Cette année-là, le 25 août est tombé un dimanche. Les rues de Paris étaient désertes et nous n'avons eu aucun mal à rallier le quartier où j'avais rendez-vous avec toi, le XIVè. Quatre coups venaient de sonner à la grande horloge de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, que les parisiennes branchées appellent SVP, quand j'ai été autorisée à pénétrer dans le saint des saints, la salle de travail. Quatre heures et quatre centimètres. Excuse-moi pour ce détail trivial mais un jour, je l'espère, tu comprendras. Je m'efforçais de ne pas trop penser à la douleur et de me concentrer sur le carré de ciel bleu qui se détachait de la fenêtre. Quand je revois cette scène, j'ai toujours cette image des trois filles s'activant autour de moi et du soleil entrant à flots dans la pièce. En dehors de ton père qui se tenait discrètement dans un coin, nous n'étions que des femmes : l'anesthésiste, la sage-femme, l'infirmière et moi, la parturiente. D'elles trois émanait un mélange de décontraction - visiblement elles se connaissaient bien - et de compétence. Je me sentais en confiance. J'avais pourtant un mal de chien, le mal joli, tu parles ! On m'avait fait une "petite" péridurale car le travail était déjà bien commencé quand j'étais arrivée et puis, je voulais participer, tu me connais. Tu as remarqué ce mot, travail, qui revient tout le temps quand on parle d'accouchement ? Étymologiquement, travail s'apparente à torture et ce n'est pas toi qui diras le contraire, n'est-ce pas, ma chérie ? Mais moi qui suis par nature assez appliquée, je peux te garantir que je faisais mes devoirs consciencieusement ce jour-là. Ton arrivée était prévue pour le 25 août et tu es arrivée ... le 25 août. Pas pressée, à la limite de la ponctualité, ça non plus, ça ne t'étonnera pas. Je ne savais pas si j'attendais une fille ou un garçon mais j’avais entendu ma grand-mère dire que que les petites filles prennent plus leur temps car elles font leur toilette. Bon, finalement, quand tu t'es décidée à venir, tout a été très rapide. Deux poussées pour la tête, une pour le corps et hop, tu étais là. 18h45, une heure que j'aime entre toutes, surtout l'été. Quand j'ai compris que j'avais une fille, ma fille, j'étais folle de joie. On t'a mise sur mon ventre. Je t'ai trouvée superbe. Pas fripée, un teint de pêche, des yeux clairs, des cheveux et des sourcils très blonds et des cernes sous les yeux comme ton papa. A première vue, tu ne me ressemblais pas du tout, ni à ton frère. Voilà, ma princesse, ma petite poupée blonde, comment tu as fait ton entrée dans la vie, dans ma vie. Un 25 août comme aujourd'hui. 18 ans que tu fais mon bonheur. Bon anniversaire, ma chérie !
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Il y a 21 heures