samedi 31 décembre 2011

Ouverture de la nuit

Ouverture de la nuit, c'est le nom de cette toile.  Elle est de Geneviève Asse et je l'ai découverte un jour au Musée des Beaux-Arts de Rennes. Pourquoi certains tableaux vous parlent plus que d'autres ? Mystère. Je ne voulais pas terminer l'année sur une note triste or mon précédent billet n'était pas gai. Je sens que celui-là sera en demie teinte à l'image de cette année qui se termine. Il n'est pas 19 heures et j'ai déjà hâte que cette nuit du 31 décembre soit passée.

A chaque fois, je me demande ce qui nous pousse encore à vouloir à tout prix accomplir ce rituel de passage. Ce soir, une fois de plus, je me suis laissé persuader de réveillonner. Nous retrouvons un couple de nouveaux venus à Bordeaux, esseulés comme nous. Ils ont réservé une table dans un restaurant branché de la ville, ou plutôt dans son annexe car c'était déjà complet. On nous a promis qu'il n'y aurait pas de cotillons ni de langues de belle-mère et que la musique d'ambiance se ferait discrète.

Nous allons encore faire bombance alors que nous avons à peine digéré les agapes de Noël. Il va falloir attendre les douze coups de minuit avant de pouvoir s'éclipser sans paraître grossier et pire, se congratuler au milieu d'une foule de parfaits inconnus. Même si mon mari et moi trouvons stupide de consacrer un budget pareil à une note de restaurant au lieu de nous offrir, je ne sais pas moi, des livres, on ne se sent pas d'annuler maintenant.

En tout cas, et ce sera ma première résolution de l'année 2012, l'an prochain, on réveillonne entre intimes ou pas du tout ! Bon, allez, ce n'est pas tout ça, je dois aller enfiler ma robe de bal et mes pantoufles de vair. Bonne année 2012 à vous qui passez ! 

PS : 1er janvier, une heure du matin : c'était une bonne soirée en fin de compte. Comme quoi.
     

mercredi 14 décembre 2011

Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent

Je voudrais vous parler de la Syrie. J'y suis allée en 1995. Tous ces endroits dont on parle, ces villes martyrs comme Homs, Hama, je les ai visitées. Bien sûr, c'était déjà bizarre. Ce restaurant où les femmes dînaient la tête couverte d'un foulard et les manches de leur manteau couvrant des bras dont n'émergeaient que les ongles. Pratique pour manger.

Il y avait bien cet hôtel de la chaîne Cham Palace où nous étions descendus et qui d'après mon Lonely Planet avait été construit sur un charnier après la révolte des frères musulmans. Révolte matée par un Hafez el Assad autocrate. Déjà.

Dans les rues des villes que nous traversions, partout des portraits géants du général-chef d'état nous toisaient. Dans le désert, des bases militaires immenses avec des barbelés tout autour, à perte de vue. Au poste frontière avec la Jordanie, nous avions dû attendre des heures que des soldats armés jusqu'aux dents nous laissent passer. De l'autre côté, l'air était soudain devenu plus respirable ...

Curieusement, je garde malgré tout un bon souvenir de ce voyage en Syrie. J'ai des flashes qui me reviennent en mémoire : ce jardin rempli d'orangers de la grande mosquée de Damas, celle où se pauvre Jean-Baptiste repose on ne sait plus trop pourquoi, la ville antique de Palmyre particulièrement bien conservée, le Krak des Chevaliers, cette étonnante forteresse des Templiers, le plus beau château-fort médiéval qu'il m'ait été donné de voir, une sortie de messe un dimanche dans un village, la petite église de Maaloula et son baptistère qui était déjà là du temps du Christ, des bédouins dans le désert, un caravansérail ...

Et surtout, surtout, ces syriens raffinés parlant un  français parfait qui nous accueillaient avec chaleur. Et aujourd'hui, neuf mois de révolution systématiquement réprimée dans le sang, des enfants arrachés à leurs familles et torturés, des blessés achevés dans les hôpitaux, et un tyran fils de tyran sourd aux appels de la communauté internationale, ligue arabe comprise. 5000 morts ... Silence, on tue en Syrie.

Comme dit Hermione, je crains d'avoir plombé l'ambiance mais voilà, je n'ai pas envie de me taire.                   

jeudi 10 novembre 2011

No More Ace to Play

Existe-t-il un moment précis dans la vie où l'on réalise que les jeux sont faits, que rien ne va plus, qu'on n'a plus de martingale pour espérer ramasser la mise ? Hier soir, ma fille m'a fait la surprise de s'inviter et de rester dormir à la maison. D'habitude, elle passe en courant, virevolte, me raconte ses petites histoires, m'embrasse et repart.

Elle a 20 ans, l'âge de tous les possibles. C'est ce que je n'arrête pas de lui dire d'ailleurs, tu as la vie devant toi, tout est ouvert, tes choix t'appartiennent. Elle a la chance d'avoir choisi une voie, la restauration, où les offres affluent alors qu'elle n'a pas encore fini ses études. Elle travaille déjà tous les week-ends et est souvent sollicitée pour des extras.

Au départ, c'était le prix à payer pour son autonomie, maintenant elle me dit que c'est là où elle se plaît le plus, au milieu de ses collègues, qu'elle se sent appréciée, utile, vivante. Je prie intérieurement pour qu'elle n'arrête pas ses études si près du but mais il est clair qu'elle en a soupé de la théorie, des profs méprisants et des condisciples immatures.

Comme toute mère, je me réjouis pour elle mais je ne peux m'empêcher de ressentir une petite pointe d'envie. Ma vie à moi je la vois maintenant dans un rétroviseur et je n'arrive toujours pas à lâcher prise. Depuis un an que je suis revenue de cette parenthèse enchantée qu'a été notre aventure indienne, je n'arrive pas à trouver ma place.

Les portes se ferment au fur et à mesure même si la plupart du temps je ne manque pas d'énergie, même si l’opiniâtreté a toujours été et reste mon principal moteur.  Quand je suis rentrée d'Inde, gonflée à bloc, j'avais l'illusion que j'allais pouvoir choisir mes propres options, faire ce que j'avais envie de faire.

L'âge n'a jamais été un problème pour moi, j'ai toujours paru plus jeune que je ne le suis réellement, et dans ma tête, j'ai encore 20, 30 ou 40 ans, quant à mes neurones ils fonctionnent à plein régime, du moins me semble-t-il. Un an après, j'ai dû déchanter. Je n'ai pas décroché un entretien et quand on me sollicite, c'est pour refaire ce que j'ai déjà fait.

