Écrire une biographie ne doit pas être un exercice facile. Comment trouver la bonne distance avec le "sujet" choisi, comment ne pas tomber dans l'hagiographie, comment faire le tri parmi toutes les sources disponibles et n'en retenir que l'essentiel ? Je viens de terminer "La Vie d'Irène Némirovsky" d'O. Philipponnat et P. Lienhardt, lecture laborieuse que j'ai failli abandonner maintes fois. Commencée en Inde, lâchée pour des romans autrement passionnants ("L'Ombre du Vent" de Carlos Luis Zafon pour n'en citer qu'un), j'y suis revenue à mon retour en France, désireuse de ne pas être trop absorbée par un livre vu tout ce qu'il me restait à faire. Ses biographes auraient dû titrer leur livre "Vie et œuvres d'Irène Némirovsky" tant ils ont consacré une part importante aux commentaires de textes (ce qui a contribué selon moi à le rendre indigeste) et à la description des personnages nés de l'imagination de cette auteure ô combien féconde. Entre 1929, date de la parution de son premier roman, David Golder, et 1940, elle publiera neuf romans et un nombre impressionnant de nouvelles, et lorsqu'elle sera arrêtée puis déportée en 1942, elle aura encore trois romans sous le boisseau qui ne paraîtront qu'après sa mort. Je l'ai découverte comme beaucoup lorsqu'en 2005 est parue sa "Suite française". On connaît l'histoire, abandonné sous forme de carnets le 13 juillet 1942, au moment de son arrestation par deux gendarmes français, son manuscrit sera déchiffré et dactylographié par sa fille Denise, plus de 60 ans après. Succès immédiat qui permettra à ma génération et aux suivantes de découvrir un écrivain à la plume acérée et terriblement moderne. En fait, il est une chose qui m'a frappée dans la vie d'Irène Némirovski c'est son rapport au métier d'écrivain. Car écrire pour elle est vite devenu une nécessité, un gagne-pain. Au début de la guerre, son mari, Michel Epstein, est un employé de banque zélé qui, parce qu'il est juif, va être remercié par ses employeurs. Du jour au lendemain, Irène se retrouve soutien de famille et va écrire de façon effrénée des livres, des nouvelles, souvent sous forme de feuilletons dans les journaux de l'époque (y compris dans "Gringoire" aux forts relents d'antisémitisme) et des articles comme critique littéraire. Elle assure elle-même la promotion et l'après-vente de ses œuvres, à la fois agent auprès de ses éditeurs, d'abord Bernard Grasset puis Albin Michel, et attachée de presse auprès des journalistes. Au plus fort de l'occupation allemande - où elle et son mari choisissent de rester en zone occupée - elle sollicite avec une confondante inconscience un ausweiss à la Kreiskommandatur d'Autun afin de se rendre à Paris faire valoir ses droits auprès de son éditeur ! Erreur fatale, elle est conduite d'abord au camp de Pithiviers puis se retrouve dans un wagon à bétail à destination d'Auschwitz-Birkenau où elle ne vivra pas plus d'un mois. Pas une seconde elle n'avait songé à quitter la France, le "plus beau pays du monde", simplement parce que de son travail d'écrivain dépendait sa survie, celle de son mari et de leurs deux petites filles.
légère
Il y a 11 heures
12 commentaires:
je n'ai pas lu les écrits d'Irène Némirovski mais j'ai beaucoup aimé l'ombre du vent quand je l'ai lu!http://blog.mariemadeleine.info/post/2010/01/06/voyages
Merci pour cette belle évocation qui me rend curieuse
Marie-Madeleine, puisque tu es d'humeur paresseuse en ce moment (;=)) je te conseille de commencer par "Le bal", une nouvelle dans laquelle tout le style d'Irène Némirovsky est déjà présent.
J'ai le Zafon depuis 18 mois sur la table basse, impossible de m'y mettre et pourtant je le regrette.
merci pour ce bon billet. Dans le même genre je te recommande une bio de Louise de Vilmorin " Je suis née incosolable" de Françoise Wagener. Cette femme née au début d'une siècle dernier était d'une modernité incroyable....tu devrais aimer ;-)
Je n'ai pas accroché à sa "Suite française". Je vais peut-être essayer la nouvelle que tu conseilles à Marie-Madeleine (même si je lis très peu de nouvelles).
J'ai adoré la Suite française..Je fais encore un essai, on verra bien...
@ Heure-bleue : contente que ça ait marché cette fois. Comme je modère les commentaires, je me suis dit que ce n'était pas la peine d'avoir en plus le filtre des mots à écrire et je l'ai supprimé. C'est peut-être ce qui posait problème ...
Je lis en ce moment "Le vin de solitude", beau mais désespéré (surtout les rapports mère-fille ...)
Irène Némirovsky, une femme dont l'histoire m'a beaucoup touchée. J'ai lu La Suite française et le Bal. J'aime aussi sa plume alerte et son stytle.
Je me suis plongée dans la vie d'Einstein! tu crois que ça va me rendre super-intelligente?? :-))
@ Lakevio, d'elle j'ai lu Suite Française, Le Bal, et Chaleur de Sang (remarquablement bien construit, je m'étonne que personne n'ait pensé à en faire un film). Je suis en train de lire "Le vin de solitude" très autobiographique mais l'indifférence de la mère et la haine que finit par lui vouer la fille me mettent mal à l'aise. Je l'ai mis de côté pour l'instant.
@ Marie-Madeleine, je vois ce que tu voulais dire par "je ne lis plus de romans" ;)
Passionnant ! Ça fait des années que j'hésite à la lire (pour les livres, je crois que le moment est important) mais là, je crois que je vais me jeter dessus !
@ Satsuki, merci c'est encourageant !
Je te conseille la Suite Française ou Chaleur du Sang, ou même de commencer par Le bal. Tu te rendras compte très vite si tu accroches ou pas. Je comprends que l'on aime ou pas, selon chacun. En tout cas, je ne te conseille pas la bio :(
Une de ses filles a écrit un livre de souvenirs que je n'ai pas lu. Son nom te dira peut-être quelque chose, Élisabeth Gille. Elle a eu son heure de gloire avec "Le crabe sur la banquette arrière" où elle racontait avec beaucoup d'ironie son cancer. Cancer qui malheureusement, a été le plus fort ...
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