lundi 24 octobre 2011

Le camp des perdantes

Depuis ce matin, les journalistes de la presse audiovisuelle se réjouissent en boucle de deux avancées majeures pour la démocratie chez nos voisins arabes. D'un côté, les premières élections libres en Tunisie qui ont atteint un taux record de participation et de l'autre, la liesse de la liberté retrouvée en Libye au lendemain de la mort de Kadhafi.  Je ne sais pas pourquoi mais je n'arrive pas à me réjouir complétement de ces deux événements. Je suis peut-être une indécrottable rabat-joie mais ce que je vois et entends m'inquiète plutôt pour le sort des femmes. En Tunisie, si le dépouillement n'est pas tout à fait terminé, on annonce déjà une nette avancée du Ennahda, le parti islamiste "modéré" comme se dépêchent d'ajouter nos hérauts médiatiques. Je viens de lire un petit recueil de nouvelles aussi sublime qu'édifiant, "Nouvelles d'Algérie" de l'écrivain Maïssa Bey. En quelques récits terribles, elle nous ramène aux années noires de l'Algérie. Pour ceux qui auraient oublié le contexte, le 11 janvier 1992, le pouvoir en poste annulait le deuxième tour des élections législatives dont le premier tour annonçait une victoire éclatante du FIS, le Front Islamique de Salut. S'en suivit une période de terreur de dix ans qui fit entre 60000 et 150000 victimes selon les sources, la plupart au cours de massacres de civils. Voir un parti islamiste - fut-il modéré - pointer son nez dans un pays que j'aime même si je reconnais que le règne de Ben Ali pas plus que celui de Bourguiba n'étaient des modèles de démocratie, ne me réjouit pas. Quant à la Libye, le gouvernement de transition a tout de suite annoncé le rétablissement de la Charia, la loi islamique, appliquée entre autres en Iran. Comme je l'ai entendu ce matin, ce socle législatif serait le plus petit dénominateur commun de ce pays à la population très diverse et dans l'ensemble très attachée aux traditions, en attendant une prochaine constitution. Concrètement, sous Kadhafi, la polygamie était tolérée, dorénavant elle sera inscrite dans la loi et le divorce interdit. Et la lapidation fait aussi partie de l'arsenal juridique de la charia, ne l'oublions pas. Pourquoi ai-je l'impression que ce sont encore les femmes qui vont être les grandes perdantes de ces bouleversements ? Et d'ailleurs, vous avez vu beaucoup de femmes fêtant la chute du tyran libyen sur nos écrans de télévision ? Ce soir, je pense très fort à mes sœurs tunisiennes et libyennes et mon cœur se serre une fois de plus.