mercredi 27 mai 2009

Andalucia mia

Lire de l'espagnol grâce à elle, m'a donné envie de redonner vie à ce billet que j'avais écrit en vacances pendant l'été 2004. Le voici.
Me voici en Andalousie, terre de mes ancêtres. Des copains nous ont prêté leur petite maison située sur le Golfe d’Almeria entre Aguilas et Garrucha. En Espagne, je retrouve des sensations que je croyais avoir perdues. D’abord le temps. Ah ne pas se lever le main en se demandant quel temps il fait ! C’est simple, il fait toujours beau. Tempête de ciel bleu, comme dit mon fils. Seule variante, le vent. Un coup d’œil sur le drapeau, vert ou jaune, et on sait. Et l’eau ! 26 à 28° en permanence. Pas d’hésitation, on plonge avec délice sitôt arrivés sur la plage. Je reste des heures dedans, je fais la planche, mes oreilles captant les clapotis du léger ressac, divin ! Comme je le dis à mes enfants : « vous comprenez maintenant pourquoi je ne me baigne jamais à Saint-Malo ». Une eau à 15°, très peu pour moi. Et puis, je ne me suis jamais vraiment habituée aux marées. Pour moi, la mer doit être là, toujours recommencée, comme dit si bien Paul Valéry. Et la plage ? Alors que partout ailleurs, je m’y ennuie au bout d’un moment, ici je resterais des heures. J’aime particulièrement quand le soleil est à son couchant. Il n’est pas trop chaud mais réchauffe encore, j’adore cette sensation sur ma peau. Ici, je retrouve mes réflexes de petite fille : aller rincer mon maillot dans l’eau, jouer avec des bâtons et des coquillages au tres en raya, ce jeu de plage auquel j’ai initié les enfants.
J’ai aussi fait provision de ces magazines people dont raffolent les espagnols, qui les ont découverts bien avant nous en France. Je n’ai pas trouvé « Ola ! » alors j’ai pris « Semana ». On y trouve toujours des nouvelles de la famille royale, quelques ragots sur des chanteuses, danseuses de flamenco ou toreros célèbres ici mais que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam et toujours, depuis vingt ans que je les li
s, des nouvelles des Monaco. Je suis toujours étonnée par la fascination qu’exercent Carolina y Estefania sur la ménagère espagnole de moins de cinquante ans.
Et les villages ! Ah l’odeur des marchés, les morcillos et les chorizos pendus aux crochets des étals, le porc frais mariné, si cher à mon abuelita, le bric-à-brac de mauvais goût, les bondieuseries accrochées au rétro des camions… Les pipas qui craquent sous la dent et laissent un goût de sel sur la langue, les rolliquos à l’anis et les churros gorgés d’huile. Et les maisons cuites et recuites à la chaux, avec des barreaux en fer forgé à leurs fenêtres, leurs portes aux rideaux faits de bouchons ou de capsules métalliques qui cliquettent quand on les pousse. Sans parler de ces belles demeures mystérieuses dont on devine qu’elles recèlent un patio, havre de fraîcheur, avec sa fontaine en azulejos et ses lauriers roses en pot de terre cuite. Si j’avais des sous, c’est là que j’aimerais avoir une maison. Toute blanche, au détour d’une ruelle en pente, dans un de ces villages blancs écrasés de soleil...

