisis de l'allocution du chef de l'état. Et là, je me frotte les yeux.  Juste après nous avoir informés que MAM est remplacée aux Affaires Étrangères par Juppé (le meilleur d'entre nous comme disait Chirac, et de surcroît bon maire de notre bonne ville qu'on se demande quand il va trouver le temps d'administrer mais là n'est pas mon propos) que j'entends notre inénarrable président dire : "Je remplace Hortefeux par Guéant et X par Y. Je ne voudrais pas faire ma prétentieuse (comme dirait Blier dans un dialogue d'Audiard) mais j'ai eu l'occasion de faire un peu de droit constitutionnel quand j'étais en licence. Il me semble que l'article 21 de la constitution de 1958 prévoit que : "Le Président de la République nomme le Premier ministre [...]. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement". [...] Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation." Ce qui me frappe dans son discours, c'est qu'il n'est pas question mais alors pas du tout, du premier ministre. Et, qu'à tout le moins, on pourrait espérer un "nous" au lieu de ce "je" autoritaire pour ne pas dire autocratique. J'entends dire à la radio ce matin que c'est le 10è remaniement en quatre ans mais, sauf erreur de ma part, c'est toujours le même premier ministre (on n'ose plus dire chef du gouvernement). Ce qui pourrait passer pour de la stabilité ou de la fidélité si on avait encore le cœur à en rire. Les prédécesseurs de l'actuel Président nous avaient habitué aux premiers ministres fusibles (Juppé en a d'ailleurs fait les frais en son temps), voici venue l'heure du premier ministre fantôme (ou fantoche ?). Il est toujours là mais plus personne ne sait à quoi il sert. Qui ça ? Attendez, je ne me rappelle plus son nom, faut que je cherche...

mercredi 16 février 2011

Lux fiat

Devinette. Pourquoi la caserne de pompiers de Livermore, California, est-elle le point d'attraction de nombreux badauds ? Je vais éclairer votre lanterne. Parce que depuis 1901, une des ampoules électriques pendues au plafond y brille sans discontinuer. Baptisée "Centennial Light" avec le sens des formules qui caractérise les américains, la petite merveille figure dans le Guinness Book des records et a même attiré un millier de personnes lors de son 100ème anniversaire ! Cette anecdote était le point de départ d'un documentaire d'Arte hier soir, très bien fait je trouve, suivi d'un débat sur le thème de l'obsolescence programmée. Kesako ? Pour reprendre l'exemple de notre ampoule centenaire, on sait parfaitement fabriquer des ampoules du même type. Mais dans les années 30, un cartel de fabricants venus de pays industrialisés (l'allemand Osram, le néerlandais Philips, etc.) s'est entendu pour limiter la durée de vie d'une ampoule à 1000 heures dans une pure logique de consommation. C'est ce qu'on appelle l'obsolescence programmée. Qui n'a pas ragé un jour en s'entendant dire que parce que telle pièce de son aspirateur ou de son imprimante était introuvable, tout l'appareil était à changer ? Dans le même reportage, un sociologue allemand se vantait d'avoir un réfrigérateur fabriqué en ex RDA acheté au moment de la chute du mur et qui marchait encore 25 ans après. Faut-il en conclure qu'il faut revenir à l'économie planifiée et jeter le bébé de la croissance avec l'eau du bain de la consommation ? On parle beaucoup de décroissance en ce moment et c'est vrai qu'on constate un début de prise de conscience collective. Après quoi courons-nous ? Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? Car tous ces biens périssables à brève échéance, que deviennent-ils réellement ? Quelle part est réellement recyclée, quelle part s'en va finir dans les décharges des pays pauvres ? On peut bien sûr accuser la société de consommation, le marketing et la pub qui nous forceraient à acheter toujours plus et plus souvent mais ce serait faire peu de cas de notre libre arbitre. Entendu ce matin sur Inter qu'un téléphone mobile est prévu pour durer 5 ans, or un consommateur adulte en change en moyenne tous les 18 mois et un jeune tous les 9 mois. Décroissance peut-être pas mais si on commençait à réfléchir en terme de croissance mesurée, chacun à son niveau ? En espérant que l'ampoule de Livermore nous aidera à y voir enfin plus clair.
Illustration : "World's Longest Burning Light Bulb" by Dan Lacey           

