A la bibliothèque de mon quartier, j'ai découvert un magazine pas comme les autres. Son titre est déjà une promesse, "Le festin", et tout son contenu sur papier glacé, une ode au bien vivre, bien manger et bien boire, des bords de la Garonne aux confins de Pyrénées. Pour son vingtième anniversaire, la rédaction a suivi quelques chefs régionaux chez eux, dans leurs cuisines ou chez des proches. C'est ainsi que, grâce à Jean-Marie Amat, nous nous sommes invités à la table de Jean-Paul Kauffmann dans les Landes, au cœur de l'été, le temps d'un déjeuner à la campagne. On l'avait un peu perdu de vue, Jean-Paul Kauffmann, il a su se faire discret, publiant un livre de temps en temps, fuyant les journalistes, son ancienne famille, et la vie parisienne pour vivre désormais une retraite paisible. Dans un petit livre dont je recommande la lecture, "La maison du retour", il raconte comment il s'est reconstruit en même temps qu'il rendait à la vie une vieille demeure endormie depuis la Libération. Curieusement, j'ai été touchée de le voir heureux sur ces images, assis à un bout d'une lourde table en bois dressée sous les tilleuls, en maître de maison entouré de sa famille et de ses amis, bon vivant, aimant la bonne chère et les bons vins. Les jeunes générations ne l'ont pas connu, beaucoup d'entre nous l'ont sûrement oublié mais pourtant, rappelez-vous, c'était au milieu des années 80. Sur nos écrans de télévision, quatre visages nous regardaient jour après jour. Les otages du Liban, les premiers à avoir été médiatisés : Carton, Fontaine, Kauffmann et Seurat. Je ne me souviens pas des détails, juste du chiffre effarant qui chaque jour venait nous rappeler leur odieuse situation d'otage, celui du nombre de jours depuis le début de leur captivité. Le passage du 1000ème frappait l'imagination et venait nous bousculer dans notre quotidien. Jean-Paul Kauffmann est resté trois ans otage au Liban, il a réapparu le 4 mai 1988 avec ses compagnons d'infortune, Marcel Carton et Marcel Fontaine, sur l'aéroport de Villacoublay, fêtés en héros. Michel Seurat, lui, n'est jamais revenu. Et puis, aussi horrible que cela puisse paraître, les enlèvements d'otages se sont banalisés, le Liban a été remplacé par l'Irak ou l'Afghanistan, et nous nous sommes habitués à voir sur nos écrans ou sur les banderoles géantes des mairies des visages si familiers qu'on finit par les oublier. Pour une Ingrid Betancourt ou une Florence Aubenas peut-être plus emblématiques que d'autres, qui se souvient aujourd'hui de Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa, Jean-Louis Normandin, Roger Auque, ou Maryse Burgot ? Qui se souviendra demain de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière ? Non, ne les oublions pas.
légère
Il y a 11 heures
9 commentaires:
Très intéressant billet. Je connais Kauffmann de nom mais j'étais bien jeune à l'époque où il a été pris en otage et je ne m'en souvenais bien évidemment pas. Quant aux autres, en effet, personne ne s'en souvient malheureusement... :(
Je me souviens de tous mais bien déçue par Ingrid Betancourt...
Je me souviens de tous aussi. Et même si Ingrid Betancourt a eu une attitude discutable, qui peut dire comment on sort d'une telle captivité ? Et son livre m'a beaucoup touchée alors que j'hésitais à le lire.
Un devoir de mémoire autour d'une table, des mots et des mets.
Je me souviens aussi de tous et pas question d'oublier.
Je me souviens de ces noms , ça doit marquer une vie , tout comme ces prisonniers pendant la guerre qui avait beaucoup de mal à raconter .
Je me souviens de ces quatre visages ...
J'ai lu le livre de Marie Seurat, bouleversant ...
Bisous Ppn et comme je suis souvent dans la lune je n'avais pas vu que tu n'étais plus dans mes liens, ce que je vais m'empresser de réparer ...
Douce soirée.
Marie-Ange
Je me souviens de tous, mais c'est peut-être parce que je suis aussi journaliste, même si mes reportages les plus aventureux ont généralement lieu dans des salons professionnels ! De Jean-Paul Kauffman je me souviens surtout d'une photo prise à son retour en France quand il découvre son fils qui devait être adolescent, son air de stupéfaction et d'incroyable bonheur… Je vais chercher le livre dont tu parles.
@ Marie-Ange, ouf, me voilà rassurée ;)
@ Satsuki, le livre est vraiment bien, sans prétention mais très agréable. Effectivement, ses fils ont 15 et 16 ans quand il achète cette maison, moins d'un an après son retour du Liban.
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