samedi 23 mai 2009

Et les radios chantaient

Juin 1977. J'ai 19 ans, un BTS de tourisme en poche et je débarque à Paris. En cette période bénie, un étudiant fraîchement diplômé ayant fait quelques stages, est à peu près sûr de décrocher immédiatement un contrat. J'ai trouvé mon premier "vrai" job dans une agence de voyages, près du métro Balard. Elle répond au nom évocateur de France Tropiques. La chef de comptoir est adorable et me prend sous son aile. Elle s'appelle Claudette, est mauricienne et son accent chantant, roulant joliment les "r", est déjà une invitation au voyage. Pas d'internet à l'époque, j'ai repéré mon point de chute provisoire dans l'annuaire du téléphone, plan de Paris à la main. Comme je n'y connais rien, j'opte pour un foyer de jeunes filles rue de Vaugirard dans le XVè. Grossière erreur. Si la rue de Vaugirard est parallèle à la rue Lecourbe, au bout de laquelle se situe mon agence, c'est aussi la plus longue de Paris ! Je me retrouve donc dans le même arrondissement à faire trente minutes de métro avec une correspondance (il existait sûrement des bus mais ça ne m'est pas venu à l'idée). Le foyer est tenu par des bonnes sœurs et la discipline est stricte, les heures d'entrées et sorties réglementées, et bien sûr, pas de garçons ! J'ai une chambre minuscule mais ça me convient très bien. [Nous remarquions avec une copine, que nos enfants ont l'esprit grégaire et n'envisagent que la coloc quand ils quittent le nid, alors que nous ne rêvions que d'une chose, une chambre de bonne, même avec toilettes sur le palier, mais seul(e) ! Sans doute parce que les appartements de nos parents étaient petits et qu'on en avait plus qu'assez de la promiscuité avec nos frères et sœurs... ].
Les cloisons sont si fines que j'entends la radio de ma voisine [RTL alors que ma fille écoute RTL2, on est vraiment passé à l'ère 2.0...]. Le tube de l'année c'est un pot pourri (on dirait medley aujourd’hui) de Laurent Voulzy. "On a tous dans le cœur une petite fille oubliée..." qui repasse en boucle. Trente ans après, on se rappelle tous des paroles...
Le samedi, je pars faire du shopping au Boul' Mich avec une petite beurette délurée qui bosse dans les fringues. Je l'accompagne serait plus exact car je suis trop complexée pour essayer et encore plus fauchée pour acheter. Fin juin, je reçois un coup de fil de mes parents restés à Bordeaux. Havas me propose un poste à Biarritz. Je quitte donc Paris au bout d'un mois seulement, pour n'y revenir qu'en 1985. Mais ça, c'est une autre histoire ...

mercredi 20 mai 2009

Sur le gril

"Alors, comme ça, Mademoiselle, vous venez de Rennes ? Et vous avez dormi à l'hôtel ?
- Non Monsieur, je suis arrivée ce matin. (Avec la SNCF, c'est possible ! Aux heures de pointe, un TGV toutes les demi-heures. Au total, 20 par jour dans le sens Rennes-Paris avec une moyenne de deux heures de trajet ...)
- Et, vous n'avez pas peur de venir travailler dans la Capitale ?
- Vous savez, je suis née à Paris et j'y viens régulièrement, avec mes parents, le lycée...
- Ah ... et si vous êtes acceptée dans notre (prestigieux) établissement, vous comptez vous loger comment ?
- J'ai de la famille, des amis et puis, je travaillerai ...
- Ah non, Mademoiselle, je vous arrête tout de suite. Si vous intégrez ce lycée, vous n'aurez pas le temps de travailler en dehors de vos études !
- Mes parents m'aideront, ils sont à fond derrière moi.
- Hum, je vois ... (encore une fille à papa)
- Et je vois aussi que vous êtes en terminale L, option "histoire des arts". Ça va vous servir à quoi pour faire de la cuisine ?
- Eh bien, je pense que la créativité ...
- N'y pensez pas ! Dans une cuisine d'un grand restaurant, il y a peu de place pour les artistes ! (Ducasse, Haeberlin, Roellinger, Savoy et consorts apprécieront...)
- Et vous savez, Mademoiselle, que c'est un métier très, très dur pour les femmes ?
- Oui, mais je suis motivée et j'y crois.
- Mmm ... Vous pourriez me citer une femme Chef ?
- Oui, Monsieur. Hélène Darroze.
- Bien. Et elle officie où en ce moment ?
- A Londres, Monsieur.
- Bien, Mademoiselle, nous n'aurons pas d'autres questions."
J'ai récupéré ma Zuzu toute tremblante hier après son entretien dans un grand lycée hôtelier de la Capitale. Elle ne s'était pas laissée démonter mais, en l'accueillant, ma copine parisienne et moi, étions un peu interloquées par le côté machiste et emprunt de condescendance parisianiste qui lui avait été opposé. Encore, un GCP*, ai-je pensé in petto, comme dit ma copine Angèle de Scaer (Finistère Sud).
Peu de chances qu'elle soit prise, non, mais tant pis, on en a bien profité. Nous avons vu l'expo De Chirico au Musée d'Art Moderne, déjeuné dans une brasserie, pris le café chez ma copine (qui, par son métier, rencontre des vrais Chefs, elle), puis un autre au jardin du Petit Palais, puis traversé les Tuileries (avec un temps superbe), avant de sauter dans un 95 et regagner la Gare Montparnasse. Pas mal pour deux pauvres provinciales en goguette, non ?
* Gros C.. de Parisien. Je précise que j'ai vécu et travaillé 12 ans à Paris, y ai eu mes deux enfants et que j'adore m'y rendre. Sans compter tous nos amis parisiens...

