vendredi 29 octobre 2010

Mélancolie

Elle s'appelait Marie-Anne Etchemendy. Un nom d'héroïne de roman. C'était ma grand-mère, et je l'ai mal connue. Aujourd'hui, j'ai pris le bus et je suis passée pas très loin de la dernière adresse où elle avait vécu à Bordeaux. Rue Lecoq, juste derrière la caserne des pompiers. C'est bizarre de revenir dans cette ville où une page de l'histoire de ma famille a été écrite. Pendant longtemps, les seules images que j'avais de ma grand-mère étaient celles d'une femme de forte corpulence, gentille, douce et éternellement malade. Malade de la tête, c'est ce qui se disait d'elle. Je suppose qu'elle était bipolaire mais à l'époque, on ne savait pas de quoi elle souffrait. Langueurs, dépression chronique, troubles du comportement. Aussi loin que je me souvienne, je revois le visage de mon père barré de rides soudaines lorsqu'il s'entretenait avec un mystérieux interlocuteur au téléphone. Puis les messes basses que mes parents faisaient entre eux avant les départs précipités de mon père. Tant qu'elle a été capable de vivre seule, dont la dernière fois dans ce petit appartement Bordelais où je lui ai rendu de trop rares visites, il fallait suivre ma grand-mère de près. Parfois, elle errait dans les rues, prenait un train et repartait sur les traces de son enfance. Papa lâchait tout et partait la chercher. Nous, les enfants, nous ne comprenions pas grand chose, juste que notre grand-mère donnait bien du souci à nos parents. Un jour, les grands ont décidé qu'elle ne pouvait plus être laissée sans surveillance et elle est partie vivre chez mon oncle et ma tante à Anglet. Plus tard, on l'a placée "dans une maison". C'est un des rares souvenirs que je garde d'elle. Assise sur un banc, l'air absent, vêtue d'une robe à fleurs en tissu indéfroissable qu'une de ses belles-filles lui avait offerte. Je ne me souviens pas de ce qu'on se disait, à l'époque c'était pour nous une corvée que d'aller la voir les dimanches dans un de ces endroits qui vous filaient le bourdon. Elle est morte l'année de mes 19 ans. D'une encéphalite virale. La tête encore. Je passais des examens et j'avoue que je me rappelle à peine cet événement. Juste que l'ai vue sur son lit de mort et que longtemps, l'image de son masque mortuaire m'a hantée. Aujourd'hui, j'aimerais en savoir plus sur sa vie. Une de ses nièces m'a dit récemment qu'elle se la rappelait plongée des journées entières dans les livres. Au fond, c'est peut-être ça qu'elle m'a transmis, cet amour de la lecture. Il ne reste plus non plus beaucoup de photos d'elle, ni de mon grand-père d'ailleurs. J'aime bien celle-ci, elle s'est effacée avec le temps mais on y devine une famille. Le père, la mère et leurs deux petits garçons, un blond et un brun. J'ignore si Marie-Anne était heureuse à ce moment-là. Je ne saurais jamais si elle l'a été un jour...

lundi 25 octobre 2010

Bordeaux-sur-Méditerranée

Quand nous avons élu domicile dans ce quartier de Bordeaux, nous n'avions aucun a priori. Nous ignorions que c'était l'un des plus populaires de la ville, haut en couleurs et aux accents chantants. L'appartement situé dans un bel immeuble de pierre et refait avec beaucoup de goût par un architecte d'intérieur, nous a séduits, ses propriétaires, un chef op' parisien et une antiquaire bordelaise, aussi, et le loyer nous a paru raisonnable. Pris en sandwich entre deux places aux noms qui fleurent bon le Sud, la Place du Maucaillou et la Place Canteloup, notre rue surplombe un marché et est bordée de cafés et de brocantes. Vieux quartier Bordelais, cerné au sud par les Capucins (les "Capus" comme disent les autochtones) - l'ancien "ventre de Bordeaux" - au nord par le Cours Victor Hugo et son très chic Lycée Montaigne, et à l'est par les quais de la Garonne, sa population était autrefois composée de forts des halles, de dockers du port voisin, et d'artisans en tout genre. Les rues en portent la trace, rue des Faures, de la Fusterie, ou rue Carpenteyre ... Puis, par vagues successives, les immigrés comme on dit en ces jours frileux, s'y sont succédé au fil des siècles, Espagnols, Portugais, Maghrébins, Turcs ou Africains. Une véritable tour de Babel. Ou plutôt de Saint Michel. Car, et j'aurais peut-être dû commencer par là, ce territoire si pittoresque, c'est le Quartier Saint-Michel, dominé par le clocher ou "la flèche" de la Basilique du même nom. Haute de 114 mètres, elle est aux dires des Bordelais, la troisième plus haute de France après celles des cathédrales de Rouen et de Strasbourg, en tout cas la plus haute du Sud de la France, foi de méridional ! Plus curieux, cette flèche (et le symbole n'a pas échappé à la Fléchoise que je suis ...) est séparée du reste de l'église laquelle date du 14è siècle et est d'un magnifique style gothique flamboyant. Bon, j'arrête là ma visite touristique, on l'aura compris, j'aime ce quartier et je sens que je vais m'y plaire. Il est presque midi, je vais faire un tour au marché, et peut-être m'assoir en terrasse. J'hésite entre un verre de Graves ou de Boulaouane ...

lundi 18 octobre 2010

Une valse à trois temps

Ma vie actuelle ressemble à une valse. Une valse à 3 temps. Celle que chantait Brel, qui commence lentement et se termine enfiévrée, et vous fait tourbillonner tel un derviche tourneur. Un, deux, trois, un, deux, trois, ce rythme ternaire me poursuit depuis 3 semaines. A peine 3 semaines en effet que nous avons quitté l'Inde. Depuis, 3 jours passés chez moi à Rennes à attendre BrB ; 3 jours chez des cousins à Bordeaux, le temps de trouver un appartement ; puis retour à Rennes pour 2 fois 3 jours dans les cartons ; 3 jours SDF, de luxe certes mais sans domicile tout de même, chez des amis ou chez la belle-mère, puis retour hier à Bordeaux chez les mêmes cousins hospitaliers. Comme disent les enfants à l'arrière de la voiture "C'est quand qu'on arrive ?". Dire pouce, faire une pause, se poser, enfin... Et encore, moi je vais avoir le temps de défaire les valises, d'apprivoiser notre nouveau logis, de partir à la découverte de notre nouveau quartier, tandis que BrB reprend le travail dans trois petits jours. Encore 3, un, deux, trois, un, deux, trois. Nouveau bureau, nouveaux collègues, nouveaux challenges... Pour l'heure, nous allons signer notre bail et récupérer nos clés, passer à l'orange pour essayer d'avoir vite vite une connexion afin de ne pas se sentir coupés du monde, puis attendre le camion de déménagement. Demain soir, enfin, nous serons chez nous. Et pourrons reprendre le cours normal de notre vie. Trois cent trente-trois fois l'temps de bâtir un roman ...