lundi 27 décembre 2010

Noël aux tisons

Noël 2010 est déjà derrière nous. Qu'en restera-t-il dans nos mémoires ? Un Noël un peu bizarre, en tout petit comité, où rien ne s'est passé comme prévu. Et encore, nous avons eu de la chance car pour un peu, BrB restait coincé à Orly où ce 24 décembre était jour de loterie. Le vol précédant le sien et les deux qui l'ont suivi ont été annulés. Le sien prévu pour 13h35 a décollé à ... 15h45. Deux minutes avant, il m'adressait ce message laconique : "PNC à vos portes". En effet, avoir sa ceinture attachée ne garantissait pas un départ imminent, d'autres passagers ont été débarqués alors qu'ils pensaient détenir leur sésame, et nombreux ont été ceux qui ont dû passer le réveillon dans un aéroport.  Le TGV de mon frère n'a eu de son côté "qu'une heure et demie" de retard, et la veille j'avais fait cinq heures de route sous une pluie battante pour regagner Bordeaux. Seule. L'état de Maman étant pire que ce à quoi je m'attendais, nous avons jugé plus raisonnable de ne pas la transporter. Chaque année, Noël est un casse-tête.  Voici deux ans, nous avions réglé le problème en partant marcher dans l'Atlas, et l'an passé, nous étions en Inde. Cette année, nous n'allions pas y couper. A moins d'avoir sa famille et sa belle-famille à un jet de pierre, il faut d'abord choisir où l'on passera Noël. Quand on est une famille recomposée, l'affaire se corse.  Quand les enfants sont grands et volent de leurs propres ailes, ça se complique un peu  plus. Alors que des questions de santé et une météo capricieuse s'en mêlent et rien ne va plus. Cette année, ce devait être un Noël  "de mon côté" mais ma fille était chez son père, mon fils à Londres, mes parents coincés à Montpellier, ma sœur dans sa belle-famille, les filles de mon frère chez leur mère ... Et voilà comment nous nous sommes retrouvés mon mari, mon frère et moi, comme trois doigts d'une main amputée, mais fermement décidés à fêter quand même ce fichu  Noël. J'ai fait les courses le 24 dans l'après-midi, je me suis mise en cuisine vers 18 heures (!), le cœur n'y était pas vraiment. Mais finalement, on a bien mangé, bien bu, merci Petit Jésus. Le lendemain, je me suis rendue seule à l'église Saint-Michel, l'assemblée était clairsemée, le chantre chantait faux, le prêtre était aussi éloquent qu'un prof de philo de ZEP en fin de carrière, et il faisait un froid de gueux. Dans l'homélie, il était question d'un sondage (sans précision de sources) où 69 % des personnes interrogées souhaitaient redonner du sens à Noël. J'avais envie de crier : mais qu'est-ce qu'on attend ?      


vendredi 17 décembre 2010

Au milieu du gué

Il est arrivé ce moment, je crois, celui où l'on est encore un  peu la mère de ses enfants, et où l'on commence  déjà à être celle de ses parents. Les miens ont plus de 75 ans et jusque là, ne nous ont donné aucun souci. Et puis voilà que depuis un mois, Maman a une méchante hernie discale qui la fait souffrir le martyre. Sa rhumatologue lui a prescrit de la morphine pour calmer la douleur en attendant un rendez-vous pour une infiltration. Je ne sais pas si la morphine y est pour quelque chose mais ma mère est devenue hypersensible, pleurant pour un rien. Comme c'est une maîtresse femme, mon père en  est tout déconfit. Maladroit comme le sont souvent les hommes face à une situation qui les dépasse, il lui a demandé de se contrôler (mon père n'est pourtant pas anglais mais le "never explain, never complain" royal pourrait être sa devise), redoublant les sanglots de ma mère dans lesquels doit se mêler de la rage jusque là contenue. Bonne fille, je tente de raisonner mon père (un ancien colonel, autant dire que je prends des risques, si  je continue, je vais me retrouver au gnouf) et de consoler ma mère (qui me répète à l'envi l'affront subi). Après une demi-heure passée sur Skype, je suis lessivée et me dis que l'époque où l'on s'écrivait avait finalement du bon. Cette semaine, alors que j'avais pris mon billet de train pour aller passer Noël chez eux, retournement de situation, Maman va mieux et envisage - avec la permission de son médecin - que ce soit eux qui viennent finalement chez nous (j'imagine qu'elle ne supporte plus son lit de douleurs et a envie de changer d'air). Elle m'annonce cela au téléphone toute guillerette, mon père furieux en background. J'essaie de comprendre le refus de mon père puisque c'est ce qui avait été prévu au départ avant les problèmes de santé de Maman. Le fait qu'il ne juge pas cela très raisonnable ne me semble pas être la seule raison. Il me faut creuser. C'est alors que je me souviens que lors de la grande pagaille voici deux semaines, il avait évoqué les intempéries et l'état des routes. Eurêka ! me dis-je in petto, et de lui suggérer de venir les chercher en voiture et de les ramener ici avec moi. Mon père fait mine de réfléchir mais pas assez longtemps, et je comprends alors qu'il n'attendait que ça. Marché conclu. Je partirai donc lundi matin de bonne heure pour revenir avec eux le 23. Comme dit mon frère à qui je conte ce dernier rebondissement dans la saga de Noël, il y a deux ou trois ans, notre père n'aurait jamais accepté de ne pas prendre sa voiture. C'est à des petites choses comme ça que l'on s'aperçoit que nos parents vieillissent et ne seront pas éternels...     

