1500 kilomètres, c'est la distance qui sépare les côtes du Sénégal de celles des Canaries, cette porte d'entrée de l'Europe au-delà de l'Atlantique. 1500 serait le nombre de morts chaque année au cours de ces folles traversées que tenteraient 300 000 Sénégalais par an. 4 c'est le nombre de pirogues qui prendraient la mer chaque jour avec parfois 85 personnes à bord. Au-delà de ces chiffres, une réalité, celle de l'immigration clandestine sud-nord et aussi une prise de conscience, celle d'artistes et intellectuels africains qui veulent comprendre ce qui pousse leurs compatriotes à fuir leur pays en masse. Trois d'entre eux s'exprimaient dans Metropolis, cette émission intelligente d'Arte, servie en plus par la voix mélodieuse de Rebecca Manzoni. D'abord le vieux sage de Rufisque, Abass Ndionne, qui s'est inspiré de plusieurs histoires vraies pour en faire la trame son dernier roman, "Mbëkë mi", présenté aujourd'hui même à l'Institut français de Dakar. Bien que le wolof soit sa langue maternelle, il a choisi d'écrire en français pour alerter le plus grand nombre, dit-il. Il y a ensuite le rappeur Didier Awadi, dont le dernier album "Sunugaal" ne parle que de ça, des promesses non tenues des dirigeants de son pays et du désespoir qui pousse de plus de plus de ses frères à monter à bord des ces pirogues infernales. Et puis, toute douce, aussi belle mais moins médiatique que Rama Yade, l'écrivain Fatou Diome, à qui j'ai emprunté le titre de ce billet : "Pour les pauvres, vivre c'est nager en apnée, en espérant atteindre une rive ensoleillée avant la gorgée fatale". Il y a deux ans déjà, aux Rencontres d'Arles, j'avais été frappée par le reportage d'Olivier Jobard qui avait suivi pendant six mois un de ces immigrés clandestins de Mauritanie jusqu'en France. Lui aussi voulait mettre un nom et un visage sur ces hommes dont on ignore tout. Kingsley, puisque c'est son nom, a eu de la chance. Son histoire apparaît même en filigrane dans le dernier Klapisch, "Paris". Mais pour un Kingsley, combien d'anonymes engloutis par les flots ou repêchés par les garde-côtes Espagnols ? Pourtant, rien ne semble pouvoir les arrêter. Parce que, comme le dit poétiquement Fatou Diome : "On ne se retourne pas quand on marche sur la corde du rêve".
Divers.
Il y a 2 jours
5 commentaires:
sur la vie volée des clandestins je te recommande l'excellent "the visitor" en plus ça se passe à NYC...
Et lorsque ils arrivent vivants, ils vivent une vie de chien et ne retournent jamais chez eux par honte...
Rêver d'une vie meilleure et ne trouver que souffrance et mort au bout du voyage ...
Trop de richesses d'un côté, trop de pauvreté dans l'autre, le monde va finir par basculer.
Bisous du coeur.
Marie-Ange
"On ne se retourne pas quand on marche sur la corde du rêve". C'est magnifique et recouvre une immense tragédie. L'espoir, même si on doit la boire, cette gorgée fatale avant d'arriver! Même la mort sera plus douce que l'enfer de la vie. Je me rappelle ces images terribles de naufragés agonisants sur une plage...
Merci pour ce billet qui me donne le courage de terminer ma semaine de travail sans me plaindre de fatigue. Mon sort est tellement plus doux !
faut-il qu'ils y soient bien cramponnés à la corde du rève pour toujours tenter le grand départ.
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