Tout se passe comme si on vous rangeait dans une case une bonne fois pour toutes. Les recruteurs n'ont aucune imagination, aucun goût du risque, ils se contentent de cloner des candidats. Une "conseillère" bien intentionnée m'a même "déconseillé" un jour de parler de parcours atypique, ça fait prétentieux paraît-il. J'ai encore des atouts dans mon jeu mais pour filer la métaphore jusqu'au bout, il me semble qu'on ne me laisse plus abattre mes cartes.

lundi 24 octobre 2011

Le camp des perdantes

Depuis ce matin, les journalistes de la presse audiovisuelle se réjouissent en boucle de deux avancées majeures pour la démocratie chez nos voisins arabes. D'un côté, les premières élections libres en Tunisie qui ont atteint un taux record de participation et de l'autre, la liesse de la liberté retrouvée en Libye au lendemain de la mort de Kadhafi.  Je ne sais pas pourquoi mais je n'arrive pas à me réjouir complétement de ces deux événements. Je suis peut-être une indécrottable rabat-joie mais ce que je vois et entends m'inquiète plutôt pour le sort des femmes. En Tunisie, si le dépouillement n'est pas tout à fait terminé, on annonce déjà une nette avancée du Ennahda, le parti islamiste "modéré" comme se dépêchent d'ajouter nos hérauts médiatiques. Je viens de lire un petit recueil de nouvelles aussi sublime qu'édifiant, "Nouvelles d'Algérie" de l'écrivain Maïssa Bey. En quelques récits terribles, elle nous ramène aux années noires de l'Algérie. Pour ceux qui auraient oublié le contexte, le 11 janvier 1992, le pouvoir en poste annulait le deuxième tour des élections législatives dont le premier tour annonçait une victoire éclatante du FIS, le Front Islamique de Salut. S'en suivit une période de terreur de dix ans qui fit entre 60000 et 150000 victimes selon les sources, la plupart au cours de massacres de civils. Voir un parti islamiste - fut-il modéré - pointer son nez dans un pays que j'aime même si je reconnais que le règne de Ben Ali pas plus que celui de Bourguiba n'étaient des modèles de démocratie, ne me réjouit pas. Quant à la Libye, le gouvernement de transition a tout de suite annoncé le rétablissement de la Charia, la loi islamique, appliquée entre autres en Iran. Comme je l'ai entendu ce matin, ce socle législatif serait le plus petit dénominateur commun de ce pays à la population très diverse et dans l'ensemble très attachée aux traditions, en attendant une prochaine constitution. Concrètement, sous Kadhafi, la polygamie était tolérée, dorénavant elle sera inscrite dans la loi et le divorce interdit. Et la lapidation fait aussi partie de l'arsenal juridique de la charia, ne l'oublions pas. Pourquoi ai-je l'impression que ce sont encore les femmes qui vont être les grandes perdantes de ces bouleversements ? Et d'ailleurs, vous avez vu beaucoup de femmes fêtant la chute du tyran libyen sur nos écrans de télévision ? Ce soir, je pense très fort à mes sœurs tunisiennes et libyennes et mon cœur se serre une fois de plus.     

vendredi 23 septembre 2011

Born in the USA

Au lendemain du 11 septembre, un éditorialiste avait écrit parodiant Kennedy à Berlin : "Nous sommes tous des Américains".  Il est des jours où personnellement je me dis que je n'aimerais pas être américaine. Hier en était un quand au réveil j'ai compris que Troy Davis avait été exécuté dans la nuit. Bien sûr, je me garderai bien de mettre tous les américains dans le même panier et c'est justement parce que je sais que beaucoup d'entre eux ont espéré jusqu'au dernier moment la grâce de la Cour Suprême, que je les plains et n'aimerais pas être à leur place. Voilà un homme qui était depuis vingt ans dans le couloir de la mort, clamait son innocence et était devenu le symbole de ce que la peine de mort a d'abject, et qui, malgré d'innombrables soutiens venus du monde entier et les recours de ses avocats jusqu'au dernier moment, n'a pas réussi à échapper à son destin inhumain. Comme je l'ai lu quelque part, les juges en col blanc de l'état de Géorgie puis de la Cour Suprême des États-Unis ont fait montre de plus de cruauté que les ayatollahs iraniens qui, sous la pression mondiale, ont renoncé à lapider Sakineh. Apparemment, les partisans de la peine de mort aux États-Unis gagnent du terrain depuis quelques années alors qu'on aurait pu s'attendre à l'inverse après l'espoir suscité par l'élection d'un président démocrate et noir. Certains ont reproché à Obama justement de ne pas s'être prononcé en faveur d'une grâce de Troy Davis. Un peu peut-être à la manière de Ponce Pilate, il a argué que cette décision relevait de la justice fédérale et qu'il n'avait pas à intervenir. Il est déjà en pré-campagne pour son prochain mandat et il doit prendre en compte le fait que l'opinion américaine est encore largement en faveur de la peine de mort. Le très populaire gouverneur du Texas, Rick Perry, dont l'état détient le triste record des peines capitales (234 depuis son élection) part grand favori dans la course à l'investiture républicaine de la prochaine présidentielle. Les abolitionnistes américains ont encore du souci à se faire. Et n'oublions pas que chez nous, Mitterrand et son ministre de la justice Robert Badinter ont fait passer en force l'abolition de la peine de mort contre une opinion publique largement favorable à cette pratique. Le 9 octobre prochain, cela fera 30 ans. Pas tellement vieux finalement pour le pays des droits de l'homme ...

dimanche 11 septembre 2011

Ten Years Ago (III)

J’ai encore aujourd’hui du mal à exprimer ce que j’ai ressenti en voyant ces images quand peu de temps après avoir appris la terrible nouvelle, nous nous sommes à notre tour réfugiés dans un café de Sark. Virginie et les autres qui revenaient de leur balade à vélo nous ont rejoints et là, dans ce qui nous avait paru être un de ces endroits privilégiés à peine touchés par le progrès technique, nous avons remarqué soudain le taux d’équipement en radios, ordinateurs et télés. Dans chaque boutique de souvenirs, bistrot ou hôtel, les gens se sont agglutinés autour de la lucarne magique comme aimantés. Le nôtre avait un écran géant et nous étions là debout, sidérés, répétant "c’est pas possible, c’est pas possible, oh mon Dieu !". Virginie a proposé un alcool fort à chacun, certains se sont mis à tirer fébrilement sur leur cigarette et quand, au bout d’un moment, quelqu’un a proposé de se mettre en terrasse pour finir nos verres, il en restait toujours un à l’intérieur qui n’arrivait pas à détacher ses yeux de l’écran. Même les plus blasés parmi ces journalistes, Marc le vieux routier du Monde, Philippe qui avait couvert pour Sygma un grand nombre de guerres, tous étaient complètement retournés. Nous étions bien loin de ce brave Victor et de ses Travailleurs de la mer, des turpitudes de son exil, et de ses amours contingentes avec sa Juliette… Bienvenue dans le 21ème siècle ! Comme si le symbole de Manhattan mutilé ne suffisait pas, on apprenait qu’un troisième avion avait été lancé contre le Pentagone à Washington faisant encore 200 morts et qu’un quatrième s’était écrasé du côte de Pittsburgh. On a dit ensuite qu’il aurait normalement dû atteindre la Maison Blanche ou encore l’avion d’Air Force 1 qui transportait à ce moment-là le Président des États-Unis, George W. Bush, celui-là même que nous avions tendance à prendre pour un "neuneu". Le soir, nous avions une veillée prévue autour du film de Truffaut, Adèle H., ce que tout le monde s’est empressé d’oublier. Ce qui devait être un moment privilégié, c’est en effet assez rare de dormir à Sark car l’hôtellerie est limitée en capacité, s’est transformé en dîner très animé, très "retour brutal sur terre". Le lendemain, nous regagnions la France via Guernesey où nous nous sommes jetés de manière frénétique sur tous les journaux. Le Times titrait "When War Cames to America". Et c’était bien de guerre dont il s’agissait.


