Le 10 mai 1981, c'était la première fois que je votais pour élire un Président de la République. Je travaillais alors à La Rochelle comme agent de comptoir (!) non pas dans un bar mais dans une agence de voyages, celle du journal Sud-Ouest. A l'époque, la plupart des groupes de presse avaient leur agence, peut-être une façon d'ouvrir leurs lecteurs à de nouveaux horizons. L'agence était au rez-de-chaussée avec la publicité et les petites annonces, et la rédaction au premier. En 81, j'étais encore sous l'influence politique de mes parents et, contrairement à mon frère et à la plupart des gens de ma génération, voter à gauche n'allait pas de soi pour moi. Au premier tour, j'avais voté pour Michel Crépeau qui se présentait pour le MRG (Radicaux de gauche) surtout parce qu'il était maire de La Rochelle et que grâce à lui (et surtout au rédac'chef du journal), j'avais eu droit à un F2 dans une HLM de la ville (on voit où se logeait ma conscience politique ...). Bref, le jour du second tour, je ne me souviens plus des circonstances de mon vote mais clairement que j'avais hésité à donner ma voix à Mitterrand que je n'aimais pas beaucoup. Pour moi il était vieux (l'âge légal de la retraite aujourd'hui), je me méfiais de son sourire carnassier, ses mines florentines, et ses discours sibyllins. Mais comme beaucoup de Français alors, je supportais encore moins Giscard, son arrogance, son côté bling-bling et ses promesses non tenues (tiens, tiens, ça me rappelle quelqu'un ...). Bref, ce 10 mai à 20 heures, j'étais devant la télévision de la rédaction avec mes collègues et quelques Rochelais lorsque le visage de "Tonton" est apparu. Ceux qui ont vu cette image se souviennent peut-être que les deux candidats étant également dégarnis, il a fallu arriver aux sourcils pour qu'on comprenne que la France venait de changer de bord. En quelques minutes, les quais ses sont couverts de badauds, les rues ont résonné des klaxons des voitures (La Rochelle, ville touchée au début des années 80 par 10% de chômage, votait largement à gauche) et avec mes copines, j'ai observé du balcon la liesse populaire. Plus tard, Crépeau est arrivé au journal avec une caisse de champagne (entre les deux tours, il avait logiquement appelé ses électeurs à donner leurs voix à Mitterrand) pour fêter l'événement. On notera au passage le devoir de neutralité d'un grand quotidien régional... Et vous, votre 10 mai 81 ?
Lectures du soir et du matin, jacinthe, Fauré.
Il y a 1 jour