vendredi 23 septembre 2011

Born in the USA

Au lendemain du 11 septembre, un éditorialiste avait écrit parodiant Kennedy à Berlin : "Nous sommes tous des Américains".  Il est des jours où personnellement je me dis que je n'aimerais pas être américaine. Hier en était un quand au réveil j'ai compris que Troy Davis avait été exécuté dans la nuit. Bien sûr, je me garderai bien de mettre tous les américains dans le même panier et c'est justement parce que je sais que beaucoup d'entre eux ont espéré jusqu'au dernier moment la grâce de la Cour Suprême, que je les plains et n'aimerais pas être à leur place. Voilà un homme qui était depuis vingt ans dans le couloir de la mort, clamait son innocence et était devenu le symbole de ce que la peine de mort a d'abject, et qui, malgré d'innombrables soutiens venus du monde entier et les recours de ses avocats jusqu'au dernier moment, n'a pas réussi à échapper à son destin inhumain. Comme je l'ai lu quelque part, les juges en col blanc de l'état de Géorgie puis de la Cour Suprême des États-Unis ont fait montre de plus de cruauté que les ayatollahs iraniens qui, sous la pression mondiale, ont renoncé à lapider Sakineh. Apparemment, les partisans de la peine de mort aux États-Unis gagnent du terrain depuis quelques années alors qu'on aurait pu s'attendre à l'inverse après l'espoir suscité par l'élection d'un président démocrate et noir. Certains ont reproché à Obama justement de ne pas s'être prononcé en faveur d'une grâce de Troy Davis. Un peu peut-être à la manière de Ponce Pilate, il a argué que cette décision relevait de la justice fédérale et qu'il n'avait pas à intervenir. Il est déjà en pré-campagne pour son prochain mandat et il doit prendre en compte le fait que l'opinion américaine est encore largement en faveur de la peine de mort. Le très populaire gouverneur du Texas, Rick Perry, dont l'état détient le triste record des peines capitales (234 depuis son élection) part grand favori dans la course à l'investiture républicaine de la prochaine présidentielle. Les abolitionnistes américains ont encore du souci à se faire. Et n'oublions pas que chez nous, Mitterrand et son ministre de la justice Robert Badinter ont fait passer en force l'abolition de la peine de mort contre une opinion publique largement favorable à cette pratique. Le 9 octobre prochain, cela fera 30 ans. Pas tellement vieux finalement pour le pays des droits de l'homme ...

dimanche 11 septembre 2011

Ten Years Ago (III)

J’ai encore aujourd’hui du mal à exprimer ce que j’ai ressenti en voyant ces images quand peu de temps après avoir appris la terrible nouvelle, nous nous sommes à notre tour réfugiés dans un café de Sark. Virginie et les autres qui revenaient de leur balade à vélo nous ont rejoints et là, dans ce qui nous avait paru être un de ces endroits privilégiés à peine touchés par le progrès technique, nous avons remarqué soudain le taux d’équipement en radios, ordinateurs et télés. Dans chaque boutique de souvenirs, bistrot ou hôtel, les gens se sont agglutinés autour de la lucarne magique comme aimantés. Le nôtre avait un écran géant et nous étions là debout, sidérés, répétant "c’est pas possible, c’est pas possible, oh mon Dieu !". Virginie a proposé un alcool fort à chacun, certains se sont mis à tirer fébrilement sur leur cigarette et quand, au bout d’un moment, quelqu’un a proposé de se mettre en terrasse pour finir nos verres, il en restait toujours un à l’intérieur qui n’arrivait pas à détacher ses yeux de l’écran. Même les plus blasés parmi ces journalistes, Marc le vieux routier du Monde, Philippe qui avait couvert pour Sygma un grand nombre de guerres, tous étaient complètement retournés. Nous étions bien loin de ce brave Victor et de ses Travailleurs de la mer, des turpitudes de son exil, et de ses amours contingentes avec sa Juliette… Bienvenue dans le 21ème siècle ! Comme si le symbole de Manhattan mutilé ne suffisait pas, on apprenait qu’un troisième avion avait été lancé contre le Pentagone à Washington faisant encore 200 morts et qu’un quatrième s’était écrasé du côte de Pittsburgh. On a dit ensuite qu’il aurait normalement dû atteindre la Maison Blanche ou encore l’avion d’Air Force 1 qui transportait à ce moment-là le Président des États-Unis, George W. Bush, celui-là même que nous avions tendance à prendre pour un "neuneu". Le soir, nous avions une veillée prévue autour du film de Truffaut, Adèle H., ce que tout le monde s’est empressé d’oublier. Ce qui devait être un moment privilégié, c’est en effet assez rare de dormir à Sark car l’hôtellerie est limitée en capacité, s’est transformé en dîner très animé, très "retour brutal sur terre". Le lendemain, nous regagnions la France via Guernesey où nous nous sommes jetés de manière frénétique sur tous les journaux. Le Times titrait "When War Cames to America". Et c’était bien de guerre dont il s’agissait.