samedi 10 septembre 2011

Ten Years Ago (II)

Ces images nous les avons vues et revues depuis ad nauseam puisqu’elles passent en boucle sur toutes les télés du monde mais à ce moment-là, nous avons bien du mal à réaliser qu’elles ne sont pas virtuelles comme dans un film catastrophe ou un jeu vidéo, mais bel et bien réelles. Sur le moment, quand Yves essaie de nous expliquer ce qu’il a vu, un avion foncer dans une des tours du World Trade Center, je ne parviens qu’à répéter : "Quoi, les Twin Towers, tu en es sûr ?". Il faut dire que Manhattan sans les tours jumelles, c’est comme Paris sans la Tour Eiffel ou San Francisco sans le Golden Gate, la fierté des new-yorkais, le symbole de la finance et de la toute puissance économique de l’Amérique. Et sur un plan humain, c’est une véritable ruche, 50 000 personnes y travaillent, elles abritent des hôtels, des restaurants, des énormes galeries marchandes, une poste, bref, c’est une ville dans la ville ! Je m’étais rendue deux fois à New York et à chaque fois, j’avais pris l’ascenseur pour voir comme des millions de touristes avant et après moi, la forêt de gratte-ciels, l’Hudson et Central Park à mes pieds. Fascinant. 106 étages je crois me souvenir, et un raz de marée humain à chaque ouverture des bureaux. Le cynisme des terroristes qui se sont emparés d’avions de ligne régulière pour les transformer en méga-bombes est tel qu’ils ont orchestré leurs attentats de manière à ce que les projecteurs de toutes les télés soient braqués sur la deuxième tour, après l’annonce de l’attaque de la première, au moment précis où le deuxième appareil est venu la traverser de part et d’autre. A ce stade, une grande partie des tours avait déjà été évacuée et les pompiers accourus en secours ont été littéralement pris au piège quand l’une après l’autre, elles se sont effondrées. Juste avant, on a eu le temps de voir des gens se jeter par les fenêtres pour éviter le brasier, image forte qui a fait faire des cauchemars à des milliers d’enfants que leurs parents hébétés n’ont pas eu le réflexe de soustraire à cette vision d’horreur. A suivre ...

vendredi 9 septembre 2011

Ten Years Ago (I)

J'ai retrouvé ce que j'ai écrit dans mon journal il y a 10 ans, quelques jours seulement après le 11 septembre. Je vous le livre tel quel. Lu ce matin quelque part : "Chaque américain se souvient de ce qu’il faisait au moment où il a appris l’assassinat du Président Kennedy, désormais chacun de nous se souviendra de ce qu’il faisait quand il a appris l’effondrement des Twin Towers". Pour ma part, je me trouvais à Sark avec un groupe de journalistes en voyage de presse.  Le thème de ce voyage était "sur les traces de Victor Hugo" et nous suivions un guide passionnant, Gérard P., professeur de littérature au Lycée Buffon et hugolien passionné.  A Sark, au troisième jour de nos pérégrinations, nous nous sentions particulièrement hors du temps et hors du monde. Nous venions de pique-niquer juste avant la Coupée, sorte de bras de terre qui sépare la Grande Sark de la Petite Sark, Gérard avait évoqué Hugo et plus particulièrement ces blocs de rochers qui lui avaient inspiré le naufrage de la Durande dans "Les Travailleurs de la Mer" et, alors que les autres enfourchaient leur vélo, avec deux de mes compagnes, Hélène et Mireille, nous avons décidé de continuer à pied. Il faut dire que sur cette île minuscule des anglo-normandes, il existe trois moyens de locomotion en dehors de la marche, le vélo, la carriole tirée par un vieux cheval de labour ou le tracteur ! Aucune voiture n’est autorisée, d’ailleurs l’état des quelques routes qui sillonnent Sark ne le permettrait pas. Nous suivions donc des petits chemins de campagne et convergions vers la rue principale de Sark à la recherche de cartes postales quand nous avons rencontré Yves et Philippe, complètement bouleversés par ce qu’ils venaient de voir. Yves et Philippe sont deux photographes de l’agence Sygma qui assuraient un reportage sur le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, en marge de notre voyage de presse. N’ayant pas pique-niqué avec nous, ils étaient entrés se sustenter dans un troquet au milieu duquel trônait un poste de télévision. Et là, il devait être 14 ou 15 heures et donc peu près 10 heures du matin à New York, quand ils ont vu l’avion percuter la deuxième tour puis plus tard, les deux tours s’effondrer comme des châteaux de cartes. A suivre ...    

lundi 5 septembre 2011

Rentrée déclassée

L'été est derrière nous, l'automne pas encore tout à fait devant, et au cas où l'on ne s'en serait pas aperçu, les spots à la radio se chargent de nous le seriner toutes les dix secondes : c'est la rentrée pour tous. Enfin presque. Je sais que pour beaucoup, ce premier jour d'école, de collège ou de reprise du boulot ne va pas sans un pincement au cœur, voire la grosse boule au ventre. Ce matin, mon homme reprenait le chemin du bureau en traînant les pieds, ma fille crisait parce qu'elle ne retrouvait pas son chouchou (elle a pris un job de serveuse avant la reprise de ses cours dans 15 jours), et moi je composais mentalement la to-do list idéale du demandeur d'emploi modèle que je ne suivrais pas. A la place, j'ai fait tourner trois machines, étendu trois lessives, essayé de remettre la maison en ordre de marche, appelé ma mère, tchatté sur Sk*pe avec des copines et mon fils au loin, surfé rapidement sur la blogosphère. Bref ma journée de rentrée ressemblait étrangement à celles de janvier, de mars, de juin, ou des prochains jours, un long ruban de non événements. J'ai été une bonne élève et je n'ai jamais appréhendé le jour de la rentrée même lorsque je débarquais dans un nouvel établissement (ce qui était fréquent avec le métier de mon père ...). J'ai longtemps aimé mon travail et même s'il m'est arrivé de trouver les vacances d'été trop courtes, j'ai toujours apprécié la reprise. Retrouver ses collègues autour de la machine à café, échanger des anecdotes, comparer son bronzage, lire ses messages, rouvrir ses dossiers,  participer à la première réunion d'équipe, oui j'ai aimé ça. Ce n'est que lorsqu'on en est privé que l'on mesure à quel point c'est important dans une vie. Enfin dans la mienne, ça l'était. Bon, allez, bonne rentrée et sans rancune ! Et comme disait Coluche : "Pour qu'il y ait du chômage quelque part, il faut déjà qu'il y ait du travail. En France, il y a les deux, seulement quand il y a du travail, les travailleurs se plaignent de travailler".

