vendredi 31 octobre 2008

Ardoise magique

Pendant deux jours, j'ai cherché fébrilement la clé de la boîte aux lettres de l'agence pour m'apercevoir à cette occasion qu'elle n'avait pas de sœur jumelle. Au début, j'ai pu le faire discrètement car, à la faveur d'un recommandé, le facteur nous avait monté le courrier. J'ai donc déclenché mon plan Orsec personnel : j'ai fouillé les poches de tout ce que j'avais porté depuis la veille, vidé mes tiroirs et mon sac (qui ressemble de plus en plus à celui de Mary Poppins, on s'attend presque à en voir sortir un lampadaire et un porte-manteau) ; j'ai même suspendu des ciseaux en invoquant ce bon Saint Antoine ("Vous qui voyez tout, rendez-nous ce qui n'est pas à vous"), rien n'y a fait. J'ai dû en informer mes boss (l'un n'y a prêté aucune attention alors que l'autre a fait des recherches dans ses propres affaires, attitude classique de part et d'autre). J'ai appelé le syndic de l'immeuble pour voir s'il n'en avait pas un double, prévenu mes collègues (là aussi, il y a ceux qui compatissent et cherchent avec vous et les autres...). Bon, fin de cet intolérable suspense, je l'ai retrouvée glissée sous le siège de ma voiture pourtant fouillée elle aussi. Si j'en parle, c'est que cette situation stressante pour moi et mon entourage n'est hélas pas une première. J'aimerais pouvoir dire que je suis atteinte du syndrome Dada (Défauts d'Attention Dus à l'Age) mais pas du tout : je suis comme ça depuis toute petite. A l'école déjà, "étourdie" le disputait avec "bavarde" sur mes bulletins scolaires. Je ne compte pas les clés, portefeuilles, gants, et parapluies - que ma belle-mère m'offre avec une belle constance chaque Noël ou presque - que j'ai pu perdre dans mon existence. Ma cousine Brigitte se souvient sans doute de la petite valise d'appoint contenant nos trousses de toilette et appareils-photos égarée dans le Roissy-Rail alors que nous allions prendre l'avion - et que nous avons retrouvée à notre retour (!) car je suis une distraite du genre vernie. Mon amie Françoise pourrait raconter comment nous avons passé un dimanche après-midi à faire toute une ligne de banlieue dans les deux sens pour aller récupérer au terminus mon sac à main (!). Il ne faut pas croire que cela m'amuse, je passe un temps incalculable dans ma vie à réparer les pots cassés. Vivre avec moi ce n'est pas tous les jours une sinécure ! J'ai réfléchi à ce manque chronique d'attention et voilà ce j'ai observé : je ne me souviens pas l'instant suivant de ce que je viens de faire l'instant d'avant. Ma mémoire serait-elle une ardoise magique ?

vendredi 24 octobre 2008

Com sabor de vida

Très délicat de parler d'un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur sans tomber dans les bons sentiments mâtinés d'un "regardez comme je suis bonne et généreuse". Pourtant, j'ai décidé de prendre ce risque. Aujourd'hui était un jour gris et solitaire et ce n'est pas la lecture des journaux ni des blogs qui avaient de quoi me rendre le sourire. Et puis voilà qu'au courrier, j'apprends que l'association dont je suis membre depuis presque 15 ans vient de mettre son site en ligne. Je m'y précipite et découvre une galerie de photos au milieu de laquelle je reconnais ma filleule, Helena, et son sourire éclatant que j'ai eu envie de vous faire partager. Helena est une petite fille Brésilienne de bientôt 11 ans, elle vit dans le Minas Gerais avec ses parents et sa soeur et sa scolarité est possible grâce à Esperanza. Elle m'écrit des lettres magnifiques et m'envoie de beaux dessins pleins de soleils, de fleurs et de papillons. Pourtant, sa vie n'est pas facile et, si jeune, les épreuves ne lui ont pas été épargnées. En mai, elle m'écrivait "Chère marraine, je t'écris une triste nouvelle. [...] mon petit frère vient de décéder suite à une maladie : l'hémophilie. Nous avions fait beaucoup de plans, surtout mes parents qui voulaient tellement un petit garçon..." Etonnant, cette maturité chez une enfant si petite, non ? Helena est ma troisième filleule. Avant elle, il y a eu Fabricio mais peu de temps car sa famille a quitté la région et encore avant, Marcio. Lui, je l'ai vu grandir au fil des années sur les photos que l'association m'envoyait tous les ans. D'un gamin timide et chétif de 9 ans, je l'ai vu se transformer en un beau jeune homme de 18 ans qui m'écrivait des messages d'amour. Nous nous sommes perdus de vue mais je sais qu'il a un métier et qu'il est devenu un homme bien, désireux d'aider les autres comme il avait été aidé. Je pense souvent à lui et je suis sûre qu'au-delà des continents et du temps qui passe, lui non plus n'a pas oublié sa marraine Française. Mais ce que je voulais dire avec ce billet, sans être sûre d'y être vraiment parvenue, c'est que plus que ce que nous apportons à ces enfants en soutenant leur scolarité, l'important c'est ce qu'eux ont à nous donner : une immense leçon de vie. Helena finit toutes ses lettres par "abraços et beijos com sabor de vida". Et c'est peut-être cela qui nous manque le plus dans nos vies privilégiées, se rappeler la saveur de la vie.