mercredi 8 décembre 2010

Quand le bâtiment va tout va

Chez nous en ce moment, c'est ambiance "Tout était en l'air au Château de Fleurville". Notre propriétaire nous avait informés lors de la remise des clés qu'il envisageait de remplacer les fenêtres par des double-vitrages. Après tout, un proprio soucieux du bien être de ses locataires, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval (j'adore cette expression désuète), et nous n'allions pas nous en plaindre. Les délais étant toujours un peu flous avec les artisans, je n'avais donc qu'une vague idée de la date desdits travaux mais pas  une seconde je n'avais imaginé qu'ils commenceraient ... en décembre. Me voilà donc grelottant dans mon salon, livrée aux courants d'air vu que les ouvriers se sont attaqués à trois portes-fenêtres en même temps. Par ailleurs, comme il a fallu faire de la place au chantier, je me retrouve échouée au milieu d'un véritable cataclysme. Pour couronner le tout, notre zélé propriétaire fait aussi repeindre la cage d'escalier de l'immeuble. Je suis donc la seule à slalomer dans la journée entre les échelles et les pots de peinture. Mes voisins et mon homme sont partis toute la journée vu qu'ils travaillent, eux, mais moi je suis là et comme on est en hiver, justement je comptais hiberner un peu. C'est vrai quoi, en été, on peut laisser les fenêtres ouvertes, aller se promener, prendre son café à la terrasse du bistrot d'en-bas et même, soyons fou, en profiter pour aller respirer l'air du grand large à l'Océan ou au Bassin (c'est à ça qu'on reconnaît les vrais Bordelais). Mais en ce moment, avec les températures polaires, le dérèglement climatique, et tout, et tout, on n'a qu'une envie, c'est de rester sous la couette avec un policier (façon de parler, bien sûr... comme disait avec candeur une amie, pourquoi un policier pourquoi pas un militaire ?). Les ouvriers sont deux petits jeunes gens très sympathiques et bien élevés qui rangent tout bien comme il faut le soir avant de partir. Le temps d'avoir l'impression d'un retour à la normale, les revoilà, et que je te ponce, que je te gâche du plâtre, et que je te soulève des tonnes de poussière. Dans ce contexte que toute ménagère de moins (ou de plus) de 50 ans visualise très bien à cet instant précis, devinez ce que m'a fait mon cher et tendre. Il a invité ce soir une collègue à venir prendre un verre ! Quand je lui ai demandé si on ne pouvait pas remettre à un autre soir, il m'a rassurée. Ne t'inquiète pas, c'est une fille très simple. Elle peut-être mais pas moi !       