mardi 19 juillet 2011

Junk mail ou comment s'en débarrasser

Un matin d'été comme un autre. Enfin presque car la météo semble n'avoir pas vu qu'on était en juillet. Une chose est là cependant pour me le rappeler, c'est la quantité de messages sans intérêt de ma boîte mail.  Mon café bu, je me dirige vers mon PC portable, le cœur plein d'espoir. Peut-être va-t-on me proposer le poste de mes rêves, ou bien vais-je recevoir un courriel plein d'anecdotes d'une amie très chère. Mais non, rien de tel, à la place un ramassis de SPAM tous plus déprimants les uns que les autres. Florilège. BernardTapie.com (déjà question crédibilité, vous feriez confiance vous à une boîte qui s'appelle comme ça ?) me propose de comparer mon assurance auto à la sienne. Puis c'est au tour de MyMutuelle.com, l'article anglais accolé à un concept si français déjà m'étonne mais je dois avoir l'esprit mal tourné. GéoCoyotte (!) quant à lui, se fait fort de m'aider à gérer au mieux mon parc de véhicules (!!!) et de localiser n'importe où mes collaborateurs. Aufeminin.com - mon fournisseur d'horoscope et de recette quotidiens - s'est acoquiné à Videdressing.com pour me proposer le It Bag de luxe avec comme argument de vente imparable : Vanessa, Lilly et Blake l'ont choisi. Vanessa je devine que c'est Mrs Johnny D., celle qui montait dans le taxi de Joe pour rentrer du collège mais Lilly et Blake ? Je connais Lily la Tigresse et Blake Edwards mais je doute que ce soit ça. J'offre la recette des cannelés à celle (celui ?) qui me renseignera. Le pompon du jour revient à  la Cabane en l'air qui m'invite à rejoindre sa communauté sur Fessedebouc. Déjà aller crécher dans un arbre, faudrait me payer mais en plus en bande ! Mais où vont-ils chercher tout ça ?  Quant à la moisson d'offres d'emploi du jour, j'ai le choix entre gestionnaire de paie dans une entreprise de menuiserie ou serveuse chez Buffalo Grill. Mes critères de recherche sont : communication, tourisme, formation. Cherchez l'erreur. Il faut dire que le site d'annonces s'appelle MétéoJob et franchement, au vu de la pertinence de leurs réponses, j'ai envie de leur suggérer de s'en tenir aux prévisions météo. En ce moment, ça peut servir ...       

vendredi 24 juin 2011

And the Winner Is ...

Oyez, oyez, copinautes, amis de la blogosphère, je prends aujourd'hui la suite de Valérie, d'Hermione et de Liwymi (merci à toutes les deux d'avoir pensé à moi) pour vous livrer à mon tour 7 petits secrets jusque là bien gardés. En général, je ne raffole pas des "chaînes" mais là, demandé si gentiment et avec des devancières aussi douées, je ne peux me dérober.  
  1. Commençons par le commencement : je suis née à l'envers. Un siège, ça s'appelle. A l'époque, pas de césarienne, le médecin a demandé à mon père s'il fallait sauver la mère ou l'enfant. Papa avait 23 ans, maman, 22, il a répondu "la mère", et je lui donne raison. Mais il faut croire que j'avais envie de naître car je me suis accrochée et  Maman aussi, Dieu merci !
  2. A 18 ans, j'ai eu un accident de moto assez rare. J'étais à l'arrière de la Suzuki de ma copine Fafate et je tenais une baguette de pain. A un moment, elle s'est penchée, le pain est tombé et comme une idiote, j'ai voulu le rattraper. Mon talon a été tranché par les rayons de la moto, à un centimètre du tendon d'Achille. J'en ai été quitte pour une grosse frayeur et un mois d'été (1976, la canicule !) à attendre que ma blessure cicatrise, le pied posé sur un coussin. 
  3. Je déteste le lait. Si on me force à en boire, j'avoue tout même ce que je n'ai pas commis !
  4. Je suis pleine de TOC. J'utilise toujours les mêmes stylos (Ball Pentel noir mine 7), les mêmes crayons (Bic Matic de toutes les couleurs), je bois mon café dans la même tasse ébréchée en porcelaine anglaise à fleurs bleues. C'est grave, Docteur ?
  5. Je fais les mots-croisés de Telerama depuis des années et je les finis toujours, dans un délai de deux jours à une semaine. Quand je suis contente, je mets un petit smiley en face, quand j'en ai bavé, je mets un petit bonhomme qui fait la gueule :(    
  6. J'ai la phobie des chauve-souris. Au Sri Lanka, une fois je suis sortie de la piscine où je faisais la planche en hurlant car, ouvrant les yeux, je les ai vues soudain tournoyer au-dessus de ma tête !  
  7. Mon premier chat s'appelait Gringo (j'étais dans ma période Lavilliers), il a pissé dans la valise d'une de mes copines et comme je l'ai grondé, il n'est jamais revenu. Mon deuxième chat, Pablo, est devenu aveugle ce qui ne l'a pas empêché de se sauver lui aussi. Comme j'en avais marre des matous fugueurs, cette fois, j'ai une petite chatte, Savannah, qui ne bouge jamais de la maison. Ça, c'est pour Hermione ...    
A mon tour de passer le relais à  Leslie, Lilie, Marie-Ange, Marie-Madeleine, Lakevio, Béatrice et Moukmouk. J'ai hâte de les lire !
 

      mercredi 22 juin 2011

      Et au milieu coule une rivière

      En arrivant à Bordeaux, la bien nommée, j'ai retrouvé avec plaisir les sensations que procure la présence de l'eau dans une ville.  J'ai eu dans ma vie la chance de presque toujours habiter dans un port ou près d'un fleuve, Sète, Bayonne, La Rochelle, Toulouse, Paris, Rennes.  J'aime marcher le long des berges, observer le va-et-vient des bateaux, paquebots, voiliers ou simples péniches, fixer la ligne d'horizon ou plonger mon regard dans les eaux changeantes du fleuve. Ce week-end, c'était la Fête du Fleuve à Bordeaux, une fête un peu gâchée par une météo capricieuse le samedi, beaucoup de vent et plusieurs grains qui ont contraint les promeneurs à des replis stratégiques sous les stands. Dimanche, la Garonne sous le soleil avait retrouvé sa foule des grands jours venue admirer le majestueux Belem ou la Belle Poule, et suivre les premières courses de traînières à Bordeaux dans le cadre de la Liga San Miguel (une compétition basque très physique qui réunit sur des barques géantes des équipages de rameurs professionnels). L'invitée d'honneur de cette Fête du Fleuve était Bilbao et samedi lors de l'inauguration, on pouvait apercevoir Iñaki Azkuna, le maire de Bilbao déambulant sur les planches avec Alain Juppé. Entre parenthèses, quelle santé il a cet homme-là, l'avant-veille il était encore à Alger avec Bouteflika ! C'est aussi grâce au Pays Basque espagnol que je me trouvais moi aussi sur le pont (c'est le cas de le dire). Une amie attachée de presse de Paris m'avait confié à cette occasion l'accueil des journalistes sur le stand de son client. Des journalistes, je n'en ai pas vu beaucoup, dans ce genre de manifestation c'est un peu comme si on décidait de baguer des mouettes... Mais la foule elle était au rendez-vous, surtout à l'heure de la dégustation du cidre, prétexte à tout un cérémonial : un jet puissant qui jaillit du tonneau ou "kupela" et est ensuite récupéré dans un verre que l'on doit boire cul sec. On appelle ça le "txotx" en basque, sorte d'onomatopée qui évoque le bruit du liquide sous pression lorsqu'il s'échappe du fût. Quant au fromage de brebis, on le sert de ce côté-ci des Pyrénées avec de la pâte de coing plutôt qu'avec de la confiture de cerise noire, un régal ! Car c'est bien connu, l'air du large ouvre l'appétit...

