mardi 14 octobre 2008

Noir sur blanc

Dans le dernier livre de Kris Nelscott que je viens de finir, "Blanc sur noir", le héros récurrent, Smokey Dalton, un privé noir originaire de Memphis, s'est installé à Chicago après l'assassinat dans sa ville natale de Martin Luther King. Nous sommes fin 1968 et son enquête nous permet, nous lecteurs, de prendre conscience du degré de racisme ambiant de l'époque. Une scène est particulièrement révélatrice. Elle se passe dans un quartier dit "transitionnel", bel euphémisme trouvé là par les agents immobiliers pour qualifier un de ces coins de Chicago où des maisons des Blancs de classe moyenne sont vendues à des Noirs de la nouvelle "Upper Middle Class". Là, les manoeuvres d'intimidation pour dissuader les nouveaux-venus sont on ne peut plus comminatoires. Notre privé - que j'imagine avec le physique de Dennis Haysbert dans Loin du paradis, un très beau film lui aussi sur le thème du racisme et de l'intolérance dans l'Amérique puritaine des années 50 - notre privé donc, se rend pour les besoins de son enquête dans un de ces quartiers. Il en profite pour faire ses courses dans la supérette du coin où les prix sont beaucoup plus bas que dans le quartier noir où il habite. Au moment de payer, la caissière ferme ostensiblement sa caisse juste devant lui. Il proteste, le patron arrive et lui fait comprendre qu'aucune caisse n'est désormais libre pour lui. Notre homme ne se démonte pas, fait lui-même mentalement le calcul de ce qu'il doit et laisse 15 dollars sur le tapis, lançant à la cantonade "Gardez la monnaie !". Ce passage est loin d'être aussi violent que d'autres où les manifestations de racisme sont plus de l'ordre du passage à tabac voire du meurtre, mais il l'est par la tension palpable que décrit très bien l'auteure. En lisant ces lignes, je mesurais tout le chemin parcouru par les américains en 40 ans alors qu'ils s'apprêtent à élire - peut-être - un Président noir. BrB tempéra mon optimisme en me citant un article récent paru dans Libé qui mettait un bémol à mon propos. Il semblerait en effet que la grande inconnue de cette prochaine éléction soit le racisme toujours ancré chez de nombreux représentants de l'Amérique dite profonde. Comme le dit un observateur : "Cette Amérique là, à 80 % «caucasienne», marquée par son passé ségrégationniste, est-elle prête à envoyer un Afro-Américain à la Maison Blanche ?" That is the question.

10 commentaires:

Simplement ... a dit…

Une partie de ma famille a émigré aux Etats-Unis dans les années 20 , et je me souviens que dans les années 60, la ségrégation lui paraissait normale, ce qui entrainait de notre part, cousins français, des réactions d'indignation qu'ils avaient du mal à compendre.
Je crois que maintenant ils sont enfin sur la bonne voie ... et je pense même qu'ils pourraient voter BroB !!!
Bisous et très belle après-midi.
Marie-Ange

Anonyme a dit…

Quand on voit les attaques sur le 2 ième prénom d'Obama ( Hussen ), on se dit que les vieux démons sont prêts à resurgir .

bricol-girl a dit…

Prête dans la tête mais au moment de voter, pas si sûr!!!

Anonyme a dit…

oh que j'M ce post là..

Pour avoir vécu aux States "in the deep south" je peux presque affirmer que si aujourd'hui l'opinion flirte avec B.O, elle élira le marchand de frites. Souviens-toi de W.Bush Vs Kerry et de sa déculottée...Si je me trompe alors là le 4 au soir, tu epux débarquer chez moi je t'offre le champ'

"Loin du paradis" c'est un de mes films cultes...d'ailleurs si tu veux l'emprunter j'ai le DVD...

Anonyme a dit…

J'ai des amis américains de Virginie, ils sont certains qu'il ne passera pas. Sa mère ne pourra jamais voter pour un noir et là bas c'est comme les électeurs de Le Pen chez nous, ils mentent lors des sondages...

Anonyme a dit…

Kris Nelscott, c'est un de mes auteurs favoris et j'adoooore Smokey Dalton. Je me gardais le dernier au chaud, pour les coups durs de "j'ai rien à lire !" mais là, je crois que je vais craquer… la violence raciste qu'elle décrit est difficile à imaginer aujourd'hui et, en même temps, on sent qu'il suffit de pas grand chose pour qu'elle resurgisse.

La petite poule noire a dit…

- Marie-Ange : le choc de cultures, je comprends.
- Brigitte : oui, la colistière de McCain s'en est même fait une spécialité.
- Mad : c'est bien ma crainte aussi.
- Bérangère : ça tombe bien, j'ai des envies de champagne en ce moment...
- heure-bleue : le politiquement correct est si fort chez eux qu'en effet beaucoup doivent le penser tout bas.
- Satsuki : j'aime beaucoup aussi Smokey Dalton. C'est sa troisième aventure que je lis, il y en a une nouvelle qui vient juste de sortir.

Anonyme a dit…

Si l'on peut (encore) croire les sondages et si l'on tient compte de la situation très difficile de nombreux américains pour qui Obama représente un réél espoir, je dirais oui. Pourtant je pense aussi que c'est loin d'être joué.Croisons les doigts...

Anonyme a dit…

Bienvenue Angèle ! Je vois que mon petit didacticiel s'est avéré utile...

Anonyme a dit…

Ma soeur se maria avec un portoricain et vécu dans le Bronx. Quand je découvris cet univers en 72 puis en 75, le petit franchouillard élevé loin des principes racistes fut sidéré. J'appris ainsi qu'à cette époque, dans les années 70 donc, un couple d'amis de ma soeur, voyageant dans un état du sud, avait été interpellé par la police. Leur faute? Ils étaient côte à côte. Normal entre époux. Mais Madame étant plus foncée, elle fut invitée à se mettre sur la banquette arrière. Il y a 30 ans, pas en Afrique du Sud, mais dans un pays qui peut-être, va élire son premier président à la peau foncée...