lundi 20 octobre 2008

φ

Passées les premières minutes de curiosité pipolesque (ainsi donc c'est lui, Monsieur quatre consonnes et trois voyelles ?), je dois avouer que j'ai suivi avec délices la leçon de philo de Raphaël E. sur Arte, dimanche. Entre parenthèses, vous en avez eu des profs comme ça, vous en terminale ? Le mien s'appelait Paoli, il me faisait l'effet d'un poussah immuable derrière son bureau et ne s'intéressait qu'au rang "potable" de ses élèves dont j'avais l'insigne honneur de faire partie. Mais revenons à nos moutons. Le thème du jour était le pouvoir. Ce cher Raphaël déambulait quelque part dans Paris (5è ou 6è, je présume, à Pigalle, c'aurait eu moins de classe), citant Pascal ("Tout pouvoir est basé sur une usurpation"), La Boétie ("C'est l'opinion qui fait le tyran") ou Tocqueville. Deuxième parenthèse : le monsieur sur le tableau que j'ai choisi pour illustrer ce billet, c'est lui, Alexis de Tocqueville (1805-1859), célèbre pour son "De la démocratie en Amérique". Explication plus pragmatique que philosophique : je lui trouve un petit air de ressemblance avec notre promeneur-philosophe et lui au moins ne viendra pas me faire un procès à propos de son droit à l'image. Selon le principe de cette demi-heure dominicale que nous octroie généreusement Arte, un ou une spécialiste du sujet rejoint notre mentor pour une discussion qui, si elle semble à bâtons rompus, est en fait très bien construite. Dimanche, c'était le tour de Céline Spector, normalienne et agrégée de philo. Je vous livre quelques moments forts : disserter des signes de la représentation du pouvoir en montrant Nicolas Sarkozy, fraîchement élu Président de la République, en short sur le perron de l'Elysée avant son jogging matinal (contraste saisissant avec l'huissier en queue de pie à côté sur la photo...), il fallait le faire ! Je décode : nous sommes en démocratie représentative et le Président joue la proximité avec ses concitoyens. A l'inverse, Fidel Castro malade et en survêtement n'a plus les attributs du pouvoir totalitaire qu'il incarnait (le treillis et la casquette du Lider Maximo). "Que reste-t-il du pouvoir quand il n'y a plus de sceptre ? - Un homme comme les autres, un homme nu." Autre exemple : le fameux tableau de Louis XIV illustre ce que le philosophe appelle le "double corps du roi", son corps charnel (rappelez-vous le très seyant collant moulant) et le corps en majesté représenté justement par le sceptre. Voilà, c'est le genre d'émission où vous vous sentez moins bête après qu'avant. Juste un détail : si vous vous demandez comment Carla B. a pu préférer ce cher Nicolas S. (quatre consonnes et trois voyelles aussi) au beau et intelligent Raphaël E., j'ai peut-être une idée... L'attrait du pouvoir ?

