samedi 31 décembre 2011

Ouverture de la nuit

Ouverture de la nuit, c'est le nom de cette toile.  Elle est de Geneviève Asse et je l'ai découverte un jour au Musée des Beaux-Arts de Rennes. Pourquoi certains tableaux vous parlent plus que d'autres ? Mystère. Je ne voulais pas terminer l'année sur une note triste or mon précédent billet n'était pas gai. Je sens que celui-là sera en demie teinte à l'image de cette année qui se termine. Il n'est pas 19 heures et j'ai déjà hâte que cette nuit du 31 décembre soit passée.

A chaque fois, je me demande ce qui nous pousse encore à vouloir à tout prix accomplir ce rituel de passage. Ce soir, une fois de plus, je me suis laissé persuader de réveillonner. Nous retrouvons un couple de nouveaux venus à Bordeaux, esseulés comme nous. Ils ont réservé une table dans un restaurant branché de la ville, ou plutôt dans son annexe car c'était déjà complet. On nous a promis qu'il n'y aurait pas de cotillons ni de langues de belle-mère et que la musique d'ambiance se ferait discrète.

Nous allons encore faire bombance alors que nous avons à peine digéré les agapes de Noël. Il va falloir attendre les douze coups de minuit avant de pouvoir s'éclipser sans paraître grossier et pire, se congratuler au milieu d'une foule de parfaits inconnus. Même si mon mari et moi trouvons stupide de consacrer un budget pareil à une note de restaurant au lieu de nous offrir, je ne sais pas moi, des livres, on ne se sent pas d'annuler maintenant.

En tout cas, et ce sera ma première résolution de l'année 2012, l'an prochain, on réveillonne entre intimes ou pas du tout ! Bon, allez, ce n'est pas tout ça, je dois aller enfiler ma robe de bal et mes pantoufles de vair. Bonne année 2012 à vous qui passez ! 

PS : 1er janvier, une heure du matin : c'était une bonne soirée en fin de compte. Comme quoi.
     

mercredi 14 décembre 2011

Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent

Je voudrais vous parler de la Syrie. J'y suis allée en 1995. Tous ces endroits dont on parle, ces villes martyrs comme Homs, Hama, je les ai visitées. Bien sûr, c'était déjà bizarre. Ce restaurant où les femmes dînaient la tête couverte d'un foulard et les manches de leur manteau couvrant des bras dont n'émergeaient que les ongles. Pratique pour manger.

Il y avait bien cet hôtel de la chaîne Cham Palace où nous étions descendus et qui d'après mon Lonely Planet avait été construit sur un charnier après la révolte des frères musulmans. Révolte matée par un Hafez el Assad autocrate. Déjà.

Dans les rues des villes que nous traversions, partout des portraits géants du général-chef d'état nous toisaient. Dans le désert, des bases militaires immenses avec des barbelés tout autour, à perte de vue. Au poste frontière avec la Jordanie, nous avions dû attendre des heures que des soldats armés jusqu'aux dents nous laissent passer. De l'autre côté, l'air était soudain devenu plus respirable ...

Curieusement, je garde malgré tout un bon souvenir de ce voyage en Syrie. J'ai des flashes qui me reviennent en mémoire : ce jardin rempli d'orangers de la grande mosquée de Damas, celle où se pauvre Jean-Baptiste repose on ne sait plus trop pourquoi, la ville antique de Palmyre particulièrement bien conservée, le Krak des Chevaliers, cette étonnante forteresse des Templiers, le plus beau château-fort médiéval qu'il m'ait été donné de voir, une sortie de messe un dimanche dans un village, la petite église de Maaloula et son baptistère qui était déjà là du temps du Christ, des bédouins dans le désert, un caravansérail ...

Et surtout, surtout, ces syriens raffinés parlant un  français parfait qui nous accueillaient avec chaleur. Et aujourd'hui, neuf mois de révolution systématiquement réprimée dans le sang, des enfants arrachés à leurs familles et torturés, des blessés achevés dans les hôpitaux, et un tyran fils de tyran sourd aux appels de la communauté internationale, ligue arabe comprise. 5000 morts ... Silence, on tue en Syrie.

Comme dit Hermione, je crains d'avoir plombé l'ambiance mais voilà, je n'ai pas envie de me taire.                   

jeudi 10 novembre 2011

No More Ace to Play

Existe-t-il un moment précis dans la vie où l'on réalise que les jeux sont faits, que rien ne va plus, qu'on n'a plus de martingale pour espérer ramasser la mise ? Hier soir, ma fille m'a fait la surprise de s'inviter et de rester dormir à la maison. D'habitude, elle passe en courant, virevolte, me raconte ses petites histoires, m'embrasse et repart.

Elle a 20 ans, l'âge de tous les possibles. C'est ce que je n'arrête pas de lui dire d'ailleurs, tu as la vie devant toi, tout est ouvert, tes choix t'appartiennent. Elle a la chance d'avoir choisi une voie, la restauration, où les offres affluent alors qu'elle n'a pas encore fini ses études. Elle travaille déjà tous les week-ends et est souvent sollicitée pour des extras.

Au départ, c'était le prix à payer pour son autonomie, maintenant elle me dit que c'est là où elle se plaît le plus, au milieu de ses collègues, qu'elle se sent appréciée, utile, vivante. Je prie intérieurement pour qu'elle n'arrête pas ses études si près du but mais il est clair qu'elle en a soupé de la théorie, des profs méprisants et des condisciples immatures.

Comme toute mère, je me réjouis pour elle mais je ne peux m'empêcher de ressentir une petite pointe d'envie. Ma vie à moi je la vois maintenant dans un rétroviseur et je n'arrive toujours pas à lâcher prise. Depuis un an que je suis revenue de cette parenthèse enchantée qu'a été notre aventure indienne, je n'arrive pas à trouver ma place.

Les portes se ferment au fur et à mesure même si la plupart du temps je ne manque pas d'énergie, même si l’opiniâtreté a toujours été et reste mon principal moteur.  Quand je suis rentrée d'Inde, gonflée à bloc, j'avais l'illusion que j'allais pouvoir choisir mes propres options, faire ce que j'avais envie de faire.

L'âge n'a jamais été un problème pour moi, j'ai toujours paru plus jeune que je ne le suis réellement, et dans ma tête, j'ai encore 20, 30 ou 40 ans, quant à mes neurones ils fonctionnent à plein régime, du moins me semble-t-il. Un an après, j'ai dû déchanter. Je n'ai pas décroché un entretien et quand on me sollicite, c'est pour refaire ce que j'ai déjà fait.

Tout se passe comme si on vous rangeait dans une case une bonne fois pour toutes. Les recruteurs n'ont aucune imagination, aucun goût du risque, ils se contentent de cloner des candidats. Une "conseillère" bien intentionnée m'a même "déconseillé" un jour de parler de parcours atypique, ça fait prétentieux paraît-il. J'ai encore des atouts dans mon jeu mais pour filer la métaphore jusqu'au bout, il me semble qu'on ne me laisse plus abattre mes cartes.