      mardi 10 mai 2011

      Génération Mitterrand

      Le 10 mai 1981, c'était la première fois que je votais pour élire un Président de la République. Je travaillais alors à La Rochelle comme agent de comptoir (!) non pas dans un bar mais dans une agence de voyages, celle du journal Sud-Ouest. A l'époque, la plupart des groupes de presse avaient leur agence, peut-être une façon d'ouvrir leurs lecteurs à de nouveaux horizons. L'agence était au rez-de-chaussée avec la publicité et les petites annonces, et la rédaction au premier. En 81, j'étais encore sous l'influence politique de mes parents et, contrairement à mon frère et à la plupart des gens de ma génération, voter à gauche n'allait pas de soi pour moi. Au premier tour, j'avais voté pour Michel Crépeau qui se présentait pour le MRG (Radicaux de gauche) surtout parce qu'il était maire de La Rochelle et que grâce à lui (et surtout au rédac'chef du journal), j'avais eu droit à un F2 dans une HLM de la ville (on voit où se logeait ma conscience politique ...).  Bref, le jour du second tour, je ne me souviens plus des circonstances de mon vote mais clairement que j'avais hésité à donner ma voix à Mitterrand que je n'aimais pas beaucoup. Pour moi il était vieux (l'âge légal de la retraite aujourd'hui), je me méfiais de son sourire carnassier, ses mines florentines, et ses discours sibyllins. Mais comme beaucoup de Français alors, je supportais encore moins Giscard, son arrogance, son côté bling-bling et ses promesses non tenues (tiens, tiens, ça me rappelle quelqu'un ...). Bref, ce 10 mai à 20 heures, j'étais devant la télévision de la rédaction avec mes collègues et quelques Rochelais lorsque le visage de "Tonton" est apparu. Ceux qui ont vu cette image se souviennent peut-être que les deux candidats étant également dégarnis, il a fallu arriver aux sourcils pour qu'on comprenne que la France venait de changer de bord. En quelques minutes, les quais ses sont couverts de badauds, les rues ont résonné des klaxons des voitures (La Rochelle, ville touchée au début des années 80 par 10% de chômage, votait largement à gauche) et avec mes copines, j'ai observé du balcon la liesse populaire. Plus tard, Crépeau est arrivé au journal avec une caisse de champagne (entre les deux tours, il avait logiquement appelé ses électeurs à donner leurs voix à Mitterrand) pour fêter l'événement. On notera au passage le devoir de neutralité d'un grand quotidien régional... Et vous, votre 10 mai 81 ?

      mardi 3 mai 2011

      Le bonheur c'est simple comme ...

      Dimanche, j'ai acheté mes premières pivoines sur le marché des Capucins. Ceux et celles qui me connaissent bien savent que ce sont là mes fleurs préférées. Les pivoines et les roses anciennes. Ce matin, juste après la signature chez le notaire, nous sommes retournés dans notre nouvelle maison. Jusque là, nous ne l'avions vue qu'en hiver et cette fois, dans le jardin minuscule les rosiers étaient en fleurs. J'ai reconnu un David Austin d'un rose très pâle, presque décoloré, j'avais le même dans notre maison près de Rennes. Hélas, quand j'ai voulu en cueillir quelques fleurs pour rajouter à mon bouquet, les pétales sont tous tombés. Les deux autres rosiers, l'un d'un beau rouge carmin et l'autre d'un rose presque fushia, se sont montrés plus généreux. Sitôt rentrée chez moi, j'ai mêlé les roses aux pivoines et mis le tout dans un joli vase en opaline rose nacré, cadeau de ma sœur chérie déniché aux puces de St Michel. J'étais d'humeur chagrine ces jours derniers, ou plutôt inquiète. Ou les deux. Bref, envie de rien, pas d'écrire en tout cas, juste quelques petits mots laissés sur mon mur Fessebouc, comme des petits cailloux semés pour rassurer mes amis de passage. Un peu la flemme aussi. Et pourtant, le déménagement est dans à peine dix jours. Les cartons attendent ! Mon homme qui est à l'extérieur toute la journée va encore trouver que je n'avance pas vite et franchement, comment lui donner tort ?  En même temps, j'ai l'impression que ma vie depuis trois ans n'est qu'une succession de déménagements (et de fait, elle l'est !), je rêve de pièces vides la nuit et je me réveille en transes persuadée que rien n'ira dans rien. Le quotidien m'ennuie, le futur m'affole, quant à la rumeur du monde, parlons-en. Allumer la radio ou regarder la télé me filent le bourdon, entre les bons pères de famille massacreurs de vies,  les dictateurs déchus et ceux qui s'accrochent, les images d'attentat, tout ce sang partout, et maintenant,  le visage tuméfié - vrai ou faux - de l'homme le plus recherché du monde qu'on ne cherchera plus, stop ! C'est quand le bonheur ? Voilà, mon petit bonheur à moi, aujourd'hui à cette heure, ce sont ces roses et ces pivoines. La vie, et rien d'autre.

      lundi 11 avril 2011

      Stigmatisation

      Il règne en ce moment dans notre pays un climat délétère. Entre la dame qui se prend pour la réincarnation de Jeanne d'Arc et veut bouter les arabes hors de France, le nouveau ministre de l'intérieur qui arrive à faire pire que son prédécesseur ce qui déjà est une prouesse, le débat sur l'identité nationale voulu par le sommet de l'Etat et qui embarrasse tout le monde, représentants des différents cultes compris, ça fait beaucoup ! Personnellement, je vois passer dans ma boîte mail et sur Fessebouc des appels nauséabonds à se protéger des envahisseurs qui me font monter la bile dans la gorge. Heureusement, cette semaine dans la presse, plusieurs articles sur le reportage du photographe Britannique Martin Parr (photo) à la Goutte d'or à Paris viennent relever le débat et nous rappeler que oui, on peut trouver chez nous des communautés bigarrées, sympathiques,  bien intégrées, et qui ne font pas de bruit. Mais de celles-là, on ne parle pas. Selon un mot à la mode dont les médias raffolent en ce moment, on préfère stigmatiser. Stigmatisés donc, les tournantes dans les banlieues, les femmes cachées sous leur burqa et les hommes qui prient dans la rue. Réalité qui si elle existe, ne nous voilons pas la face, n'est pas la seule. J'ai déjà évoqué ce quartier Bordelais où nous sommes arrivés un peu par hasard et dans lequel je me sens bien. En bas de chez moi, mon voisin s'appelle Driss, il  tient un magasin de mobilier et de décoration marocain, c'est un homme de bon goût, raffiné, d'une grande courtoisie, toujours prêt à rendre service. Juste en face, nous avons nos habitudes dans un restaurant qui fait le meilleur couscous à l'agneau du monde, des pâtisseries orientales à se lécher les doigts et dont le patron est un jeune homme de 28 ans, sérieux, exigeant, prévenant, commerçant. J'apprécie son thé à la menthe en fin de repas et, un jour où j'étais enrhumée, il m'a soignée avec une décoction au camphre radicale. Je pourrais vous parler du couturier qui en vingt minutes et pour un prix modique vous fait un ourlet de pantalon (alors que trouver une retoucheuse de nos jours relève du parcours du combattant) ou encore de Racha, ma coiffeuse, mi-marocaine, mi-égyptienne qui est devenue une copine. Dans son salon aux murs badigeonnés d'une belle couleur brique, il règne une atmosphère délicieusement féminine, cosmopolite, on se prête les magazines, on papote de la pluie et du beau temps, un peu comme dans ce joli film, Caramel. Ce quartier, je l'aime, et cette France multicolore où j'ai grandi, c'est celle-là que je veux, pas cette autre qu'on voudrait me vendre, protectionniste, aseptisée, frileuse. En un mot, triste.     