mercredi 1 décembre 2010

Aux sombres héros de l'amer

Ce matin, j'ai mis sur mon "mur" un clip de la chanson de Noir Désir, "Le vent nous portera". J'ai une affection particulière pour cette ballade qui me touche sans que je puisse m'expliquer pourquoi. En introduction, j'ai ajouté une note pour exprimer mon état d'esprit qui disait ceci : "Allez, une dernière fois avant que le vent ne les emporte..." Deux minutes après, un premier commentaire me rappelait de ne pas oublier Marie Trintignant. Je m'y attendais mais je me suis tout de suite sentie vaguement coupable. Coupable d'aimer une chanson, d'avoir envie de la faire partager, coupable d'avoir suivi  depuis leurs débuts un groupe de potes de mon âge et de les avoir aimés, coupable de me sentir un peu triste de les voir se saborder. Je n'étais pas la seule de toute évidence. Un "homme sage" de mes amis a renchéri aussitôt par ce commentaire : "Depuis le décès de Marie, quelque chose était définitivement brisé. J'avais même honte d'éprouver du plaisir à réécouter le groupe...". Ceci m'a alors inspiré la réflexion philosophique suivante : doit-on juger l'œuvre d'un artiste à l'aune de sa vie ? Récemment, à la radio, j'ai appris qu'en Israël, Wagner était banni du répertoire classique du fait de ses prises de position notoirement antisémites et au prétexte qu'il était considéré comme le compositeur des nazis. Pourtant, en juillet 2001 à Tel-Aviv, Daniel Barenboïm n'a pas hésité à diriger  le Staatoper de Berlin dans un extrait de "Tristan et Iseult". Faut-il refuser de lire "Voyage au bout de la nuit" parce que Céline était franchement collabo et se disait lui-même ennemi numéro un des Juifs ? Et faut-il ne voir dans ses nombreux admirateurs que des gens qui partagent ses thèses ? Absurde, évidemment. Pour en revenir à Noir Désir, je crois que la mort de Marie T. sous les coups de Bertrand Cantat a choqué l'opinion publique à bien des égards. D'abord, parce que sa famille bénéficiait d'un capital de sympathie, elle-même était belle et sa voix cassée nous envoutait, avec Jean-Louis, son père, elle sublimait la relation père-fille dont nous rêvons toutes, et enfin, parce qu'elle était mère de quatre enfants. Par sa mort violente, elle a incarné d'une certaine façon ces violences insupportables faites aux femmes. Forcément insupportables. Pas facile dans ce contexte d'avouer que, quelle que soit la faute de son chanteur, Noir Désir va nous manquer. 

jeudi 25 novembre 2010

Parce que c'était lui, parce que c'était moi

A Bordeaux, en attendant de retravailler un jour, j'ai repris mes bonnes habitudes : ne pas me scléroser, partir à la découverte de la ville, à pied ou en tram, mon petit numérique dans la poche. Au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux sont organisées des visites guidées un mercredi midi sur deux. J'étais adepte des Midi-Musées de Rennes, mes premiers billets en témoignent pour ceux qui s'en souviennent. Là, de toute évidence,  le public est plus "bourgeois", plus université du temps libre, et ce ne sera pas aussi interactif  que pendant les séances du MBAR, mais bon, ne boudons pas notre plaisir. Et, de fait, cette heure est passée à toute vitesse, à écouter une conférencière très pointue, à découvrir quelques petits tableaux jusque là inconnus, et surtout à entendre parler pour la première fois de la belle amitié qui lia pendant plus de 50 ans Albert Marquet, l'enfant du pays, au bouillonnant Matisse. Marquet, jeune garçon timide, solitaire, affecté d'un pied bot, vit à Bordeaux jusqu'à ses 18 ans entre un père cheminot et une mère brodeuse. Il suit cette dernière à Paris quand elle "monte à la capitale" ouvrir un magasin, et s'inscrit à l'école des beaux-arts où il rencontre un certain Henri Matisse. Très vite, ils vont se détacher de l'enseignement académique de leurs maîtres et partir explorer d'autres styles. A l'atelier Gustave Moreau, au tournant du siècle, ils peignent tous deux le même sujet, et ça donne ces deux tableaux qui feront hurler leurs contemporains : à gauche, une "étude de nu" de Matisse qui se trouve au Bridgestone Museum of Art de Tokyo, et à droite le "nu fauve" de Marquet du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Puis, leur peinture va prendre des directions différentes, Marquet va devenir un paysagiste post-impressionniste, et Matisse le génial touche à tout que l'on connaît. Marquet va se spécialiser dans les ports, les embouchures, les baies, peignant ce qu'il voit de sa fenêtre à une seule condition,  que l'élément eau soit présent. Pendant la seconde guerre mondiale, il part s'installer en Algérie où il va rencontrer sa femme Marcelle, une romancière pied-noir, et où il peindra 120 fois le port d'Alger ! Jusqu'à sa mort en 1947, lui et Matisse correspondront, le premier peu disert sur sa peinture et le second au  contraire, fournissant à son ami (et aujourd'hui à nous lecteurs) de nombreuses clés pour comprendre son œuvre. Grâce au legs Marquet, le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux compte dans ses collections quelques Matisse et surtout la série complète des 26 lithographies-collages intitulée "jazz". On connaissait  l'amitié de Van Gogh et Gauguin, moins celle de Matisse et Marquet, voilà c'est réparé.