samedi 10 septembre 2011

Ten Years Ago (II)

Ces images nous les avons vues et revues depuis ad nauseam puisqu’elles passent en boucle sur toutes les télés du monde mais à ce moment-là, nous avons bien du mal à réaliser qu’elles ne sont pas virtuelles comme dans un film catastrophe ou un jeu vidéo, mais bel et bien réelles. Sur le moment, quand Yves essaie de nous expliquer ce qu’il a vu, un avion foncer dans une des tours du World Trade Center, je ne parviens qu’à répéter : "Quoi, les Twin Towers, tu en es sûr ?". Il faut dire que Manhattan sans les tours jumelles, c’est comme Paris sans la Tour Eiffel ou San Francisco sans le Golden Gate, la fierté des new-yorkais, le symbole de la finance et de la toute puissance économique de l’Amérique. Et sur un plan humain, c’est une véritable ruche, 50 000 personnes y travaillent, elles abritent des hôtels, des restaurants, des énormes galeries marchandes, une poste, bref, c’est une ville dans la ville ! Je m’étais rendue deux fois à New York et à chaque fois, j’avais pris l’ascenseur pour voir comme des millions de touristes avant et après moi, la forêt de gratte-ciels, l’Hudson et Central Park à mes pieds. Fascinant. 106 étages je crois me souvenir, et un raz de marée humain à chaque ouverture des bureaux. Le cynisme des terroristes qui se sont emparés d’avions de ligne régulière pour les transformer en méga-bombes est tel qu’ils ont orchestré leurs attentats de manière à ce que les projecteurs de toutes les télés soient braqués sur la deuxième tour, après l’annonce de l’attaque de la première, au moment précis où le deuxième appareil est venu la traverser de part et d’autre. A ce stade, une grande partie des tours avait déjà été évacuée et les pompiers accourus en secours ont été littéralement pris au piège quand l’une après l’autre, elles se sont effondrées. Juste avant, on a eu le temps de voir des gens se jeter par les fenêtres pour éviter le brasier, image forte qui a fait faire des cauchemars à des milliers d’enfants que leurs parents hébétés n’ont pas eu le réflexe de soustraire à cette vision d’horreur. A suivre ...

vendredi 9 septembre 2011

Ten Years Ago (I)