      vendredi 25 mars 2011

      Vacanze romane

      Nous sommes en novembre, il fait gris et sombre quand nous passons devant la vitrine de cette agence de voyages au nom d'artiste italien. Une affichette attire nos regards : Rome au départ de Bordeaux. On entre. Quelques instants après, nous en ressortons délestés de quelques centaines d'euros mais avec la perspective d'une escapade dans la douceur d'un printemps romain. Sur le moment, ça nous  paraît très loin ces ides de mars et puis voilà c'est arrivé, et c'est déjà fini. On est venus, on a vu, on n'a rien vaincu, surtout pas la fatigue de nos pieds qui ont arpenté la ville éternelle dans tous les sens. Pour l'émotion artistique, mieux vaut se laisser guider par son inspiration, entrer dans une église et y découvrir un (ou plusieurs) Caravage de toute beauté plutôt que de suivre les circuits balisés. La Chapelle Sixtine par exemple. Qui n'en a pas rêvé ? Échaudés par l'expérience de Florence où nous n'avions pas pu voir la Galerie des Offices (quatre heures de queue !), j'ai pris le temps cette fois de réserver l'entrée des Musées du Vatican sur internet. Las ! Si vingt minutes à peine nous suffisent à pénétrer dans la première salle, nous n'y sommes pas tous seuls. La Chapelle Sixtine donc. Imaginez la Gare Montparnasse un jour de grands départs en vacances, pareil. Des centaines de personnes, tête en l'air scrutant le fameux plafond de Michel Ange à la recherche de la main de Dieu touchant celle de l'homme. Des grappes d'humains se mettant en scène sur la photo souvenir, celle qu'ils montreront plus tard pour dire j'y étais. Quelle déception ! Juste l'envie de se plonger dans un livre et d'y retrouver tous les détails qui nous ont complètement échappés sur le moment. Trop de parasitage. La Basilique Saint-Pierre, en revanche, que du bonheur ! On se sent écrasés par sa grandeur,  happés par tant de beauté, gagnés par la ferveur du lieu, que l'on soit croyant ou pas. Mais Rome, comme toutes les villes d'Italie, c'est avant tout une ambiance, cette atmosphère si particulière, mélange de dolce vita et de raffinement. Les boutiques, le moindre musée, les innombrables églises, les placettes et leurs terrasses pleines dès les premiers rayons de soleil, la cuisine, le vin, tout est une invitation au beau, un régal des sens. Sans parler des Italiens. A la terrasse du Caffè delle Arti en lisière du parc de la Villa Borghese, je les observe fascinée. Élégants, le verbe haut, les mains aussi éloquentes que les mots, et je  pense alors à ce qu'en  disait Cocteau : "Les Italiens sont des Français de bonne humeur"...     

      mercredi 16 mars 2011

      L'honneur japonais

      Après deux billets à connotation politique, je m'étais juré que le prochain serait plus léger. Mais comment continuer à faire comme si de rien n'était quand le Japon est touché de plein fouet par une catastrophe qu'on pressent comme étant l'une des pires de notre époque. Je ne sais pas vous mais moi je me sens comme au lendemain du 11 septembre. Je n'arrête pas de lire compulsivement les dépêches sur Internet et de regarder toutes les infos à la télé. Encore que de ce côté là, on est déjà passé à autre chose, le débat sur le nucléaire en France. Alors que les Japonais restent dignes après avoir subi à la fois l'un des plus forts tremblements de terre de tous les temps, un tsunami dont les victimes se comptent par dizaine de milliers et sont sous le coup d'une menace nucléaire majeure, nos compatriotes se précipitent dans les pharmacies pour faire provision de pastilles d'iode ! Quand cessera-t-on de se regarder le nombril dans ce pays ?  En Inde, nous étions quelques femmes d'expat à nous rencontrer chez l'une ou chez l'autre une fois par semaine pour discuter de différents sujets pendant une heure en anglais puis une heure en français. D'abord constitué de Françaises, de Britanniques et d'Américaines, notre groupe de "franglais" s'était peu à peu élargi à une Indienne, une Italienne et deux Japonaises, toutes éprises de notre langue. L'une d'elles était ma voisine et je regrette de ne pas l'avoir mieux connue car elle est arrivée peu avant que je ne parte. Depuis vendredi, je n'arrêtais pas de penser à elle et ce matin, je l'ai contactée. Je la savais toujours en Inde mais sûrement inquiète pour sa famille et ses amis restés au pays. Elle m'a répondu qu'en dehors de son frère qui vit à Tokyo, le reste de sa famille est à Kobé. Et de me rappeler que c'était là qu'il y a 15 ans s'était produit déjà un terrible tremblement de terre. Elle m'écrit qu'étudiante, elle est restée un mois sans pouvoir retrouver ses parents car les liaisons en train entre la ville où elle étudiait et Kobé avaient été coupées. Quand je suis arrivée, dit-elle, c'était comme s'il y avait eu la guerre. Et de rajouter, pourtant celui que nous venons de vivre est 140 fois plus fort. Dire que les médias français prétendent que les autorités japonaises minimisent l'ampleur de la catastrophe. J'ai une analyse un peu différente, je crois plutôt que ce sont les Japonais qui nous donnent une leçon de courage et de dignité.
      Au moment où je termine d'écrire ces lignes, je tombe sur cet édito  : L'honneur des Japonais

      mardi 8 mars 2011

      Femmes je vous aime

      C'est aujourd'hui la journée mondiale de la femme ce dont, a priori, tout le monde est au courant. Je ne sais pas si c'est parce que c'est le 100è anniversaire (merci  Clara !) et que les médias nous en rebattent les oreilles depuis ce matin mais je trouve qu'on en parle beaucoup cette année. Dans les réseaux sociaux, la grande sororité universelle se déchaîne. Moi la première, je congratule à tout va mes sœurs qui me le rendent bien. On aimerait penser que les femmes sont des hommes comme les autres et surtout qu'elles sont toutes formidables. Pourtant ces jours-ci, l'une d'entre elles crée l'émoi en caracolant en tête des sondages dans la perspective de la présidentielle qui, rappelons-le, n'a lieu que dans 14 mois. On pourrait penser hâtivement que la fameuse phrase de Françoise Giroud, la femme sera l'égale de l'homme le jour où l'on verra des femmes incapables à des postes de responsabilité, s'applique à cette dame mais je la crois au contraire diablement intelligente et certainement pas incapable. En effet, elle a su se servir de sa féminité et des atouts du beau sexe pour convaincre toute une partie de l'électorat qui échappait à son père. Elle a été assez maligne pour gommer tout ce qui pouvait faire peur dans les postures de son géniteur en revêtant l'habit d'une femme jeune, active, mère de famille et bien ancrée dans son époque. Je ne l'ai pas vu mais il paraît que le Elle de cette semaine lui consacre même plusieurs pages ! J'imagine qu'Hélène Lazareff et Françoise Giroud, toujours elle, doivent se retourner dans leur  tombe.  Pour moi, elle est au moins aussi dangereuse et fanatique que son père et elle pourrait faire encore plus de dégâts que lui, dix ans après l'électrochoc de 2002. Mais assez parlé politique, je ne voudrais pas que ce blog ne devienne qu'un éditorial de plus sur les questions d'actualité et, si j'en crois les maigres commentaires de mon précédent billet, ici tout du moins, le genre ne fait pas recette. Et pour terminer sur une note optimiste, je fais le vœu que dans 100 ans, la Journée de la Femme ce soit 365 jours de l'année ou, encore mieux, qu'elle n'ait plus aucune raison d'être !

