lundi 27 décembre 2010

Noël aux tisons

Noël 2010 est déjà derrière nous. Qu'en restera-t-il dans nos mémoires ? Un Noël un peu bizarre, en tout petit comité, où rien ne s'est passé comme prévu. Et encore, nous avons eu de la chance car pour un peu, BrB restait coincé à Orly où ce 24 décembre était jour de loterie. Le vol précédant le sien et les deux qui l'ont suivi ont été annulés. Le sien prévu pour 13h35 a décollé à ... 15h45. Deux minutes avant, il m'adressait ce message laconique : "PNC à vos portes". En effet, avoir sa ceinture attachée ne garantissait pas un départ imminent, d'autres passagers ont été débarqués alors qu'ils pensaient détenir leur sésame, et nombreux ont été ceux qui ont dû passer le réveillon dans un aéroport.  Le TGV de mon frère n'a eu de son côté "qu'une heure et demie" de retard, et la veille j'avais fait cinq heures de route sous une pluie battante pour regagner Bordeaux. Seule. L'état de Maman étant pire que ce à quoi je m'attendais, nous avons jugé plus raisonnable de ne pas la transporter. Chaque année, Noël est un casse-tête.  Voici deux ans, nous avions réglé le problème en partant marcher dans l'Atlas, et l'an passé, nous étions en Inde. Cette année, nous n'allions pas y couper. A moins d'avoir sa famille et sa belle-famille à un jet de pierre, il faut d'abord choisir où l'on passera Noël. Quand on est une famille recomposée, l'affaire se corse.  Quand les enfants sont grands et volent de leurs propres ailes, ça se complique un peu  plus. Alors que des questions de santé et une météo capricieuse s'en mêlent et rien ne va plus. Cette année, ce devait être un Noël  "de mon côté" mais ma fille était chez son père, mon fils à Londres, mes parents coincés à Montpellier, ma sœur dans sa belle-famille, les filles de mon frère chez leur mère ... Et voilà comment nous nous sommes retrouvés mon mari, mon frère et moi, comme trois doigts d'une main amputée, mais fermement décidés à fêter quand même ce fichu  Noël. J'ai fait les courses le 24 dans l'après-midi, je me suis mise en cuisine vers 18 heures (!), le cœur n'y était pas vraiment. Mais finalement, on a bien mangé, bien bu, merci Petit Jésus. Le lendemain, je me suis rendue seule à l'église Saint-Michel, l'assemblée était clairsemée, le chantre chantait faux, le prêtre était aussi éloquent qu'un prof de philo de ZEP en fin de carrière, et il faisait un froid de gueux. Dans l'homélie, il était question d'un sondage (sans précision de sources) où 69 % des personnes interrogées souhaitaient redonner du sens à Noël. J'avais envie de crier : mais qu'est-ce qu'on attend ?      


vendredi 17 décembre 2010

Au milieu du gué

Il est arrivé ce moment, je crois, celui où l'on est encore un  peu la mère de ses enfants, et où l'on commence  déjà à être celle de ses parents. Les miens ont plus de 75 ans et jusque là, ne nous ont donné aucun souci. Et puis voilà que depuis un mois, Maman a une méchante hernie discale qui la fait souffrir le martyre. Sa rhumatologue lui a prescrit de la morphine pour calmer la douleur en attendant un rendez-vous pour une infiltration. Je ne sais pas si la morphine y est pour quelque chose mais ma mère est devenue hypersensible, pleurant pour un rien. Comme c'est une maîtresse femme, mon père en  est tout déconfit. Maladroit comme le sont souvent les hommes face à une situation qui les dépasse, il lui a demandé de se contrôler (mon père n'est pourtant pas anglais mais le "never explain, never complain" royal pourrait être sa devise), redoublant les sanglots de ma mère dans lesquels doit se mêler de la rage jusque là contenue. Bonne fille, je tente de raisonner mon père (un ancien colonel, autant dire que je prends des risques, si  je continue, je vais me retrouver au gnouf) et de consoler ma mère (qui me répète à l'envi l'affront subi). Après une demi-heure passée sur Skype, je suis lessivée et me dis que l'époque où l'on s'écrivait avait finalement du bon. Cette semaine, alors que j'avais pris mon billet de train pour aller passer Noël chez eux, retournement de situation, Maman va mieux et envisage - avec la permission de son médecin - que ce soit eux qui viennent finalement chez nous (j'imagine qu'elle ne supporte plus son lit de douleurs et a envie de changer d'air). Elle m'annonce cela au téléphone toute guillerette, mon père furieux en background. J'essaie de comprendre le refus de mon père puisque c'est ce qui avait été prévu au départ avant les problèmes de santé de Maman. Le fait qu'il ne juge pas cela très raisonnable ne me semble pas être la seule raison. Il me faut creuser. C'est alors que je me souviens que lors de la grande pagaille voici deux semaines, il avait évoqué les intempéries et l'état des routes. Eurêka ! me dis-je in petto, et de lui suggérer de venir les chercher en voiture et de les ramener ici avec moi. Mon père fait mine de réfléchir mais pas assez longtemps, et je comprends alors qu'il n'attendait que ça. Marché conclu. Je partirai donc lundi matin de bonne heure pour revenir avec eux le 23. Comme dit mon frère à qui je conte ce dernier rebondissement dans la saga de Noël, il y a deux ou trois ans, notre père n'aurait jamais accepté de ne pas prendre sa voiture. C'est à des petites choses comme ça que l'on s'aperçoit que nos parents vieillissent et ne seront pas éternels...     