mercredi 9 février 2011

Con fuoco

Le week-end dernier nous étions à Paris. Que nos amis parisiens ne poussent pas tout de suite des cris d'orfraie, ça s'est décidé à la dernière minute, un copain emmenant sa belle en voyage à Prague et nous ayant proposé son appartement, nous l'avons accepté avec empressement. Ce qu'il y a de bien avec les escapades impromptues c'est qu'elles permettent de faire des choses auxquelles on n'a pas eu le temps de se préparer. Ainsi, alors que nous étions sur la route, BrB a appelé son frère qui bosse au service de presse de la salle Pleyel et nous avons eu des places pour le soir même au concert de la Staatskapelle de Berlin dirigée par le vibrionnant Daniel Barenboim. Et cet homme-là, je vous assure, c'est un spectacle à lui tout seul. Ce presque septuagénaire moitié argentin, moitié israélien et détenteur d'un passeport palestinien (!) déborde d'une énergie rare et est d'une générosité incroyable. Au programme du concert, il y avait du Bartok pour commencer et ensuite la 5è symphonie de Tchaïkovski, jouée magistralement par un orchestre très pro dirigé par un chef éblouissant. Je ne suis pas une mélomane avertie loin s'en faut mais là, à un moment précis, lors de l'entrée des cuivres dans le dernier mouvement, je me suis sentie littéralement transportée, parcourue de frissons et les larmes aux yeux. Je crois que ça ne m'était jamais arrivé auparavant un tel choc. Le public de Pleyel est connaisseur en général et a fait une ovation au maître et à ses musiciens qui ont encore joué en prime la Valse Triste de Sibelius et un extrait du Lac des Cygnes. Un régal. Le lendemain, nous avons poursuivi notre week-end culturel avec deux expos photos, André Kertesz au Musée du Jeu de Paume (très bien mais c'était le dernier jour) et le sud-africain David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson, où nous nous sommes retrouvés nez à nez avec notre amie photographe Henriette dont j'ai déjà parlé ici. C'est un peu comme dans Pagnol, tu as été à Paris et tu n'as pas vu Andolfi ? Et bien nous si ! Il faut le faire quand même... Pour terminer en beauté, dimanche soir nous sommes allés à la Comédie Française qui donnait "Un tramway nommé désir" de Tennessee Williams. Bon, comment dire ? Les acteurs du Français étaient bons évidemment (Eric Ruf en Stanley n'était pas très convaincant mais difficile de passer derrière Brando et son marcel) mais la mise en scène ne m'a pas conquise. Un décor japonais, une moto pétaradant sur scène, un Mitch qui ressemblait à un des barbus de ZZ Top, bref à trop vouloir être original on perd de vue l'œuvre  ... et le public. Chose qui ne risque pas d'arriver au Maestro Barenboim !    

mercredi 2 février 2011

Vous achetiez ? J'en suis fort aise.

Vous savez quel est selon moi le plus beau métier du monde ? Banquier. Regardez ce qui s'est passé récemment aux États-Unis provoquant une onde de choc dans toute la planète. Je veux parler bien sûr de la crise des subprimes, ce truc qui, comme le faisait remarquer un observateur avisé, nous a coûté cher sans même emprunter. L'autre jour, j'ai vu à la télé un reportage hallucinant. A Los Angeles, un immense stade couvert avait été loué par une association d'aide aux victimes du surendettement. Environ 5000 personnes (!) attendaient dehors pendant des heures de pouvoir rentrer à l'intérieur. Là, des tables s'étendaient à perte de vue, de part et d'autre desquelles des personnes comme vous et moi se tenaient. A ceci près que d'un côté se trouvaient les vainqueurs, les usuriers, et de l'autre, les vaincus, ceux qui tentaient de conserver leur bien. Tous n'étaient pas de pauvres gens paumés qui avaient eu l'imp(r)udence de vouloir être propriétaires de leur maison alors qu'ils n'étaient qu'employés au Wallmart du coin, non, parmi eux on trouvait de nombreux cadres aux revenus plus que corrects. Ainsi cette chef d'entreprise qui se versait un salaire de 7000 dollars par mois avant la crise, somme réduite de moitié depuis. Femme seule, elle se battait pour garder sa maison. Depuis des mois, elle essayait de rencontrer son conseiller bancaire qui était aux abonnés absents. Là, elle jouait son va-tout. Une heure après, on la voyait ressortir, sourire aux lèvres, elle avait pu renégocier son prêt ... en l'étalant sur 20 ans ! En somme, la banque lui faisait une fleur alors qu'en réalité, pour le même montant prêté, celle-ci  allait s'enrichir  davantage en allongeant la durée des traites. Hier, nous avions rendez-vous avec notre conseiller bancaire pour un prêt immobilier. Nous sommes de bons clients, même si chez nous seul mon mari touche des revenus de son travail, la crise m'ayant personnellement atteinte en me privant des miens. Mais bon, nous avons vendu notre appartement rennais et avons donc un petit pécule en guise d'apport. Nous discutons taux, durée et assurances. Et puis, sans rire, notre banquier nous parle de la garantie d'emprunt. En gros, un organisme se porte garant pour nous, moyennant finances évidemment, pour que, en cas de coup dur, la banque retrouve ses billes. J'ai réfléchi et lui ai fait remarquer que je trouvais fort de café (pas en ces termes-là) que la banque, non contente de nous prêter de l'argent moyennant intérêts et principal, comme aurait dit La Fontaine, ne prend aucun risque ! Il l'a admis poliment. Franchement, banquier, n'est-ce pas un job de rêve ?