J'ai retrouvé ce que j'ai écrit dans mon journal il y a 10 ans, quelques jours seulement après le 11 septembre. Je vous le livre tel quel. Lu ce matin quelque part : "Chaque américain se souvient de ce qu’il faisait au moment où il a appris l’assassinat du Président Kennedy, désormais chacun de nous se souviendra de ce qu’il faisait quand il a appris l’effondrement des Twin Towers". Pour ma part, je me trouvais à Sark avec un groupe de journalistes en voyage de presse.  Le thème de ce voyage était "sur les traces de Victor Hugo" et nous suivions un guide passionnant, Gérard P., professeur de littérature au Lycée Buffon et hugolien passionné.  A Sark, au troisième jour de nos pérégrinations, nous nous sentions particulièrement hors du temps et hors du monde. Nous venions de pique-niquer juste avant la Coupée, sorte de bras de terre qui sépare la Grande Sark de la Petite Sark, Gérard avait évoqué Hugo et plus particulièrement ces blocs de rochers qui lui avaient inspiré le naufrage de la Durande dans "Les Travailleurs de la Mer" et, alors que les autres enfourchaient leur vélo, avec deux de mes compagnes, Hélène et Mireille, nous avons décidé de continuer à pied. Il faut dire que sur cette île minuscule des anglo-normandes, il existe trois moyens de locomotion en dehors de la marche, le vélo, la carriole tirée par un vieux cheval de labour ou le tracteur ! Aucune voiture n’est autorisée, d’ailleurs l’état des quelques routes qui sillonnent Sark ne le permettrait pas. Nous suivions donc des petits chemins de campagne et convergions vers la rue principale de Sark à la recherche de cartes postales quand nous avons rencontré Yves et Philippe, complètement bouleversés par ce qu’ils venaient de voir. Yves et Philippe sont deux photographes de l’agence Sygma qui assuraient un reportage sur le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, en marge de notre voyage de presse. N’ayant pas pique-niqué avec nous, ils étaient entrés se sustenter dans un troquet au milieu duquel trônait un poste de télévision. Et là, il devait être 14 ou 15 heures et donc peu près 10 heures du matin à New York, quand ils ont vu l’avion percuter la deuxième tour puis plus tard, les deux tours s’effondrer comme des châteaux de cartes. A suivre ...    

lundi 5 septembre 2011

Rentrée déclassée

L'été est derrière nous, l'automne pas encore tout à fait devant, et au cas où l'on ne s'en serait pas aperçu, les spots à la radio se chargent de nous le seriner toutes les dix secondes : c'est la rentrée pour tous. Enfin presque. Je sais que pour beaucoup, ce premier jour d'école, de collège ou de reprise du boulot ne va pas sans un pincement au cœur, voire la grosse boule au ventre. Ce matin, mon homme reprenait le chemin du bureau en traînant les pieds, ma fille crisait parce qu'elle ne retrouvait pas son chouchou (elle a pris un job de serveuse avant la reprise de ses cours dans 15 jours), et moi je composais mentalement la to-do list idéale du demandeur d'emploi modèle que je ne suivrais pas. A la place, j'ai fait tourner trois machines, étendu trois lessives, essayé de remettre la maison en ordre de marche, appelé ma mère, tchatté sur Sk*pe avec des copines et mon fils au loin, surfé rapidement sur la blogosphère. Bref ma journée de rentrée ressemblait étrangement à celles de janvier, de mars, de juin, ou des prochains jours, un long ruban de non événements. J'ai été une bonne élève et je n'ai jamais appréhendé le jour de la rentrée même lorsque je débarquais dans un nouvel établissement (ce qui était fréquent avec le métier de mon père ...). J'ai longtemps aimé mon travail et même s'il m'est arrivé de trouver les vacances d'été trop courtes, j'ai toujours apprécié la reprise. Retrouver ses collègues autour de la machine à café, échanger des anecdotes, comparer son bronzage, lire ses messages, rouvrir ses dossiers,  participer à la première réunion d'équipe, oui j'ai aimé ça. Ce n'est que lorsqu'on en est privé que l'on mesure à quel point c'est important dans une vie. Enfin dans la mienne, ça l'était. Bon, allez, bonne rentrée et sans rancune ! Et comme disait Coluche : "Pour qu'il y ait du chômage quelque part, il faut déjà qu'il y ait du travail. En France, il y a les deux, seulement quand il y a du travail, les travailleurs se plaignent de travailler".