mardi 14 octobre 2008

Noir sur blanc

Dans le dernier livre de Kris Nelscott que je viens de finir, "Blanc sur noir", le héros récurrent, Smokey Dalton, un privé noir originaire de Memphis, s'est installé à Chicago après l'assassinat dans sa ville natale de Martin Luther King. Nous sommes fin 1968 et son enquête nous permet, nous lecteurs, de prendre conscience du degré de racisme ambiant de l'époque. Une scène est particulièrement révélatrice. Elle se passe dans un quartier dit "transitionnel", bel euphémisme trouvé là par les agents immobiliers pour qualifier un de ces coins de Chicago où des maisons des Blancs de classe moyenne sont vendues à des Noirs de la nouvelle "Upper Middle Class". Là, les manoeuvres d'intimidation pour dissuader les nouveaux-venus sont on ne peut plus comminatoires. Notre privé - que j'imagine avec le physique de Dennis Haysbert dans Loin du paradis, un très beau film lui aussi sur le thème du racisme et de l'intolérance dans l'Amérique puritaine des années 50 - notre privé donc, se rend pour les besoins de son enquête dans un de ces quartiers. Il en profite pour faire ses courses dans la supérette du coin où les prix sont beaucoup plus bas que dans le quartier noir où il habite. Au moment de payer, la caissière ferme ostensiblement sa caisse juste devant lui. Il proteste, le patron arrive et lui fait comprendre qu'aucune caisse n'est désormais libre pour lui. Notre homme ne se démonte pas, fait lui-même mentalement le calcul de ce qu'il doit et laisse 15 dollars sur le tapis, lançant à la cantonade "Gardez la monnaie !". Ce passage est loin d'être aussi violent que d'autres où les manifestations de racisme sont plus de l'ordre du passage à tabac voire du meurtre, mais il l'est par la tension palpable que décrit très bien l'auteure. En lisant ces lignes, je mesurais tout le chemin parcouru par les américains en 40 ans alors qu'ils s'apprêtent à élire - peut-être - un Président noir. BrB tempéra mon optimisme en me citant un article récent paru dans Libé qui mettait un bémol à mon propos. Il semblerait en effet que la grande inconnue de cette prochaine éléction soit le racisme toujours ancré chez de nombreux représentants de l'Amérique dite profonde. Comme le dit un observateur : "Cette Amérique là, à 80 % «caucasienne», marquée par son passé ségrégationniste, est-elle prête à envoyer un Afro-Américain à la Maison Blanche ?" That is the question.

vendredi 10 octobre 2008

Jean qui rit, Jean qui pleure

Mon dernier billet témoignait de mon humeur morose. Celui-ci se veut plus gai même si des scories demeurent de mon pessimisme latent. Résumons.
  • Je ris parce que je suis toujours en Bretagne mais qu'il fait très beau aujourd'hui.
  • Je pleure la cousine préférée de ma mère qui vient de mourir à 71 ans d'un cancer foudroyant du poumon alors qu'elle n'avait jamais fumé de sa vie.
  • Je ris parce qu'hier soir, j'ai chanté à tue-tête dans ma voiture avec Blondie un tube de l'année 78, celle de mes 20 ans.
  • Je pleure parce que la même année, Jacques Brel nous quittait et qu'en hommage, la radio passait Les Marquises et ça m'a rendue triste.
  • Je ris parce que ma fille m'a inscrite hier soir sur F***b**k et que j'avais déjà ce matin un message d'une "petite copine" (voilà que je parle comme ma mère maintenant...).
  • Je pleure parce que le CAC40 continue à se casser la figure et que je me demande comment tout ça va finir...
  • Je ris parce que j'ai mangé indien avec Zuzu tout à l'heure et que j'adore partager mon nan au fromage avec elle qui tire de son côté et moi du mien.
  • Je pleure parce que BrB me délaisse en ce moment et que ça m'attriste.
  • Je ris à l'avance du nouveau Woody Allen que j'ai envie d'aller voir avec lui ce week-end.
  • Je pleure parce que j'ai pris 2 kilos et que la fermeture de mon jean préféré a craqué.
  • Je ris parce que j'ai vu un lézard se dorer au soleil et que ça m'a fait penser à l'été dans le midi.
  • Je pleure parce que Marie-Ange a décidé de ne plus nous faire provisoirement Rêver au Sud.
  • Je ris parce que je n'avais pas envie d'écrire de post ce matin et que mon amie B. m'a laissé un commentaire pour m'aiguillonner ...