     

vendredi 19 novembre 2010

A consommer avec modération

Aujourd'hui, un conseil prud'homal a donné raison à un employeur qui avait licencié pour faute grave trois de ses salariés pour avoir dénigré leur hiérarchie sur Fb. C'est la première décision du genre en France et sans parler encore de jurisprudence - d'autant que dans cette affaire un recours en appel a été déposé - la liberté de s'exprimer via un réseau social vient de prendre un sacré coup dans l'aile. Personnellement, je suis devenue assez accro à Fb mais je me croyais bien protégée par mes critères de confidentialité. Seuls mes "amis" Fb sont en effet censés avoir accès à mes messages et à mes photos mais comme le disait si justement un avocat  interviewé au journal de 13 heures, il ne s'agit plus d'envoyer une lettre ou un courriel à une seule personne mais de s'adresser à celle-ci au milieu de tout un groupe. Et de conclure : méfiez-vous de vos amis ! D'ailleurs dans l'affaire en question, c'est un des collègues qui s'est fait délateur allant jusqu'à imprimer le dialogue pour l'apporter à sa Direction. J'ignore si c'était par loyauté pour son entreprise ou parce qu'il guignait le poste du collègue mouchardé mais ce n'est pas joli, joli. Pour élargir le débat, je me suis posée récemment la question de l'usage de Fb comme moyen de communication privilégié dès lors qu'on touche à l'intime. Ainsi, ces dernières semaines, j'ai appris la rupture de deux de mes amis qui ont choisi, chacun de son côté, de passer du statut de "en couple" à celui de "célibataire" sur leur profil. J'avoue que cela m'a fait un choc. Quant aux plus jeunes de mes "amis" (en fait mes neveux ou les enfants de mes amis dans la "vraie" vie), j'essaie de les mettre en garde quant aux traces qu'ils laissent sur leur "mur".  Traces souvent indélébiles. J'ai fait une expérience aussi, celle de me "googler" moi-même pour voir ce qu'un employeur potentiel apprendrait de moi en 2010 grâce au web. Dans l'ensemble, je n'ai pas eu de trop mauvaises surprises car je suis assez vigilante mais je me suis aperçue que des sites sur lesquels j'avais supprimé mon profil continuaient à diffuser des pages me concernant. Néanmoins je persiste à penser qu'Internet est un outil fabuleux, notamment quand je tchatte sur Sk*** avec mes amis restés en Inde ou mon fils à Londres, ou comme aide à la recherche d'emploi, et malgré ses défauts, Fb continue à me convenir. J'aime cette possibilité d'entretenir des contacts qui autrement s'étioleraient, j'aime l'instantanéité dans la communication qu'il offre, j'aime les petites perles du net qu'on peut y partager, et le contre pouvoir qu'il peut opposer à la pensée unique. Mais à l'ère du Web 2.0, je reste plus que jamais sur mes gardes.
L'illustration vient d'ici