      lundi 28 février 2011

      Anticonstitutionnellement

      Un dimanche soir comme un autre. Notre Président parle aux Français. Jusque là, rien de bien nouveau,  on a tellement pris l'habitude de le voir squatter le 20 heures qu'on s'attend à ce qu'il remplace bientôt David Pujadas. Personnellement, je ne le regarde pas d'autant que le sujet de son laïus  du jour a déjà été défloré par les radios et les journaux du week-end. On sait avant lui ou presque que MAM vit ses dernières heures de ministre. Donc, la soirée passe, je ne me souviens même plus de ce que l'on a regardé, c'est dire. Juste avant de me coucher, je mets quand même LCI (à moins que ce ne soit BFM TV) afin de savoir ce qui se passe dans le monde, et je tombe pile sur les morceaux choisis de l'allocution du chef de l'état. Et là, je me frotte les yeux.  Juste après nous avoir informés que MAM est remplacée aux Affaires Étrangères par Juppé (le meilleur d'entre nous comme disait Chirac, et de surcroît bon maire de notre bonne ville qu'on se demande quand il va trouver le temps d'administrer mais là n'est pas mon propos) que j'entends notre inénarrable président dire : "Je remplace Hortefeux par Guéant et X par Y. Je ne voudrais pas faire ma prétentieuse (comme dirait Blier dans un dialogue d'Audiard) mais j'ai eu l'occasion de faire un peu de droit constitutionnel quand j'étais en licence. Il me semble que l'article 21 de la constitution de 1958 prévoit que : "Le Président de la République nomme le Premier ministre [...]. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement". [...] Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation." Ce qui me frappe dans son discours, c'est qu'il n'est pas question mais alors pas du tout, du premier ministre. Et, qu'à tout le moins, on pourrait espérer un "nous" au lieu de ce "je" autoritaire pour ne pas dire autocratique. J'entends dire à la radio ce matin que c'est le 10è remaniement en quatre ans mais, sauf erreur de ma part, c'est toujours le même premier ministre (on n'ose plus dire chef du gouvernement). Ce qui pourrait passer pour de la stabilité ou de la fidélité si on avait encore le cœur à en rire. Les prédécesseurs de l'actuel Président nous avaient habitué aux premiers ministres fusibles (Juppé en a d'ailleurs fait les frais en son temps), voici venue l'heure du premier ministre fantôme (ou fantoche ?). Il est toujours là mais plus personne ne sait à quoi il sert. Qui ça ? Attendez, je ne me rappelle plus son nom, faut que je cherche...

      mercredi 16 février 2011

      Lux fiat

      Devinette. Pourquoi la caserne de pompiers de Livermore, California, est-elle le point d'attraction de nombreux badauds ? Je vais éclairer votre lanterne. Parce que depuis 1901, une des ampoules électriques pendues au plafond y brille sans discontinuer. Baptisée "Centennial Light" avec le sens des formules qui caractérise les américains, la petite merveille figure dans le Guinness Book des records et a même attiré un millier de personnes lors de son 100ème anniversaire ! Cette anecdote était le point de départ d'un documentaire d'Arte hier soir, très bien fait je trouve, suivi d'un débat sur le thème de l'obsolescence programmée. Kesako ? Pour reprendre l'exemple de notre ampoule centenaire, on sait parfaitement fabriquer des ampoules du même type. Mais dans les années 30, un cartel de fabricants venus de pays industrialisés (l'allemand Osram, le néerlandais Philips, etc.) s'est entendu pour limiter la durée de vie d'une ampoule à 1000 heures dans une pure logique de consommation. C'est ce qu'on appelle l'obsolescence programmée. Qui n'a pas ragé un jour en s'entendant dire que parce que telle pièce de son aspirateur ou de son imprimante était introuvable, tout l'appareil était à changer ? Dans le même reportage, un sociologue allemand se vantait d'avoir un réfrigérateur fabriqué en ex RDA acheté au moment de la chute du mur et qui marchait encore 25 ans après. Faut-il en conclure qu'il faut revenir à l'économie planifiée et jeter le bébé de la croissance avec l'eau du bain de la consommation ? On parle beaucoup de décroissance en ce moment et c'est vrai qu'on constate un début de prise de conscience collective. Après quoi courons-nous ? Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? Car tous ces biens périssables à brève échéance, que deviennent-ils réellement ? Quelle part est réellement recyclée, quelle part s'en va finir dans les décharges des pays pauvres ? On peut bien sûr accuser la société de consommation, le marketing et la pub qui nous forceraient à acheter toujours plus et plus souvent mais ce serait faire peu de cas de notre libre arbitre. Entendu ce matin sur Inter qu'un téléphone mobile est prévu pour durer 5 ans, or un consommateur adulte en change en moyenne tous les 18 mois et un jeune tous les 9 mois. Décroissance peut-être pas mais si on commençait à réfléchir en terme de croissance mesurée, chacun à son niveau ? En espérant que l'ampoule de Livermore nous aidera à y voir enfin plus clair.
      Illustration : "World's Longest Burning Light Bulb" by Dan Lacey           