mardi 7 octobre 2008

Jusque là, tout va bien

Dur, dur de garder son optimisme en ces temps où les cassandres de tout poil nous inondent de nouvelles à qui plus inquiétantes les unes que les autres. Le matin, pendant que je me prépare pour aller bosser, puis au volant, je me fais un cocktail France Inter-France Info. Je quitte la première après la revue de presse du nouveau petit chouchou de ma copine B., pour attraper à 8h35 la météo, puis le débat sur la seconde. J'aime bien les passes d'armes à fleuret moucheté entre Laurent Joffrin de Libé et Sylvie Pierre-Brossolette du Point. La journaliste qui anime cette tranche horaire est plutôt posée ce qui nous change du ton péremptoire de son homologue et collègue d'Inter. Sans compter qu'outre Nicolas D., brillant mais agaçant (ce doit être le prénom...), je n'aime pas beaucoup non plus les tribunaux populaires, or c'est un peu ce que je ressens en écoutant les auditeurs cuisiner l'invité du jour. Cette longue digression radiophonique pour revenir à mon propos : en ce moment, quel que soit le média, c'est du gratiné. Trois français sur quatre se disent préoccupés par la crise financière et ses répercussions sur notre pouvoir d'achat et l'emploi selon un sondage tout juste paru dans l'Obs. "La France a peur" comme l'annonçait autrefois Roger Gicquel, celui dont Coluche disait que quand un avion s'écrasait quelque part, il avait l'air de l'avoir reçu sur ses pompes. Bon, c'est clair, moi non plus je ne fais pas la fière et je ne prends pas l'air dégagé. Je me dis même que nous avons eu de la chance l'an dernier de vendre notre maison alors que nous avions pris un prêt relais pour acheter notre appart. Et j'ai été encore plus vernie de décrocher un CDI au début de l'année dans une filière bouchée et à un âge où pour l'Apec on est déjà un senior à 45 ans... Entendu ce soir en rentrant, sur Radio Classique cette fois, que ce sentiment de "ça n'arrive pas qu'aux autres" est de plus en plus répandu. C'est peut-être le bon côté de cette crise, on ne se sent plus au-dessus de la mêlée. Même relativement privilégiés comme dans mon cas, on se dit que tout est décidément fragile...

vendredi 3 octobre 2008

Même pas cap !

Que ne faut-il faire pour avoir l'esprit corporate* ! Dans une précédente vie professionnelle, j'ai eu droit à théâtre et vélo dans le Lubéron et karaoké sur une péniche remontant la Seine. A l'agence, nos patrons ont eu l'idée d'organiser une soirée conviviale dans un esprit très teambuilding*. Parmi les propositions qui ont fusé (moi j'avais suggéré soirée à l'Opéra : un bide), c'est le karting qui a gagné. Et c'est comme ça que nous nous sommes retrouvés en combinaison rouge, charlotte et casque intégral, toute l'équipe moins un objecteur de conscience qui avait refusé tout net de participer à un sport qui troue la couche d'ozone (en l'occurrence, vu qu'on était à l'intérieur, c'est plutôt nos poumons qu'on perforait). Pour la grande sportive que je suis, l'expérience s'annonçait captivante. D'autant que l'animateur qui nous accueillait nous prodiguait tout un tas de recommandations et ça n'avait pas l'air de rigoler. Je suis donc montée dans ce baquet sur roues qu'il a démarré comme une tondeuse à gazon, en essayant de me remémorer les consignes : ne pas freiner et accélérer en même temps, et suivre le drapeau. Zut, c'est le jaune pour s'arrêter et le bleu pour se faire doubler ou l'inverse ? On a eu droit à dix minutes pour apprendre à dompter la bête et à reconnaître les chausse-trapes du circuit, puis retour à l'écurie. Là, notre jeune homme sérieux avait l'air de s'ennuyer ferme vu que notre petit groupe se l'était plutôt joué deudeuche sur une départementale que MacLaren aux 24 heures du Mans. Aux essais, c'était un peu mieux, la moitié avait fait moins d'une minute à son meilleur chrono, les initiés comprendront. Pour ma part, j'avais fait 1'02 et une seule tête à queue, ça m'allait côté sensations fortes. Si on s'était arrêté là, ç'eut été parfait, mais il y avait LA course. Erreur funeste, nous avons fait une pause conso (comprise dans le forfait), et j'ai fait la bêtise de tremper mes lèvres dans un kir pêche. Boire ou conduire, il faut choisir, j'aurais dû m'en souvenir. Bref, nous sommes remontés en selle dans l'ordre du classement, le premier en pole position, les autres à sa suite et moi avant-dernière. Les dix ou douze premiers tours, ça allait et puis d'un seul coup, j'ai eu froid, j'ai eu chaud et j'ai commencé à avoir franchement le tournis et à ne plus m'amuser du tout. Je n'avais qu'une idée en tête que le drapeau à damiers s'abaisse mais il fallait pour ça que le premier passe la ligne d'arrivée au bout de 25 tours. Je ne voulais pas abandonner avant, j'ai ma fierté quand même. Pour finir, j'ai fait la bêtise d'enlever mon casque ce qui m'a valu un rappel à l'ordre dans le micro, en le remettant j'ai fait tomber mes lunettes au fond du baquet, et j'ai loupé la sortie ! Heureusement, plus personne ne faisait attention à moi tant ils étaient tous occupés à vérifier leurs temps et se congratuler. Au classement, l'honneur de la Direction était sauve, les deux boss étaient sur le podium, seul un jeune développeur inconscient s'étant glissé entre eux. Perso, on ne m'y reprendra plus mais pour les curieux, j'ai tout filmé...

* Désolée pour le jargon anglais mais les DRH vous le diront, en français, il n'y a guère d'équivalent.