Une fois n'est pas coutume, je vais emprunter les mots d'une autre pour raconter ma propre histoire. Josette C. est de la même génération que ma mère et a vécu sa jeunesse dans le même village d'Algérie qu'elle. Pendant un récent séjour chez mes parents, j'ai lu son livre de souvenirs et j'ai recopié - non sans une certaine nostalgie - les passages où elle parlait de ma famille.
Ainsi, à propos de la librairie que tenait ma grand-mère Irène : "Souvent durant ma promenade, mes pas me portaient vers la librairie de Madame Sanchez située sur le Boulevard National. Sa boutique était le palais des mirages de mon adolescence. Avant la rentrée des classes, nous allions avec quelques camarades contempler les trésors qui s'y trouvaient : les plumiers en bois à compartiments au couvercle orné de paysages, les premiers stylo-billes "Bic", les taille-crayons de différentes formes qui récupéraient les copeaux, les ardoises magiques qui s’effaçaient sans éponge, et enfin les cahiers Gallia ou Clairefontaine qui nous accompagnaient toute l'année scolaire avec au verso, les tables de multiplication. Nous prenions plaisir à caresser la première page avant de la noircir ou la bleuir avec les fameuses plumes Gauloise ou Sergent Major".
Témoignage encore plus précieux à mes yeux, Josette évoque mon arrière-grand-mère, l'abuela (prononcer l'aouéla), que je n'ai pas connue, une maîtresse femme selon la légende familiale. "Maman avait acheté au village des étoffes chez Madame Navarro et Monsieur Elbaz, négociants en tissus [...]. Habituellement, une fois les tissus choisis, notre couturière, Tia Remedios, venait à la maison pour confectionner nos tenues mais l'âge faisant, elle fut remplacée par une autre personne qui était très habile pour coudre et faire les finitions des vêtements, mais nettement moins douée pour la coupe et l'essayage."
Plus loin, elle parle d'un de mes "oncles" (en fait un cousin par alliance de Maman) en ces termes : "En cours de chemin, je récupérais mon amie Lydia Diaz, puis nous partions pour l'école. En passant devant l'atelier de ferronnerie de son père, une gerbe d'étincelles jaillissait de la forge, éclairant par là-même son frère aîné Albert d'une auréole irréelle et magique."
Voilà, ce sont des petites tranches de vie, d'une vie simple aujourd'hui disparue mais quelle chance pour moi d'en avoir eu un petit aperçu. Merci infiniment Josette pour cet inestimable cadeau.
Sur la photo, ma grand-mère, ma mère et mon oncle dans la fameuse librairie qui faisait aussi office de bureau de tabac et "dépôt Hachette".
Ainsi, à propos de la librairie que tenait ma grand-mère Irène : "Souvent durant ma promenade, mes pas me portaient vers la librairie de Madame Sanchez située sur le Boulevard National. Sa boutique était le palais des mirages de mon adolescence. Avant la rentrée des classes, nous allions avec quelques camarades contempler les trésors qui s'y trouvaient : les plumiers en bois à compartiments au couvercle orné de paysages, les premiers stylo-billes "Bic", les taille-crayons de différentes formes qui récupéraient les copeaux, les ardoises magiques qui s’effaçaient sans éponge, et enfin les cahiers Gallia ou Clairefontaine qui nous accompagnaient toute l'année scolaire avec au verso, les tables de multiplication. Nous prenions plaisir à caresser la première page avant de la noircir ou la bleuir avec les fameuses plumes Gauloise ou Sergent Major".
Témoignage encore plus précieux à mes yeux, Josette évoque mon arrière-grand-mère, l'abuela (prononcer l'aouéla), que je n'ai pas connue, une maîtresse femme selon la légende familiale. "Maman avait acheté au village des étoffes chez Madame Navarro et Monsieur Elbaz, négociants en tissus [...]. Habituellement, une fois les tissus choisis, notre couturière, Tia Remedios, venait à la maison pour confectionner nos tenues mais l'âge faisant, elle fut remplacée par une autre personne qui était très habile pour coudre et faire les finitions des vêtements, mais nettement moins douée pour la coupe et l'essayage."
Plus loin, elle parle d'un de mes "oncles" (en fait un cousin par alliance de Maman) en ces termes : "En cours de chemin, je récupérais mon amie Lydia Diaz, puis nous partions pour l'école. En passant devant l'atelier de ferronnerie de son père, une gerbe d'étincelles jaillissait de la forge, éclairant par là-même son frère aîné Albert d'une auréole irréelle et magique."
Voilà, ce sont des petites tranches de vie, d'une vie simple aujourd'hui disparue mais quelle chance pour moi d'en avoir eu un petit aperçu. Merci infiniment Josette pour cet inestimable cadeau.
Sur la photo, ma grand-mère, ma mère et mon oncle dans la fameuse librairie qui faisait aussi office de bureau de tabac et "dépôt Hachette".
9 commentaires:
C'est chouette qu'un livre retrace ce que tu as connu .
Je ne sais si je trouve plus beau le style de Josette ou le fait que des morceaux de la vie de ta famille se retrouvent dans un livre.
En tout cas, j'en suis toute émue :)
Existe t-elle encore cette librairie ?
Très émouvant voyage dans le temps.
Une double nostalgie se dégage de tout cela, celle d'une époque disparue mais aussi d'un pays à jamais perdu pour des gens qui y étaient pourtant nés et l'aimaient.
@ Brigitte, en fait, je ne l'ai pas connue. J'ai quitté l'Algérie à 4 ans mais on m'en a beaucoup parlé.
@ Lilie, tu as remarqué qu'on donnait à l'époque du "tia" à une personne âgée sans lien de parenté mais respectée comme les Indiens disent "auntie" et "uncle" ?
@ Valérie, hélas, non, elle n'a pas survécu à l'indépendance. Mon grand regret est qu'Hachette avait offert à ma grand-mère de reprendre une gérance à son arrivée en métropole mais elle a refusé :(
@ Mab, oui, très.
@ Hermione, tu as raison ...
Oui, j'ai tiqué aussi sur le "tia", ça me rappelle l'Inde avec ses "uncle", "amma" ou "didi" !
J'ai eu un peu le même choc un jour en regardant le JT (ça fait déjà facilement 7-8 ans).
Ils parlaient de bandes rivales qui se jetaient des pierres dans une petite ville d'Algérie.
Il s'agissait de "Médéa", où habitaient mes grands-parents. Et au cours du reportage, on voit une boutique : "Le Bébé Rose" dont j'ai entendu parler si souvent dans mon enfance, celle que tenaient les parents de ma mère. J'ai failli pleurer.
Tout était encore comme dans les souvenirs qu'on m'avait racontés, mais avec le rideau de fer baissé et des éclats dans la vitrine.
Incroyable.
J'ai longtemps hésité à en parler à ma grand-mère puis je l'ai fait. C'était hyper émouvant :)
C'est très émouvant ces évocations de nos aïeux par d'autres§ surtout en ces termes.J'ai agrandi la photo et vu ce"palais des mirages" d'adolescence. Quelle belle image! tu peux être fière
Super billet empli de nostalgie. Quelle chance de lire ce dont on a entendu parler. Une trace, une preuve du passé. Très émouvant.
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