      mercredi 9 février 2011

      Con fuoco

      Le week-end dernier nous étions à Paris. Que nos amis parisiens ne poussent pas tout de suite des cris d'orfraie, ça s'est décidé à la dernière minute, un copain emmenant sa belle en voyage à Prague et nous ayant proposé son appartement, nous l'avons accepté avec empressement. Ce qu'il y a de bien avec les escapades impromptues c'est qu'elles permettent de faire des choses auxquelles on n'a pas eu le temps de se préparer. Ainsi, alors que nous étions sur la route, BrB a appelé son frère qui bosse au service de presse de la salle Pleyel et nous avons eu des places pour le soir même au concert de la Staatskapelle de Berlin dirigée par le vibrionnant Daniel Barenboim. Et cet homme-là, je vous assure, c'est un spectacle à lui tout seul. Ce presque septuagénaire moitié argentin, moitié israélien et détenteur d'un passeport palestinien (!) déborde d'une énergie rare et est d'une générosité incroyable. Au programme du concert, il y avait du Bartok pour commencer et ensuite la 5è symphonie de Tchaïkovski, jouée magistralement par un orchestre très pro dirigé par un chef éblouissant. Je ne suis pas une mélomane avertie loin s'en faut mais là, à un moment précis, lors de l'entrée des cuivres dans le dernier mouvement, je me suis sentie littéralement transportée, parcourue de frissons et les larmes aux yeux. Je crois que ça ne m'était jamais arrivé auparavant un tel choc. Le public de Pleyel est connaisseur en général et a fait une ovation au maître et à ses musiciens qui ont encore joué en prime la Valse Triste de Sibelius et un extrait du Lac des Cygnes. Un régal. Le lendemain, nous avons poursuivi notre week-end culturel avec deux expos photos, André Kertesz au Musée du Jeu de Paume (très bien mais c'était le dernier jour) et le sud-africain David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson, où nous nous sommes retrouvés nez à nez avec notre amie photographe Henriette dont j'ai déjà parlé ici. C'est un peu comme dans Pagnol, tu as été à Paris et tu n'as pas vu Andolfi ? Et bien nous si ! Il faut le faire quand même... Pour terminer en beauté, dimanche soir nous sommes allés à la Comédie Française qui donnait "Un tramway nommé désir" de Tennessee Williams. Bon, comment dire ? Les acteurs du Français étaient bons évidemment (Eric Ruf en Stanley n'était pas très convaincant mais difficile de passer derrière Brando et son marcel) mais la mise en scène ne m'a pas conquise. Un décor japonais, une moto pétaradant sur scène, un Mitch qui ressemblait à un des barbus de ZZ Top, bref à trop vouloir être original on perd de vue l'œuvre  ... et le public. Chose qui ne risque pas d'arriver au Maestro Barenboim !    

      mercredi 2 février 2011

      Vous achetiez ? J'en suis fort aise.

      Vous savez quel est selon moi le plus beau métier du monde ? Banquier. Regardez ce qui s'est passé récemment aux États-Unis provoquant une onde de choc dans toute la planète. Je veux parler bien sûr de la crise des subprimes, ce truc qui, comme le faisait remarquer un observateur avisé, nous a coûté cher sans même emprunter. L'autre jour, j'ai vu à la télé un reportage hallucinant. A Los Angeles, un immense stade couvert avait été loué par une association d'aide aux victimes du surendettement. Environ 5000 personnes (!) attendaient dehors pendant des heures de pouvoir rentrer à l'intérieur. Là, des tables s'étendaient à perte de vue, de part et d'autre desquelles des personnes comme vous et moi se tenaient. A ceci près que d'un côté se trouvaient les vainqueurs, les usuriers, et de l'autre, les vaincus, ceux qui tentaient de conserver leur bien. Tous n'étaient pas de pauvres gens paumés qui avaient eu l'imp(r)udence de vouloir être propriétaires de leur maison alors qu'ils n'étaient qu'employés au Wallmart du coin, non, parmi eux on trouvait de nombreux cadres aux revenus plus que corrects. Ainsi cette chef d'entreprise qui se versait un salaire de 7000 dollars par mois avant la crise, somme réduite de moitié depuis. Femme seule, elle se battait pour garder sa maison. Depuis des mois, elle essayait de rencontrer son conseiller bancaire qui était aux abonnés absents. Là, elle jouait son va-tout. Une heure après, on la voyait ressortir, sourire aux lèvres, elle avait pu renégocier son prêt ... en l'étalant sur 20 ans ! En somme, la banque lui faisait une fleur alors qu'en réalité, pour le même montant prêté, celle-ci  allait s'enrichir  davantage en allongeant la durée des traites. Hier, nous avions rendez-vous avec notre conseiller bancaire pour un prêt immobilier. Nous sommes de bons clients, même si chez nous seul mon mari touche des revenus de son travail, la crise m'ayant personnellement atteinte en me privant des miens. Mais bon, nous avons vendu notre appartement rennais et avons donc un petit pécule en guise d'apport. Nous discutons taux, durée et assurances. Et puis, sans rire, notre banquier nous parle de la garantie d'emprunt. En gros, un organisme se porte garant pour nous, moyennant finances évidemment, pour que, en cas de coup dur, la banque retrouve ses billes. J'ai réfléchi et lui ai fait remarquer que je trouvais fort de café (pas en ces termes-là) que la banque, non contente de nous prêter de l'argent moyennant intérêts et principal, comme aurait dit La Fontaine, ne prend aucun risque ! Il l'a admis poliment. Franchement, banquier, n'est-ce pas un job de rêve ?       

      jeudi 20 janvier 2011

      Mon père, les Capucins et "Bambi" Moga

      En Afrique, on dit qu'un vieillard qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle. Mon père n'est pas un vieillard, du moins pas encore, c'est un monsieur de 76 ans dont les yeux bleus gardent tout leur éclat et la mémoire sa  vivacité. Il se trouve que notre nouveau quartier est celui de sa jeunesse, celui où à 16 ans, il travaillait comme barman aux Capucins. Le Marché des Capucins pour les Bordelais, c'est une véritable institution, le ventre de Bordeaux, le seul quartier qui du 19è siècle au milieu des années 70 s'animait lorsque tous les autres dormaient. Hier, j'ai suivi pas à pas mon père sur les traces de son passé. Au 11 de la rue Clare, il a fini par repérer les stigmates de ce qui avait été le café où il servait. Sur une façade grise, un rideau métallique à demi baissé est surmonté d'une enseigne sur laquelle on peut lire "Phone - Fax - Internet", trois vocables qui auraient plongé Gaby, le patron du bistrot disparu prématurément rongé par l'alcool et le tabac, dans un abîme de perplexité. Papa a hésité un peu, a traversé la rue et a reconnu dans une boucherie halal ce qui avait été autrefois une crèmerie. C'est bien là, s'est-il exclamé, du café, je voyais la fille des crémiers ouvrir sa boutique, une jolie fille a-t-il ajouté. Je n'en saurai pas plus. Juste à côté, c'était un entrepôt de bananes. Tous les mandataires et les routiers convergeaient vers les Capucins aux premières heures de la nuit et chacun venait se réchauffer d'un café ou d'une gratinée. Ils avaient leurs habitudes et chaque bistrot, son ambiance et sa clientèle de fidèles.  A l'angle de la rue Clare et de la rue Bergeret, c'était d'ailleurs un oncle de mon père, Tonton Charles, qui tenait le "Ramuncho". Papa se levait tous les jours à une heure du matin, remontait à pied le Cours de la Marne depuis la Gare St Jean, rasant les murs car la nuit était noire et les lampadaires rares. Il travaillait au café qu'à 20 heures, heureux pendant le coup de feu du mitan de la nuit à la fin de la matinée, et s'ennuyant ferme l'après-midi quand la fatigue commençait à se faire sentir et que seuls quelques poivrots tenaient encore le zinc. Et cela tous les jours du lundi au samedi. Heureusement, le dimanche c'était relâche et il pouvait alors aller au stade de rugby voir évoluer les frères Moga, ces figures des Capucins, bouchers et crémiers de leur état.  Soixante ans après, j'ai vu briller les yeux de mon père pendant qu'il me parlait d'Alphonse dit Fonfon, d'André, et surtout d'Alban dit Bambi, 1 m 87 pour 109 kg, 22 fois sélectionné en équipe de France.  Si une rue de Bordeaux porte désormais leur nom, aucune rue ne portera jamais celui de mon père ni d'aucun de ceux à qui le travail ne faisait pas peur, dans les années cinquante aux Capucins.