lundi 15 novembre 2010

Ne les oublions pas


A la bibliothèque de mon quartier, j'ai découvert un magazine pas comme les autres. Son titre est déjà une promesse, "Le festin", et tout son contenu sur papier glacé, une ode au bien vivre, bien manger et bien boire, des bords de la Garonne aux confins de Pyrénées. Pour son vingtième anniversaire, la rédaction a suivi quelques chefs régionaux chez eux, dans leurs cuisines ou chez des proches. C'est ainsi que, grâce à Jean-Marie Amat, nous nous sommes invités à la table de Jean-Paul Kauffmann dans les Landes, au cœur de l'été, le temps d'un déjeuner à la campagne. On l'avait un peu perdu de vue, Jean-Paul Kauffmann, il a su se faire discret, publiant un livre de temps en temps, fuyant les journalistes, son ancienne famille, et la vie parisienne pour vivre désormais une retraite paisible. Dans un petit livre dont je recommande la lecture, "La maison du retour", il raconte comment il s'est reconstruit en même temps qu'il rendait à la vie une vieille demeure endormie depuis la Libération. Curieusement, j'ai été touchée de le voir heureux sur ces images, assis à un bout d'une lourde table en bois dressée sous les tilleuls, en maître de maison entouré de sa famille et de ses amis, bon vivant, aimant la bonne chère et les bons vins. Les jeunes générations ne l'ont pas connu, beaucoup d'entre nous  l'ont sûrement oublié mais pourtant, rappelez-vous, c'était au milieu des années 80. Sur nos écrans de télévision, quatre visages nous regardaient jour après jour. Les otages du Liban, les premiers à avoir été médiatisés : Carton, Fontaine, Kauffmann et Seurat. Je ne me souviens pas des détails, juste du chiffre effarant qui chaque jour venait nous rappeler leur odieuse situation d'otage, celui du nombre de jours depuis le début de leur captivité. Le passage du 1000ème frappait l'imagination et venait nous bousculer dans notre quotidien. Jean-Paul Kauffmann est resté trois ans otage au Liban, il a réapparu le 4 mai 1988 avec ses compagnons d'infortune, Marcel Carton et Marcel Fontaine, sur l'aéroport de Villacoublay, fêtés en héros. Michel Seurat, lui, n'est jamais revenu. Et puis, aussi horrible que cela puisse paraître, les enlèvements d'otages se sont banalisés, le Liban a été remplacé par l'Irak ou l'Afghanistan, et nous nous sommes habitués à voir sur nos écrans ou sur les banderoles géantes des mairies des visages si familiers qu'on finit par les oublier. Pour une Ingrid Betancourt ou une Florence Aubenas peut-être plus emblématiques que d'autres, qui se souvient aujourd'hui de Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa, Jean-Louis Normandin, Roger Auque, ou Maryse Burgot ? Qui se souviendra demain de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière ? Non, ne les oublions pas.

lundi 8 novembre 2010

Ecrire pour vivre

Écrire une biographie ne doit pas être un exercice facile. Comment trouver la bonne distance avec le "sujet" choisi, comment ne pas tomber dans l'hagiographie, comment faire le tri parmi toutes les sources disponibles et n'en retenir que l'essentiel ? Je viens de terminer "La Vie d'Irène Némirovsky" d'O. Philipponnat et P. Lienhardt, lecture laborieuse que j'ai failli abandonner maintes fois. Commencée en Inde, lâchée pour des romans autrement passionnants ("L'Ombre du Vent" de Carlos Luis Zafon pour n'en citer qu'un), j'y suis revenue à mon retour en France, désireuse de ne pas être trop absorbée par un livre vu tout ce qu'il me restait à faire. Ses biographes auraient dû titrer leur livre "Vie et œuvres d'Irène Némirovsky" tant ils ont consacré une part importante aux commentaires de textes (ce qui a contribué selon moi à le rendre indigeste) et à la description des personnages nés de l'imagination de cette auteure ô combien féconde. Entre 1929, date de la parution de son premier roman, David Golder, et 1940, elle publiera neuf romans et un nombre impressionnant de nouvelles, et lorsqu'elle sera arrêtée puis déportée en 1942, elle aura encore trois romans sous le boisseau qui ne paraîtront qu'après sa mort. Je l'ai découverte comme beaucoup lorsqu'en 2005 est parue sa "Suite française". On connaît l'histoire, abandonné sous forme de carnets le 13 juillet 1942, au moment de son arrestation par deux gendarmes français, son manuscrit sera déchiffré et dactylographié par sa fille Denise, plus de 60 ans après. Succès immédiat qui permettra à ma génération et aux suivantes de découvrir un écrivain à la plume acérée et terriblement moderne. En fait, il est une chose qui m'a frappée dans la vie d'Irène Némirovski c'est son rapport au métier d'écrivain. Car écrire pour elle est vite devenu une nécessité, un gagne-pain. Au début de la guerre, son mari, Michel Epstein, est un employé de banque zélé qui, parce qu'il est juif, va être remercié par ses employeurs. Du jour au lendemain, Irène se retrouve soutien de famille et va écrire de façon effrénée des livres, des nouvelles, souvent sous forme de feuilletons dans les journaux de l'époque (y compris dans "Gringoire" aux forts relents d'antisémitisme) et des articles comme critique littéraire. Elle assure elle-même la promotion et l'après-vente de ses œuvres, à la fois agent auprès de ses éditeurs, d'abord Bernard Grasset puis Albin Michel, et attachée de presse auprès des journalistes. Au plus fort de l'occupation allemande - où elle et son mari choisissent de rester en zone occupée - elle sollicite avec une confondante inconscience un ausweiss à la Kreiskommandatur d'Autun afin de se rendre à Paris faire valoir ses droits auprès de son éditeur ! Erreur fatale, elle est conduite d'abord au camp de Pithiviers puis se retrouve dans un wagon à bétail à destination d'Auschwitz-Birkenau où elle ne vivra pas plus d'un mois. Pas une seconde elle n'avait songé à quitter la France, le "plus beau pays du monde", simplement parce que de son travail d'écrivain dépendait sa survie, celle de son mari et de leurs deux petites filles.

