Ce matin, j'ai mis sur mon "mur" un clip de la chanson de Noir Désir, "Le vent nous portera". J'ai une affection particulière pour cette ballade qui me touche sans que je puisse m'expliquer pourquoi. En introduction, j'ai ajouté une note pour exprimer mon état d'esprit qui disait ceci : "Allez, une dernière fois avant que le vent ne les emporte..." Deux minutes après, un premier commentaire me rappelait de ne pas oublier Marie Trintignant. Je m'y attendais mais je me suis tout de suite sentie vaguement coupable. Coupable d'aimer une chanson, d'avoir envie de la faire partager, coupable d'avoir suivi depuis leurs débuts un groupe de potes de mon âge et de les avoir aimés, coupable de me sentir un peu triste de les voir se saborder. Je n'étais pas la seule de toute évidence. Un "homme sage" de mes amis a renchéri aussitôt par ce commentaire : "Depuis le décès de Marie, quelque chose était définitivement brisé. J'avais même honte d'éprouver du plaisir à réécouter le groupe...". Ceci m'a alors inspiré la réflexion philosophique suivante : doit-on juger l'œuvre d'un artiste à l'aune de sa vie ? Récemment, à la radio, j'ai appris qu'en Israël, Wagner était banni du répertoire classique du fait de ses prises de position notoirement antisémites et au prétexte qu'il était considéré comme le compositeur des nazis. Pourtant, en juillet 2001 à Tel-Aviv, Daniel Barenboïm n'a pas hésité à diriger le Staatoper de Berlin dans un extrait de "Tristan et Iseult". Faut-il refuser de lire "Voyage au bout de la nuit" parce que Céline était franchement collabo et se disait lui-même ennemi numéro un des Juifs ? Et faut-il ne voir dans ses nombreux admirateurs que des gens qui partagent ses thèses ? Absurde, évidemment. Pour en revenir à Noir Désir, je crois que la mort de Marie T. sous les coups de Bertrand Cantat a choqué l'opinion publique à bien des égards. D'abord, parce que sa famille bénéficiait d'un capital de sympathie, elle-même était belle et sa voix cassée nous envoutait, avec Jean-Louis, son père, elle sublimait la relation père-fille dont nous rêvons toutes, et enfin, parce qu'elle était mère de quatre enfants. Par sa mort violente, elle a incarné d'une certaine façon ces violences insupportables faites aux femmes. Forcément insupportables. Pas facile dans ce contexte d'avouer que, quelle que soit la faute de son chanteur, Noir Désir va nous manquer.
Le temps d’une bougie.
Il y a 12 heures
16 commentaires:
En fait , Cantat a purgé sa peine mais il reste condamné à vie , drôle de destin pour lui et Marie Trintignant
Je plaide coupable pour le premier commentaire, bien sûr. C'est juste qu'on n'en parle plus, qu'on fait comme si tout était normal et que rien ne s'était passé simplement parce qu'il a purgé sa peine. Et alors ? Je crois que personne n'a à se sentir coupable d'aimer Noir Désir, mais je veux aussi qu'on n'oublie jamais que Bertrand Cantat a tué une femme en la frappant jusqu'à lui fracturer le crâne. J'ai bien aimé l'idée d'indécence évoquée par le premier à avoir quitté le groupe.
Et je crois que la vie d'un artiste influence un peu ma vision de son œuvre...
Hermione, tu n'as pas à te sentir coupable, tu n'étais pas la seule et je m'y attendais de toute façon. Je suis d'accord avec toi bien sûr mais je voulais juste amener à réfléchir sur l'impact de la vie sur l'œuvre. Tu y réponds à ta façon, je comprends.
Tu formules exactement ce qui me trottait dans la tête depuis deux jours, mais bien mieux que je n'aurais réussi à le faire, merci ! (C'est toujours bien quand quelqu'un arrive à mettre des mots sur ce qu'on pense).
Difficile aujourd'hui d'écouter une chanson de ce groupe de façon "détachée". Tant de talent, pourtant…
Pour tout dire je n'aimais pas du tout Marie Trintignant, j'étais très mal à l'aise vis à vis de relation plus que particulière que son père (que j'aime vraiment) et elle avait. J'exècre franchement la mère. J'adulais Noir Désir (enfin presque :)) Mais depuis cette terrible histoire, je ne peux plus avoir la même légèreté à aimer ce chanteur. Lorsqu'il a chanté avec Eiffel dernièrement, je l'ai trouvé comment dire... impudique je crois. Et pourtant, dieu sait que je trouve normal que quelqu'un puisse une fois sa peine faite, continuer à vivre.