mercredi 8 décembre 2010

Quand le bâtiment va tout va

Chez nous en ce moment, c'est ambiance "Tout était en l'air au Château de Fleurville". Notre propriétaire nous avait informés lors de la remise des clés qu'il envisageait de remplacer les fenêtres par des double-vitrages. Après tout, un proprio soucieux du bien être de ses locataires, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval (j'adore cette expression désuète), et nous n'allions pas nous en plaindre. Les délais étant toujours un peu flous avec les artisans, je n'avais donc qu'une vague idée de la date desdits travaux mais pas  une seconde je n'avais imaginé qu'ils commenceraient ... en décembre. Me voilà donc grelottant dans mon salon, livrée aux courants d'air vu que les ouvriers se sont attaqués à trois portes-fenêtres en même temps. Par ailleurs, comme il a fallu faire de la place au chantier, je me retrouve échouée au milieu d'un véritable cataclysme. Pour couronner le tout, notre zélé propriétaire fait aussi repeindre la cage d'escalier de l'immeuble. Je suis donc la seule à slalomer dans la journée entre les échelles et les pots de peinture. Mes voisins et mon homme sont partis toute la journée vu qu'ils travaillent, eux, mais moi je suis là et comme on est en hiver, justement je comptais hiberner un peu. C'est vrai quoi, en été, on peut laisser les fenêtres ouvertes, aller se promener, prendre son café à la terrasse du bistrot d'en-bas et même, soyons fou, en profiter pour aller respirer l'air du grand large à l'Océan ou au Bassin (c'est à ça qu'on reconnaît les vrais Bordelais). Mais en ce moment, avec les températures polaires, le dérèglement climatique, et tout, et tout, on n'a qu'une envie, c'est de rester sous la couette avec un policier (façon de parler, bien sûr... comme disait avec candeur une amie, pourquoi un policier pourquoi pas un militaire ?). Les ouvriers sont deux petits jeunes gens très sympathiques et bien élevés qui rangent tout bien comme il faut le soir avant de partir. Le temps d'avoir l'impression d'un retour à la normale, les revoilà, et que je te ponce, que je te gâche du plâtre, et que je te soulève des tonnes de poussière. Dans ce contexte que toute ménagère de moins (ou de plus) de 50 ans visualise très bien à cet instant précis, devinez ce que m'a fait mon cher et tendre. Il a invité ce soir une collègue à venir prendre un verre ! Quand je lui ai demandé si on ne pouvait pas remettre à un autre soir, il m'a rassurée. Ne t'inquiète pas, c'est une fille très simple. Elle peut-être mais pas moi !       

mercredi 1 décembre 2010

Aux sombres héros de l'amer

Ce matin, j'ai mis sur mon "mur" un clip de la chanson de Noir Désir, "Le vent nous portera". J'ai une affection particulière pour cette ballade qui me touche sans que je puisse m'expliquer pourquoi. En introduction, j'ai ajouté une note pour exprimer mon état d'esprit qui disait ceci : "Allez, une dernière fois avant que le vent ne les emporte..." Deux minutes après, un premier commentaire me rappelait de ne pas oublier Marie Trintignant. Je m'y attendais mais je me suis tout de suite sentie vaguement coupable. Coupable d'aimer une chanson, d'avoir envie de la faire partager, coupable d'avoir suivi  depuis leurs débuts un groupe de potes de mon âge et de les avoir aimés, coupable de me sentir un peu triste de les voir se saborder. Je n'étais pas la seule de toute évidence. Un "homme sage" de mes amis a renchéri aussitôt par ce commentaire : "Depuis le décès de Marie, quelque chose était définitivement brisé. J'avais même honte d'éprouver du plaisir à réécouter le groupe...". Ceci m'a alors inspiré la réflexion philosophique suivante : doit-on juger l'œuvre d'un artiste à l'aune de sa vie ? Récemment, à la radio, j'ai appris qu'en Israël, Wagner était banni du répertoire classique du fait de ses prises de position notoirement antisémites et au prétexte qu'il était considéré comme le compositeur des nazis. Pourtant, en juillet 2001 à Tel-Aviv, Daniel Barenboïm n'a pas hésité à diriger  le Staatoper de Berlin dans un extrait de "Tristan et Iseult". Faut-il refuser de lire "Voyage au bout de la nuit" parce que Céline était franchement collabo et se disait lui-même ennemi numéro un des Juifs ? Et faut-il ne voir dans ses nombreux admirateurs que des gens qui partagent ses thèses ? Absurde, évidemment. Pour en revenir à Noir Désir, je crois que la mort de Marie T. sous les coups de Bertrand Cantat a choqué l'opinion publique à bien des égards. D'abord, parce que sa famille bénéficiait d'un capital de sympathie, elle-même était belle et sa voix cassée nous envoutait, avec Jean-Louis, son père, elle sublimait la relation père-fille dont nous rêvons toutes, et enfin, parce qu'elle était mère de quatre enfants. Par sa mort violente, elle a incarné d'une certaine façon ces violences insupportables faites aux femmes. Forcément insupportables. Pas facile dans ce contexte d'avouer que, quelle que soit la faute de son chanteur, Noir Désir va nous manquer.