vendredi 29 octobre 2010

Mélancolie

Elle s'appelait Marie-Anne Etchemendy. Un nom d'héroïne de roman. C'était ma grand-mère, et je l'ai mal connue. Aujourd'hui, j'ai pris le bus et je suis passée pas très loin de la dernière adresse où elle avait vécu à Bordeaux. Rue Lecoq, juste derrière la caserne des pompiers. C'est bizarre de revenir dans cette ville où une page de l'histoire de ma famille a été écrite. Pendant longtemps, les seules images que j'avais de ma grand-mère étaient celles d'une femme de forte corpulence, gentille, douce et éternellement malade. Malade de la tête, c'est ce qui se disait d'elle. Je suppose qu'elle était bipolaire mais à l'époque, on ne savait pas de quoi elle souffrait. Langueurs, dépression chronique, troubles du comportement. Aussi loin que je me souvienne, je revois le visage de mon père barré de rides soudaines lorsqu'il s'entretenait avec un mystérieux interlocuteur au téléphone. Puis les messes basses que mes parents faisaient entre eux avant les départs précipités de mon père. Tant qu'elle a été capable de vivre seule, dont la dernière fois dans ce petit appartement Bordelais où je lui ai rendu de trop rares visites, il fallait suivre ma grand-mère de près. Parfois, elle errait dans les rues, prenait un train et repartait sur les traces de son enfance. Papa lâchait tout et partait la chercher. Nous, les enfants, nous ne comprenions pas grand chose, juste que notre grand-mère donnait bien du souci à nos parents. Un jour, les grands ont décidé qu'elle ne pouvait plus être laissée sans surveillance et elle est partie vivre chez mon oncle et ma tante à Anglet. Plus tard, on l'a placée "dans une maison". C'est un des rares souvenirs que je garde d'elle. Assise sur un banc, l'air absent, vêtue d'une robe à fleurs en tissu indéfroissable qu'une de ses belles-filles lui avait offerte. Je ne me souviens pas de ce qu'on se disait, à l'époque c'était pour nous une corvée que d'aller la voir les dimanches dans un de ces endroits qui vous filaient le bourdon. Elle est morte l'année de mes 19 ans. D'une encéphalite virale. La tête encore. Je passais des examens et j'avoue que je me rappelle à peine cet événement. Juste que l'ai vue sur son lit de mort et que longtemps, l'image de son masque mortuaire m'a hantée. Aujourd'hui, j'aimerais en savoir plus sur sa vie. Une de ses nièces m'a dit récemment qu'elle se la rappelait plongée des journées entières dans les livres. Au fond, c'est peut-être ça qu'elle m'a transmis, cet amour de la lecture. Il ne reste plus non plus beaucoup de photos d'elle, ni de mon grand-père d'ailleurs. J'aime bien celle-ci, elle s'est effacée avec le temps mais on y devine une famille. Le père, la mère et leurs deux petits garçons, un blond et un brun. J'ignore si Marie-Anne était heureuse à ce moment-là. Je ne saurais jamais si elle l'a été un jour...