J'ai du mal a expliquer ce que je ressens. Il n'est pas pour moi le symbole du mari violent sous les coups duquel sa femme meurt, mais j'ai l'impression de cautionner la violence en la banalisant. Et pourtant qu'est ce que j'ai du plaisir à écouter les anciens morceaux...
Horrible destin... J'ai aimé Noir Dèz, comme disait mon fils, cad le groupe et leurs chansons et il est triste de ne plus pouvoir écouter sans peine paroles et mélodies... Mais ce n'est pas possible, ce n'est plus possible, c'est en effet indécent que cet homme soit à nouveau en pleine lumière, dans le succès, voire la gloire. Oui, le succès serait indécent. Même s'il est sûrement le premier à se sentir ô combien coupable et à ne pas pouvoir oublier.
Impossible de disssocier Noir Désir de la mort tragique de Marie T.
Je ne suis pas étonnée que "l'histoire" finisse de cette façon ...
Je t'embrasse
Marie-Ange
La vie et l'oeuvre d'un artiste ne peuvent être dissociée, la preuve en est flagrante pour les peintres.
La connaissance de la vie de l'artiste n'apporte rien à l'appréciation de son oeuvre... C'est comme si on disait que la racine d'une fleur explicite sa corolle...
Cantat et M. Trintignant avait une relation sulfureuse mêlant peut-être drogue et alcool. Dans ces conditions, que la violence s'installe n'est pas étonnant. A mon regret, Pas un mot quant à Christine Cantat qui semble avoir payé le prix fort de cette histoire ! Pourtant quelle belle personne, mais tellement moins médiatique que ces people ! Concernant CELINE, on livra avec délectation sa thèse sur Semmelweis lequel était un juif bon teint.... Comme quoi !
Et comme disait Oscar Wilde "Les bons artistes n'existent que dans leur oeuvre et leur personne n'offre aucun intérêt".
Voilà donc un sujet qui aurait pu (dû ?) en rester au stade du fait divers mais qui déchaîne les passions. Cher Anonyme, quel dommage que vous le soyez resté. J'ai pensé bien sûr à Kristina, la mère des enfants de Cantat, qui lui est restée fidèle pendant toute cette triste affaire et a choisi de se suicider. Elle semblait si forte que sa mort m'a interpellée. Mais ce n'est pas mon propos ...
PS : Je ne connaissais pas la phrase d'Oscar Wilde mais je la trouve intéressante.
Wagner est écouté en israël seule une poignée de religieux ignore que Wagner était aussi antisémite que son voisin. Quant à Bernard Cantat, il n'aurait pas du rechanter, si la mémoire est courte pour les "anonymes" ceux qui sont sous "les feux de la rampe" ne peuvent souhaiter que de redevenir anonyme...
- A heure-bleue, je me doutais que tu réagirais mais je n'ai pas dit que Wagner n'était pas écouté en Israël (heureusement !) mais qu'il n'était pas au répertoire classique de l'opéra (du moins c'est ce que j'ai lu et entendu).
Tout cela est vrai mais comme toij'aime toujours autant cette chanson qui m'émeut énormément,j'aime les paroles, j'aime la musique, je ne sais trop pourquoi.
Quant à Cantat,je n'excuse pas,je le plains car pour moi le bourreau est toujours à plaindre.D'autant plus qu'en ce cas précis la relation était très particulière et se nourrissait de jeux dangereux très à la mode genre SM avec alcool, etc... Si Anonyme ne l'avait déjà fait, je citerai Oscar Wilde car"Les bons artistes n'existent que dans leur oeuvre et leur personne n'offre aucun intérêt" sinon lirions nous Beaudelaire, Rimbaud sans parler de Sade et tant d'autres dejà cités.
J'essaie généralement de dissocier artiste et œuvre. Parfois la vie d'un artiste me pousse à me pencher sur son œuvre, mais j'essaie de ne pas faire l'inverse, à moins d'être vraiment interpelée par une œuvre et d'en chercher le sens ou l'origine.
Cela dit, quand il n'y a pas moyen de ne pas savoir, comme pour Cantat ou Bruni (non je ne compare pas, mais c'est un autre cas où l'actualité m'a éloignée d'une artiste !!), on ne peut pas faire comme si de rien n'était malgré tout...
J'espère cependant que les membres du groupe trouveront une porte de sortie, y compris Cantat, car ce serait une grande perte de gâcher leur talent.
Je ne crois pas l'indécence de Cantat. Il fait son métier aprés avoir purgé sa peine. Il n'oubliera jamais son geste. Il peut y avoir du courage à s'exposer malgré tout. C'est aussi une manière d'assumer les conséquences d'un geste terrifiant. Demanderait-on à un musicien d'arrêter de composer ? A un écrivain, de ne plus publier ? A un peintre, de ne plus vendre ses toiles ?
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