lundi 18 mai 2009

Que le temps passe vite, Madame

Ma petite poupée blonde, ma petite princesse petit pois aura 18 ans dans trois mois et j'ai du mal à la voir grandir. Ce n'est plus une petite fille zozotante et pleine de magination (sic) ni une ado facétieuse (quoique elle adore encore faire des blagues à son beau-père), c'est presque une femme à présent, qui s'affirme, qui doute, qui a besoin de sa maman et qui voudrait bien faire sans. C'est surtout physiquement que le changement me saute aux yeux. On la disait jolie et voici qu'elle est belle, comme dans la chanson de Reggiani. Déjà, il y a un an, quand elle s'était préparée pour aller au bal du lycée avec notre "fille allemande" Lena, j'avais eu un choc. Ce sont toutes deux des filles très "nature" qui se maquillent peu, ont un style vestimentaire bien à elles, fait de décontraction et de fantaisie et là, en robes noires, cheveux relevés et yeux fardés, j'avais du mal à les reconnaître. En ce moment, Zuzu passe des entretiens pour essayer d'intégrer à la rentrée prochaine un lycée hôtelier. Sa garde-robe n'incluant pas de tailleur jupe ou pantalon, il a fallu investir. Il fallait des vêtements dans lesquels elle se sente suffisamment à l'aise dans un moment déjà stressant, et de bonne qualité, sans grever mon budget de mère nouvellement chômeuse. Finalement, elle a opté pour un pantalon noir basique et pas cher, un petit haut décolleté noir à pois blancs qu'elle pouvait alterner avec un de mes chemisiers blancs quand la météo s'en mêlait, et une veste en lin noir de bonne coupe qui, à elle seule, valait autant que le reste. Le premier jour où elle a étrenné sa "tenue d'entretien" pour aller à Dinard, j'ai eu un second choc. Perchée sur des talons de huit centimètres, tirée à quatre épingles, elle me toisait et, n'était l'angoisse qui se lisait dans ses yeux, elle m'aurait impressionnée. Heureusement, elle s'est détendue devant le jury et tout s'est bien passé. Bien sûr, je suis une mère, donc forcément pas objective et sur 450 candidats, seuls 35 seront retenus mais ... j'y crois. Demain, je l'accompagne à Paris, cette fois. Même tenue avec peut-être des talons plats parce qu'on va marcher. Nous voulions en profiter pour voir Kandinsky à Beaubourg ou Warhol au Grand Palais mais pas de chance, elle est convoquée un ... mardi. On va se "rabattre" sur le musée d'art moderne. Ensuite, pendant que Zuzu se fera "cuisiner" (c'est le cas de le dire) par son jury, j'irai voir une copine journaliste qui a deux filles de 20 et 21 ans. On pourra partager les affres de mamans de jeunes-filles-qui-ont-grandi-trop vite-et-à-notre-insu...

dimanche 10 mai 2009

Pierre, Philippe, Georges et les autres...