lundi 25 octobre 2010

Bordeaux-sur-Méditerranée

Quand nous avons élu domicile dans ce quartier de Bordeaux, nous n'avions aucun a priori. Nous ignorions que c'était l'un des plus populaires de la ville, haut en couleurs et aux accents chantants. L'appartement situé dans un bel immeuble de pierre et refait avec beaucoup de goût par un architecte d'intérieur, nous a séduits, ses propriétaires, un chef op' parisien et une antiquaire bordelaise, aussi, et le loyer nous a paru raisonnable. Pris en sandwich entre deux places aux noms qui fleurent bon le Sud, la Place du Maucaillou et la Place Canteloup, notre rue surplombe un marché et est bordée de cafés et de brocantes. Vieux quartier Bordelais, cerné au sud par les Capucins (les "Capus" comme disent les autochtones) - l'ancien "ventre de Bordeaux" - au nord par le Cours Victor Hugo et son très chic Lycée Montaigne, et à l'est par les quais de la Garonne, sa population était autrefois composée de forts des halles, de dockers du port voisin, et d'artisans en tout genre. Les rues en portent la trace, rue des Faures, de la Fusterie, ou rue Carpenteyre ... Puis, par vagues successives, les immigrés comme on dit en ces jours frileux, s'y sont succédé au fil des siècles, Espagnols, Portugais, Maghrébins, Turcs ou Africains. Une véritable tour de Babel. Ou plutôt de Saint Michel. Car, et j'aurais peut-être dû commencer par là, ce territoire si pittoresque, c'est le Quartier Saint-Michel, dominé par le clocher ou "la flèche" de la Basilique du même nom. Haute de 114 mètres, elle est aux dires des Bordelais, la troisième plus haute de France après celles des cathédrales de Rouen et de Strasbourg, en tout cas la plus haute du Sud de la France, foi de méridional ! Plus curieux, cette flèche (et le symbole n'a pas échappé à la Fléchoise que je suis ...) est séparée du reste de l'église laquelle date du 14è siècle et est d'un magnifique style gothique flamboyant. Bon, j'arrête là ma visite touristique, on l'aura compris, j'aime ce quartier et je sens que je vais m'y plaire. Il est presque midi, je vais faire un tour au marché, et peut-être m'assoir en terrasse. J'hésite entre un verre de Graves ou de Boulaouane ...

lundi 18 octobre 2010

Une valse à trois temps

Ma vie actuelle ressemble à une valse. Une valse à 3 temps. Celle que chantait Brel, qui commence lentement et se termine enfiévrée, et vous fait tourbillonner tel un derviche tourneur. Un, deux, trois, un, deux, trois, ce rythme ternaire me poursuit depuis 3 semaines. A peine 3 semaines en effet que nous avons quitté l'Inde. Depuis, 3 jours passés chez moi à Rennes à attendre BrB ; 3 jours chez des cousins à Bordeaux, le temps de trouver un appartement ; puis retour à Rennes pour 2 fois 3 jours dans les cartons ; 3 jours SDF, de luxe certes mais sans domicile tout de même, chez des amis ou chez la belle-mère, puis retour hier à Bordeaux chez les mêmes cousins hospitaliers. Comme disent les enfants à l'arrière de la voiture "C'est quand qu'on arrive ?". Dire pouce, faire une pause, se poser, enfin... Et encore, moi je vais avoir le temps de défaire les valises, d'apprivoiser notre nouveau logis, de partir à la découverte de notre nouveau quartier, tandis que BrB reprend le travail dans trois petits jours. Encore 3, un, deux, trois, un, deux, trois. Nouveau bureau, nouveaux collègues, nouveaux challenges... Pour l'heure, nous allons signer notre bail et récupérer nos clés, passer à l'orange pour essayer d'avoir vite vite une connexion afin de ne pas se sentir coupés du monde, puis attendre le camion de déménagement. Demain soir, enfin, nous serons chez nous. Et pourrons reprendre le cours normal de notre vie. Trois cent trente-trois fois l'temps de bâtir un roman ...