Pour la énième fois, la télé a rediffusé "Vincent, François, Paul et les autres" et pour la énième fois, je l'ai revu. Je suis une inconditionnelle des films de Sautet. Ces tranches de vie dans une France Pompidolienne ou Giscardienne ont un parfum suranné et en même temps intemporel. D'ailleurs, c'est entré dans le langage courant, ne parle-t-on pas, pour décrire une journée entre copains, d'ambiance "à la Sautet" ? Pourtant, il ne se passe pas grand chose chez Sautet. C'est juste une bande d'amis de vingt ou trente ans qui se retrouve régulièrement, au bistrot, dans une maison de campagne ou de bord de mer, et qui se parlent, s'engueulent, et s'aiment. Chez Sautet, les hommes sont virils, ils font des trucs de mecs, ils vont à la boxe, retapent une maison. Chez Sautet, les femmes se font des confidences, tout en faisant les lits et la cuisine, parfois elles s'émancipent et s'en vont. Chez Sautet, tout le monde se retrouve au café où le patron est un copain et où les conversations se font dans un nuage de fumée. Chez Sautet, tout le monde fume. Pas une scène, au bureau, à l'atelier, à table, au lit, où hommes et femmes n'ont pas une cigarette au bec. Chez Sautet, on marche aussi beaucoup, dans la rue, dans la forêt, sur la plage. Chez Sautet, les couples se font, se déchirent, se séparent, se refont... Parfois, ça finit mal, un pépin de santé, un cœur trop gros qui flanche, un problème de boulot, la faillite, le chômage (déjà), le suicide ... Chez Sautet, c'est juste ça, la vie, la mort et entre les deux, l'amitié. Ce week-end, nous étions invités chez des copains dans le Golfe du Morbihan, toute une bande, pas des amis de trente ans, une dizaine d'années tout au plus, mais qui commencent à compter. Plus personne ne fume sauf deux ou trois irréductibles qui sortent sur la terrasse s'en griller une. Les hommes discutent toujours de trucs d'hommes (un derby Breton en finale de Coupe de France, par exemple), les femmes papotent en mettant la table ou en préparant les salades composées. L'ambiance est conviviale, les conversations, consensuelles, on parle des enfants, de la crise, de livres, de cinéma (tiens, le dernier film avec Daniel Auteuil d'après le bouquin d'Anna Gavalda, très Sautet comme ambiance, non ?). On reste tous dormir et le lendemain, on part en bande pique-niquer sur l'île de Houat. Pas de quoi en faire un film, juste un p'tit billet peut-être ?

dimanche 3 mai 2009

Le retour des fils prodigues

Il était une fois un homme qui n'avait plus parlé à ses frères et sœurs depuis la mort de leur père, huit ans auparavant. Il était une fois un fils qui n'avait plus donné de nouvelles à sa mère pendant plus d'un an, il lui en voulait de quelque chose sans trop se rappeler de quoi.
La mère du premier et grand-mère du second rêvait de réunir tous ses enfants et petits-enfants pour une belle fête de famille dans la maison de vacances. Les 40 ans des derniers de ses enfants lui en fourniraient l'occasion. Cependant, elle hésitait encore. C'est qu'elle n'était plus très jeune et craignait un peu certaines réactions. Tant de temps perdu, tant de non-dits... Et si le fils éloigné refusait l'invitation ? Et si ses autres enfants vivaient mal ce retour ? Se pouvait-il que les vieux griefs ressortent ? Que des paroles blessantes soient échangées et que la fête s'en trouvât gâchée ? Elle consulta les uns et les autres. Pendant trois semaines, le téléphone fonctionna beaucoup aux quatre coins de France.
Le jour dit, un samedi radieux de mai, ils convergèrent tous vers la petite maison blanche aux volets verts. L'effet de surprise mit du piment à l'affaire. Il y eut des chassés-croisés, des gaffes évitées de justesse, les plus jeunes enfants ne furent mis dans la confidence qu'à la dernière minute. A l'heure dite, les intéressés écartés, les tables furent dressées au milieu du jardin, les bouquets de muguet disposés en leur centre, les plats rapportés de chez le traiteur, le vin débouché, chacun à sa place prêt pour l'ovation. Et soudain, ils furent tous là, le fils éloigné, le petit-fils distant, les plus circonspects, les plus optimistes, ceux qui avaient œuvré dans l'ombre à la réussite de la fête et ceux pour qui elle avait été donnée, chacun bien décidé à faire que cette journée soit parfaitement réussie et demeure à jamais dans toutes les mémoires. Le soleil s'invita et fut on ne peut plus généreux, la bonne humeur régna jusque tard le soir. Aucune fausse note, aucun mot ou regard de travers. Que du bonheur. Le frère retrouva sa place dans la fratrie, il ne l'avait jamais perdue mais il ne le savait pas. Le petit-fils embrassa sa mère et il se parlèrent, parlèrent... ils avaient un an à rattraper. La grand-mère pouvait exulter, elle avait réussi son pari fou. Quelqu'un m'a dit un jour que, quand on a donné de l'amour, l'investissement est là. Elle avait mille fois raison. J'ai retrouvé mon fils et son père a retrouvé les siens. L'amour est passé, bien décidé à s'installer.